Nous avons passé la matinée avec une jeune étudiante américaine et échangé avec une citoyenne installée à La Rochelle, en Charente-Maritime. Toutes deux oscillant entre désarroi, colère, angoisse et incompréhension.
Les États-Unis connaissent désormais leur 47ᵉ président : Donald Trump. Durant la nuit de mardi 5 à mercredi 6 novembre, les résultats ont aussi été suivis de très près depuis chez nous, en Charente-Maritime, par des citoyens américains.
Le Kentucky à Donald Trump, le Vermont à Kamala Harris, puis l’Indiana, la Virginie-Occidentale, la Floride et le Texas… Durant la nuit, les victoires se sont enchaînées pour l’ancien président et candidat Républicain à l’élection américaine, face à sa rivale démocrate.
Ce mercredi 6 novembre, comme tous les matins, Evelina Büschgen, étudiante américaine de 19 ans venue étudier un semestre en France, s'est rendue à l’université de La Rochelle (Charente-Maritime). Mais en ce jour de résultats, elle se sent suivie par un “nuage de malheur”. Sur le chemin, la tête penchée sur son téléphone, elle regarde avec anxiété les résultats qui tombent un à un pour chacun des 50 États.
Je ne m’attendais pas à autant. Je me sens malade et nerveuse. Parfois, je me sens presque honteuse d’être américaine quand je vois que c’est aussi serré, ça ne devrait pas l’être.
Evelina Büschgenétudiante américaine à La Rochelle
“Oh mon Dieu, c’est beaucoup”, souffle-t-elle à mesure que la vague rouge, couleur des Républicains, déferle. “Je ne m’attendais pas à autant. Je me sens malade et nerveuse. Parfois, je me sens presque honteuse d’être américaine quand je vois que c’est aussi serré, ça ne devrait pas l’être”, explique-t-elle, une moue dépitée, alors que les résultats n’étaient pas encore définitifs.
Une élection et un changement de vie
En fin de matinée, tandis que Donald Trump atteint 277 grands électeurs, soit sept de plus que les 270 requis dans la course à la Maison-Blanche, Maria* refuse encore de s’avouer vaincue tant que les votes de tous les États n’ont pas été comptabilisés. D’origine mexicaine et ayant la double nationalité américaine depuis 2004, son mari est né au Texas. Depuis quarante ans, ils vivaient dans l’Illinois, un pays démocrate, jusqu’à ce qu’ils décident il y a quatre mois de venir s’installer à La Rochelle, là où elle avait effectué un échange lors de ses études.
Maria* précise ce choix de parcours : “Nous sommes venus parce que nous voulions apprendre le français et échapper à l’élection au cas où le monstre gagne. En cas de victoire, nous avons prévu de rester ici, car nous avons perdu la foi en notre pays”. Mais elle veut rester confiante sur les gardes fous politiques : “Le mur bleu est encore sur pied. Il reste des forces invisibles qui fonctionnent pour empêcher ce qu’il veut faire, comme sortir de l’Otan”.
En cas de victoire, nous avons prévu de rester ici, car nous avons perdu la foi en notre pays.
Maria*mexicano-américaine venue récemment à La Rochelle
Outre les projets de Donald Trump, Evelina, depuis un café où elle s'est installée, évoque également sa condamnation et ses propos sur l’environnement, les femmes et les minorités, qui l’”horrifient” : “Au fond de moi, je me sens dupée”, regrette-t-elle.
Déception de mise
Quant à Maria*, elle n’hésite pas à balayer d’un revers de main “l’image d’un pays de liberté et d’égalité” : “Non, c’est devenu un pays horrible. Les monstres ont tout changé. Quand il était au pouvoir, j’étais physiquement et émotionnellement malade. Sa réélection est une véritable catastrophe”, soutient-elle.
Et pas seulement pour les États-Unis, avec des répercussions attendues à l’international : “Il risque d’y avoir un effet boule de neige”, indique Maria.
Evelina, originaire de Charleston, ville bleue dans un état rouge, abonde : “J’ai le sentiment que l’on repart en arrière dans l’histoire, avec la montée du fascisme. Quand j’ai appris ça en cours je me suis demandé comment c'est possible que ça arrive et maintenant j’en suis témoin dans mon pays, c'est juste fou.”
Malgré ce goût amer laissé par la confirmation des résultats, toutes deux sont heureuses d’avoir pris soin de voter par correspondance il y a quelques semaines. Un geste important à effectuer, même depuis la France, comme le défend Evelina : “C’est l'une des choses les plus importantes que l'on puisse faire en tant que citoyen. C’est la première élection où je peux voter, mais pour moi ça semblait plus important que les autres.”