Le parquet a notamment requis cinq ans d'inéligibilité à l'encontre de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics dans le procès pour l'emploi fictif d'assistants parlementaires européens. Depuis les politiques de tous bords commentent ces réquisitions, y compris en Haute-Vienne. Certains les qualifient d'antidémocratiques. Nous avons demandé l'avis d'un politologue.

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Au tribunal correctionnel de Paris ce 13 novembre, les procureurs Nicolas Barret et Louise Neyton ont requis cinq ans de prison, dont trois avec sursis, 300 000 euros d'amende, et cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire contre la cheffe de file du RN, pour détournement de fonds publics.

"Ce sont des réquisitions disproportionnées et outrancières", dénonce le délégué régional du RN de la Haute-Vienne, Albin Freychet, reprenant les mots de Marine Le Pen à la sortie de l'audience."Il n'y a rien dans le fond du dossier, ce dossier est complètement vide. C'est un procès initié par des politiques, contre des politiques, et dans l'intérêt de certains politiques", commente le représentant local du Rassemblement national.

"Les faits qui vous sont soumis présentent un caractère inédit par leur ampleur, leur durée et le caractère organisé, systémique et systématique de leur commission", a déclaré la procureure Louise Neyton lors de son réquisitoire. Les sommes détournées représentent plus de quatre millions d'euros, sur plus de dix ans. 

Antidémocratique ?

Ce qui agite essentiellement la classe politique dans ce réquisitoire, c'est la demande d'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité. Elle signifierait, si elle était prononcée par les juges, que Marine Le Pen ne pourrait pas se présenter aux prochaines élections présidentielles en 2027.

Jugée "antidémocratique" par le président du Rassemblement national Jordan Bardella, cette possible inéligibilité est aussi critiquée par des figures nationales comme Éric Ciotti ou Gérald Darmanin, et par des figures locales comme Guillaume Guérin, président LR de Limoges Métropole.

"Moi, je n'ai qu'une peur, c'est que déclarer Madame Le Pen dans l'incapacité de concourir à la prochaine élection présidentielle ne va faire que creuser le fossé entre la base des citoyens et cette élite parisienne du système. Procéder ainsi la victimise" déclare Guillaume Guérin.

Pour la première secrétaire du Parti socialiste de la Haute-Vienne Gulsen Yildirim, qui est aussi professeure de droit, ces prises de position risquent surtout de fragiliser l'impartialité de la justice : "Ce n'est pas le sort de Marine Le Pen qui leur importe, c'est un message qui est envoyé aux électeurs du Rassemblement national. Instrumentaliser la justice et sous-entendre que la justice est partiale, c'est grave, dans la mesure où l'indépendance de la justice est un pilier essentiel de l'État de droit. Quoi qu'on pense de Marine Le Pen, que l'on soit pour ou contre ses idées, elle n'est pas au-dessus des lois, et comme tout justiciable, si elle est condamnée par la justice, elle devra subir sa peine. Si le tribunal suit les réquisitions du parquet, il ne fait qu'appliquer la loi, qui a été votée par le Parlement, et qui est la même pour tous", explique-t-elle.

Ce qui nous tient ensemble, c'est une règle de droit, c'est ce qu'on a de plus précieux.

Ludovic Lenoir

Politologue

"Il y a des règles de financement des partis politique, et personne ne peut s'en acquitter"

"Le fait que l'on suscite un mouvement d'adhésion qui s'est traduit dans les urnes ne remet pas en cause les règles procédurales de l'élection. Quand on veut se faire élire, on doit disposer de ses droits, c'est un élément essentiel de la démocratie", rappelle le politologue enseignant à Sciences Po Bordeaux, Ludovic Renoir."Il y a des règles de financement des partis politique, et personne ne peut s'en acquitter".

Pour rappel, pour toute personne reconnue coupable du délit de détournement de fonds public, une peine complémentaire d'inéligibilité obligatoire est prévue par l'article 131-26-2 du Code pénal.

"La réaction de Darmanin, c'est une façon d'exister sur la scène politique. Si les élus locaux font de même, il faut s'interroger sur les prochaines élections. Beaucoup d'élus locaux sont très inquiets de la montée du vote RN dans leurs territoires. On essaie de séduire en rejoignant ce que pense cet électorat d'une élite bien pensante et déconnectée. Mais ce qui nous tient ensemble, c'est une règle de droit. L'État de droit tient par des règles, c'est absolument essentiel, c'est ce que l'on a de plus précieux" affirme le politologue.

Selon lui, la contestation des élites, la situation politique nationale de la France et l'évolution de la communication avec des réseaux sociaux qui incitent à des positions clivantes et exacerbées expliquent les réactions à ce procès. Et il invite à prendre de la distance : "Ce ne sera pas la première personnalité politique à voir ses ambitions présidentielles contrariées par une décision de justice", rappelle Ludovic Renoir, faisant référence aux cas d'Alain Juppé, de François Fillon ou encore de Dominique Strauss-Kahn.

Le tribunal correctionnel de Paris rendra sa décision début 2025.

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