"Les applis sont faites pour vous rendre accro" : TikTok, Snapchat et Instagram, un danger pour les jeunes ?

Déjouer les addictions, et conserver le plaisir, c'est le conseil du psychiatre Laurent Karila dans son dernier ouvrage qu'il est venu présenter à Rochefort en Charente-Maritime. Il donne l'alerte sur l'usage des réseaux sociaux, notamment chez les jeunes, et propose les bonnes habitudes à adopter.

Comment savoir si je suis addict ? Où est ce point de bascule ou le plaisir peut se transformer en risque ou danger ? C'est vrai pour l'addiction à l'alcool, aux jeux, à l'acte d'achat et la liste est longue. Et surtout, aujourd'hui, le risque commence de plus en plus jeune avec l'addiction aux réseaux sociaux. 

"Docteur : addict ou pas ?", le psychiatre Laurent Karila livre dans son dernire ouvrage les conseils et recommandations pour sortir de ce qu'il appelle "le process addictif" : "J’ai créé un moyen mnémotechnique, les 5C : perte de contrôle comportemental, usage compulsif, "craving", c'est-à-dire une envie irrépressible de consommer, usage continu, consommation régulière avec des conséquences sur notre vie sociale, physique, psychique, environnementale. Si ces cinq paramètres sont présents pendant un an, c'est de l'addiction."

Le champ des addictions est très large et varié. Certaines sont désormais connues comme les addictions alimentaires, l'addiction au sport (bigorexie) ou celles aux cannabinoïdes de synthèse. D'autres restent rares, selon le psychiatre, comme la tanorexie, l'addiction au bronzage. D'autres encore se répandent : les jeunes notamment seraient de plus en plus accros à la chirurgie esthétique.

Les réseaux sociaux faits "pour rendre accro"

Une autre addiction suscite déjà le débat : les réseaux sociaux. "Les applis sont faites pour rendre accro, pour rester le plus longtemps possible sur n’importe quel type de réseau social et regarder, regarder, regarder, faire du swipe", martèle Laurent Karila.

En 2023, une commission parlementaire s'était emparée du sujet de l'influence de TikTok, le réseau social chinois qui revendique 21,4 millions d'utilisateurs en France et dépasse le milliard d'inscrits dans le monde. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, a présidé cette commission parlementaire. Il a expliqué avoir "constaté que les responsables auxquels nous avons eu affaire n'ont pas eu à cœur de travailler avec nous et de nous donner des réponses claires. Raison pour laquelle nous avons listé un certain nombre de demandes dans ce rapport."

La commission a en effet émis plusieurs recommandations, notamment un système de vérification de l'âge et de blocage du temps passé sur TikTok pour les mineurs. Les jeunes seraient en effet particulièrement séduits par l'application. Dans son rapport, la commission parlementaire indique que les 4-18 ans passent 1h47 par jour sur TikTok. 63% des Français de moins de 12 ans y seraient d'ailleurs inscrits, alors que l'âge minimum est en théorie de 13 ans. 

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Le rapport pointe aussi la responsabilité de l'algorithme de recommandation, qualifié de "point fort incontesté de la plateforme." "Plus ils regardent un certain type de vidéos, plus l’algorithme va les orienter vers ce type de vidéos, et on va leur proposer d'autres types de contenus", ajoute Laurent Karila.
"TikTok les garde le plus longtemps possible pour analyser un max de données et aussi envoyer un max de contenus qui vont générer de l'argent pour l'application." 

Une adolescente rencontrée dans le cadre d'un reportage racontait par exemple avoir été "choquée par certaines vidéos, donc je dis que je ne suis pas intéressée mais ça m'envoie quand même du contenu différent et un peu choquant, et qui est inapproprié pour cette plateforme."

Les conséquences pour les jeunes utilisateurs sont nombreuses. Selon Laurent Karila, les réseaux sociaux, dont TikTok, sont des "distracteurs attentionnels hyper importants. Dans une phase d’études, de révision d’examens et même pour faire leurs devoirs, ça perturbe l'attention des jeunes et leur concentration. TikTok ne rend pas schizophrène, bipolaire ou autiste. Mais ça peut rendre un peu plus triste, anxieux, générer des troubles du sommeil."

Les réseaux sociaux peuvent rendre un peu plus triste, anxieux, générer des troubles du sommeil.

Laurent Karila

Psychiatre

Cette addiction peut aussi créer des problèmes physiques, "pas à cause du réseau social en lui-même, mais plutôt l'utilisation du smartphone qui est une matrice intermédiaire, qui envoie des diodes colorées. Cela va perturber la vision, perturber le sommeil et des épidémies de myopie comportementale."

TikTok en difficulté

En décembre 2023, le sénateur Mickaël Vallet avait affirmé que la commission "regarderait à nouveau ce que TikTok a mis en place." Un délai de six mois avait été donné à l'entreprise pour répondre aux questions laissées sans réponse et appliquer les recommandations du rapport. Le Sénat avait également prévu une possible suspension en cas d'absence de réponse de la part du réseau social chinois.

La Commission européenne a, elle, décidé de lancer une procédure contre TikTok après le lancement de TikTok Lite, qui permet aux utilisateurs de gagner de l'argent en visionnant des vidéos. Aux États-Unis, la plateforme est également chahutée car ByteDance, la maison-mère de TikTok, refuse de vendre le réseau social pour respecter la législation américaine.

Le mot-clé, c’est autoréguler, mais tous ensemble.

Laurent Karila

Psychiatre

De nouvelles habitudes peuvent déjà être mises en place. D'après Laurent Karila, "les parents doivent être modèles déjà. Il n'y a pas de consensus et de recette miracle. Il faut avoir des habitudes de consommation par rapport à tous ces écrans : éviter les médias multi-tâches, regarder la télé et son smartphone en même temps, avoir des temps de consommation. Le mot-clé, c’est autoréguler, mais tous ensemble." Le psychiatre conseille également de s'adresser à des associations d’anciens addicts, à des patients experts, aux groupes sur les réseaux sociaux et de "ne pas hésiter à aller consulter dans un centre d’addictologie."

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