Livre : "L'étonnant destin de Samuel Champlain", un gosse de Brouage qui a fondé la ville de Québec

Le Rochelais Joël Selo pensait écrire une fiction sur un enfant de Brouage au XVIème siècle. Après quinze de recherches historiques, c'est une nouvelle histoire romancée de Samuel Champlain, fondateur de la ville de Québec, qu'il nous offre dans son dernier livre.

Dans le tiroir de l'armoire de ses grands-parents à Brouage, Joël Selo, enfant, avait toujours été intrigué par ce vieux livre avec ces gravures d'un autre temps et ses pages aussi jaunies que fragiles. Sur la couverture, on pouvait lire : "Atlas des enfants ou nouvelle méthode pour apprendre la géographie". Un livre d'école donc qu'il ne pouvait consulter qu'en présence de sa grand-mère. "Elle avait surtout peur que le tiroir me tombe sur la tête", explique-t-il. C'est une réédition mais l'original datait, semble-t-il, du XVIème siècle. C'est cet objet inestimable qui l'a tout d'abord poussé à écrire son dernier roman

"Je voulais raconter l’histoire d’un petit garçon qui vit à Brouage à cette époque-là. Que mangeait-il, comment était-il habillé, les protestants, les catholiques, les guerres, les moustiques, les tueries, les exactions, etc", explique ce coiffeur à la retraite, "Champlain, on ne sait rien de lui parce qu’il est taisant et on n’a aucune image de lui. Alors je n'imaginais pas pouvoir écrire un livre sur lui".

Allène, le capitaine provençal

Féru d'histoire, Joël Selo connait toutes les controverses et les polémiques autour du fondateur de Québec et du premier gouverneur de la Nouvelle-France. De sa véritable date de naissance à ces écrits remaniés par les Jésuites, de ses inexpliqués talents de cartographe à ses supposées origines royales ; les querelles d'historiens des deux côtés de l'Atlantique sont sans fin quand on parle de Champlain. Des bisbilles d'exégètes qui agacent au plus haut point le romancier autodidacte. Après tout, Champlain, c'est un gosse de Brouage, comme lui. "En fait, c’est une histoire très simple. Il n’y a pas besoin d’en rajouter", s'énerve-t-il.

C'est donc à un hommage à son village d'enfance qu'il s'attelle. "Ma famille est originaire de Brouage depuis l’époque de Champlain et de sa création en 1555". Jusqu'au jour où, par hasard, il tombe aux archives départementales sur des documents signés par un certain Guillaume Allène, oncle par alliance de Champlain.

"J’avais entendu parler de ce Guillaume Allène dit le capitaine provençal", explique Selo, "il est le pilote d’un bateau « Le Prince » qui est deux fois et demi plus grand que l’Hermione. C’est le corsaire préféré de la Reine de Navarre qui l’appelle « le plus grand marin de France » et c’est lui qui emmène Henri IV par deux fois à Brouage. Il a beaucoup navigué sur le Saint-Laurent. C’est un personnage tellement extraordinaire que j’aurai pu en faire un roman. Mais je me suis dit : et si c’était lui qui avait fabriqué Champlain ? Quand on est le neveu d’un tel personnage, on ne peut être qu’inspiré".

Brouage, le plus grand port de France

C'est donc notamment à partir des quelques cent-cinquante actes notariés qu'il a patiemment déchiffré sur le capitaine provençal que va s'écrire cette enfance romancée de Champlain. "Comment est-ce qu’un petit garçon de famille modeste dont le père est pilote portuaire a pu devenir un grand de France ?", se demande quatre siècles plus tard le Brouageais. Il ne prétend pas apporter toutes les réponses mais la passion de ce marin expérimenté pour son village fortifié de Charente-maritime l'a emmené à tirer des bords dans les méandres de l'histoire et de ce qui s'appelait alors le golfe de Saintonge.

"A l'époque, Brouage, c’est le plus grand port de France, même peut-être d’Europe", explique Joël Selo, "c’est tous les jours une centaine de bateaux qui attendent d’être chargés de sel. Le sel, c’est le nerf de la guerre, c’est le pétrole de l’époque. On se bat pour le sel, on trafique avec le sel, on meurt pour lui. Les parents de Champlain n’étaient donc pas des gens pauvres. La charge de pilote, c’était une source de revenus".

Dans ce roman, on croise donc Jacques II de Pons, créateur de Jacopolis-sur-Brouage, Charles Leber du Carlo, ingénieur et cartographe, Antoine Champlain, le père et Marguerite Le Roy, la mère. On découvre la vie grouillante de cette place forte, enjeu de guerres de religion. "Au XVIème siècle, il était beaucoup plus facile de rallier la Rochelle de Brouage en bateau qu’à pied".

Un grand marin

On découvre aussi donc ce petit Samuel impressionné par son pilote de père et son corsaire d'oncle "provençal" qui, plus tard, écrira: "entre tous les arts les plus utiles et excellents, celui de naviguer m'a toujours semblé tenir le premier lieu : car d'autant plus qu'il est hasardeux et accompagné de mille périls et naufrages, d'autant plus est-il estimé et relevé par dessus tous, n'étant aucunement convenable à ceux qui manquent de courage et d'assurance". Car finalement, c'est cette image de navigateur impétueux que préfère garder Joël Selo. 

"Je ne suis pas convaincu qu’il était vraiment cartographe", s'interroge le romancier, "avant lui, il y avait des gens qui avaient fait des cartes comme Verrazzano et, surtout, Alphonse de Saintonge qui est, pour moi, avec Pierre Dugua De Mons de Royan, le véritable homme du Saint-Laurent et c’est lui qui aurait dû être considéré comme le découvreur. Les Canadiens avaient besoin d’un héros et c’est quand même Champlain qui le premier a fait autorité de s’installer à Québec, de se battre contre les Anglais, d’être fait prisonnier et de revenir. Il a traversé l’Atlantique vingt-et-une fois et c’était le premier à avoir écrit le « Traité de la marine et du devoir d’un bon marinier ». Il faudrait surtout le considérer comme un grand marin, plutôt que de fantasmer sur de supposées origines royales". Parole d'un gosse de Brouage.

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