Faut-il instaurer des tests d'aptitude pour les conducteurs seniors ? Le sujet fait débat depuis plusieurs années en France. Pour les aider à mieux comprendre le code de la route, l'association rochelaise AGIRabcd propose des remises à niveau aux personnes âgées.
Comme tous les jours, une fois sa ceinture bien bouclée, Michel Jondeau part faire un tour en voiture. "Je prends la voiture pratiquement tous les jours, ne serait-ce que pour aller faire les courses. Mes distances sont assez limitées parce qu'il n'y a pas lieu de le faire, je ne roule pas pour rouler. Ça s'est bien réduit maintenant, parce qu'il y a des trajets que je ne fais plus. C'est important de rouler parce que c'est pratique, mais autrement, je ne pars pour faire 50 km pour mon plaisir. Mais j'aime bien conduire, c'est agréable, surtout avec les voitures qu'on a."
Savoir arrêter de conduire au bon moment
Arrêter de conduire, la question ne se pose pas, "pour l'instant", rajoute-t-il. À 77 ans et plus de 50 ans, avec le petit papier rose, ce retraité n'a aucun mal à prendre le volant. Mais il sait bien que ça ne durera pas toujours. "En approchant les 80 ans, j'espère juste prendre la même décision que mon père. La dernière sortie qui l'a faite avec ma maman, il s'est fait peur. Il est rentré à la maison, il a posé les clés de la voiture et ne les a jamais reprises. Ce n'est pas évident, mais quand on l'accepte, c'est très bien."
Instaurer des tests d'adaptation de conduite pour les seniors, la question se pose de plus en plus et mérite d'être discuté : "Arrivé à un certain stade, la question se pose", s'interroge Michel Jondeau. "Quand je vois des gens chercher leur pain, dans des grosses voitures, et qu'ils sortent de leur véhicule avec une canne… Ça fait peur ! Mais je ne les condamne pas non plus. Tout ce que je demande, c'est d'avoir le déclic ou, par la force des choses, arrêter au bon moment."
Proposer des cours de code la route aux personnes âgées
Dans la résidence où il vit depuis plusieurs années, ils ne sont plus qu'une quinzaine à conduire. Pour la première fois, la direction de cette structure pour seniors propose un cours de remise à niveau du code de la route, animée par des bénévoles et ouverts également aux visiteurs de plus de 65 ans. "On organise ces cours parce que nous avons un adhérent de notre association qui a créé des diapositives, destinées aux seniors. On continue maintenant notre activité dans les résidences seniors. La grande majorité ont passé leur permis entre 18 et 25 ans, et n'ont jamais eu de mise à niveau du code la route, alors que beaucoup de choses ont changé : il y a 40 ans, il n'y avait pas autant de carrefours et de ronds-points. Il y a également plein de nouveaux panneaux et de nouvelles zones à 30 ou à 20 km/h", explique Patrick Roucheyroux, délégué départemental de l'ONG AGIRabcd.
Si la méconnaissance reste une des raisons pour lesquelles une remise à niveau pour les seniors est nécessaire, la vieillesse est aussi un facteur à prendre en compte lorsqu'une personne âgée prend le volant. "Plus il vieillit, plus il a des problèmes physiques ou comportementaux. C'est là-dessus qu'il va falloir travailler, et que les seniors puissent devoir dire qu'il n'est plus capable de conduire. C'est dur de pouvoir dire cela, notamment pour ceux qui habitent à la campagne." La question que doivent se poser les seniors en voiture est : "Suis-je capable de continuer à conduire en étant sans danger pour les autres ou pour soi-même ?"
Permettre aux seniors de redécouvrir les dangers sur la route liés à l'âge
En plus de faire un point sur les lois et bons comportements sur la route, ce cours leur donne aussi l'occasion de découvrir ou redécouvrir les risques liés à l'âge. Un point sensible pour Pierre, qui a définitivement claqué sa portière, après l'accident gravissime survenu en juin dernier, dans lequel une petite fille était morte, percutée par la voiture d'une vieille dame. "J'ai hésité à venir assister à cette remise à niveau du code de la route, mais il y a tellement de choses qui ont évolué depuis le moment où j'ai eu mon permis en 1946. Étant donné que j'ai une vue défectueuse, s'il y avait un petit problème, même si j'ai encore toute ma mémoire, il suffit d'une petite faiblesse soudain pour avoir un accident", avoue Pierre Lissandre, retraité. "J'ai décidé d'arrêter la voiture : on voit tellement d'accidents dans les faits divers que ça m'a donné l'envie d'arrêter complètement."
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À chaque accident impliquant une personne âgée, la question d'une limite d'âge pour conduire revient dans le débat public. Pour Anaïs Brillouet, directrice de la résidence rochelaise Villa Opaline, ces séances de code de la route amènent les seniors à réfléchir. "Il y avait beaucoup de questionnements à ce sujet au sein de la résidence : cela a l'air de plaire puisqu'on a plus d'une quarantaine de seniors présents. Cela prouve bien qu'il y a un intérêt à ces problèmes de la route pour les seniors. Beaucoup se demandent : Est-ce que c'est normal de conduire à mon âge ? Est-ce que je devrais arrêter ? Ce n'est pas à nous de leur dire d'arrêter ou de continuer à rouler, mais leur proposer ce genre d'initiatives innovantes, ça permettrait à certains d'avoir un recul. Grâce à ces sessions, ils s'aperçoivent eux-mêmes s'il faut arrêter de prendre le volant ou non."
Selon les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), les 75 ans et plus représentent 15,2 % des morts de la route en 2022. Chiffre inférieur à celui des 18-24 ans (17,2 %), mais supérieur à celui des 65-74 ans (11,6 %) ou des 55-64 ans (12 %).