La Rochelle : les associations d'aide alimentaire face à un "tsunami de la faim"

Nous sommes face à un "véritable tsunami de la faim". Ces mots très forts employés par le Secours Populaire donnent la mesure de la situation. En france, la crise du coronavirus a contraint des millions de personnes à demander l'aide des associations caritatives. C'est aussi le cas à La Rochelle.

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Ça m’a bien aidé j’ai pu ainsi payer mes factures et ça nous a permis de ne pas nous retrouver à la rue.

Benoît s'est résolu à demander pour la première fois de l'aide pour nourrir sa famille. Au début de la période de confinement après avoir perdu son emploi, il a frappé à la porte de Solidarité Courçon, une association aidée par la Banque Alimentaire de Charente-Maritime. Âgé de 32 ans, cet agent d’entretien vit avec sa compagne de 28 ans et leurs trois enfants âgés de 6 ans, 3 ans et 7 mois, leur revenu est actuellement de 604 euros par mois, ce qui ne suffit pas pour faire vivre une famille de cinq personnes.

Sans cette aide nous n’aurions pas pu nous en sortir.

Benoît compte parmi les nouveaux bénéficiaires de la Banque Alimentaire 17. Il fait partie des centaines de personnes que le confinement a privé de toutes ressources. Des familles, des jeunes, des retraités ne sont plus parvenus à assurer le quotidien et tout simplement n'avait plus de quoi s'acheter à manger.

Une explosion des demandes d'aide

A La Rochelle, Banque Alimentaire et Secours Populaire, les deux plus importantes associations caritatives, ont fait le même constat. Depuis le début du confinement, le nombre des demandes d'aides a explosé. La Banque Alimentaire annonce une hausse de 40%. Jean-Louis Rolland, le secrétaire général du Secours Populaire de Charente-Maritime, parle même d'une augmentation de 78% sur la ville de La Rochelle et l'Île de Ré et s'avoue surpris par les chiffres qui, dans le reste du département sont plus proches de ceux constatés au niveau national avec une hausse de 45% en moyenne. 

Les 15 premiers jours du confinement, nous étions les seuls à avoir maintenu les distributions à La Rochelle, alors les personnes qui d'ordinaire s'adressaient à d'autres associations sont venues chez nous. En plus, nous avons été obligés de créer une antenne sur l'île de Ré, ce qui n'était pas prévu."
- Jean-Louis Rolland, Secours Populaire 17

De la pauvreté à la misère

Derrière les chiffres, comme à chaque fois, se cachent des hommes, des femmes et des enfants désespérés qui n'ont pour certains plus rien à manger chez eux. Beaucoup frappent pour la première fois à la porte des associations d'entraide. Parmi eux, on trouve de nombreux salariés, ceux dont les revenus au chômage partiel ne suffisent plus pour faire vivre leur famille, d'autres qui étaient en CDD et se retrouvent sans emploi mais aussi des autoentrepreneurs et des chefs de petites entreprises, privés de travail, et sans aucune rentrée d'argent depuis deux mois. Les femmes seules avec leurs enfants, des retraités mais aussi beaucoup de jeunes, étudiants ou pas, sans aucun argent et des SDF qui ne peuvent plus compter sur les quelques euros récoltés chaque jour dans la rue. Jusqu'alors, tous parvenaient plus ou moins à garder la tête hors de l'eau à condition de ne s'accorder aucun écart, la crise sanitaire vite devenue une crise économique les a fait plonger dans la précarité alimentaire, de la pauvreté à la misère.

"Ça nous a permis de pouvoir manger"

A La Laigne, le mari de Marie, une jeune femme de 28 ans, reconnue handicapée, s'est retrouvé au chômage et le couple qui a quatre enfants a été plongé dans une situation sans issue. Eux aussi ont pu continuer à nourrir leur famille grâce à l'aide de la Banque Alimentaire à travers l'association Solidarité Courçon, installée à St-Jean-de-Liversay. Ils y ont aussi trouvé un soutien psychologique très apprécié.

Cette aide nous a permis de pouvoir manger, en plus nous étions bien servis et les gens de l’association sont très gentils. Même en période de confinement, ils prenaient le temps de parler avec moi, en respectant les distances de sécurité bien sûr.
Marie, bénéficiaire de Solidarité Courçon

"Les colis contenaient des légumes, des desserts comme des compotes, des oeufs et du chocolat pour les enfants. Cela couvrait nos besoins" témoigne la jeune mère. La famille se trouve en grande difficulté car leur petit dernier, âgé de trois ans, connaît d’importants soucis de santé qui ont nécessité de nombreux déplacements à Bordeaux.

Tout est passé dans le gasoil, nous n’avions plus assez pour acheter de la nourriture. 

Marie le reconnaît, la famille va encore avoir besoin d'aide, le temps que son mari puisse retrouver du travail.
Benoît, lui, vient de retrouver un emploi. Il sait qu'il pourra se débrouiller seul désormais et veut faire preuve de solidarité avec les plus démunis.

J’ai encore droit jusqu’à la fin du mois, car je viens de retrouver du travail, cela fait encore une fois. Après cela je laisserai ma place à une autre personne qui en a besoin.
- Benoît, bénéficiaire de Solidarité Courçon

L'aide que sa famille a reçue leur a permis de passer l'obstacle de ces deux mois de confinement.

Nous recevions l’équivalent de 30 euros de course tous les 15 jours, il y avait des conserves, des yaourts, des surgelés et des produits d’entretien. 

Des stocks épuisés en deux mois

Conséquence de cette explosion de la demande, les associations se retrouvent, elles-mêmes, en difficulté face à des stocks qui se sont épuisés plus rapidement que prévu. 
De nombreuses associations qui jusqu'alors ne s'approvisionnaient pas auprès de la Banque Alimentaire sont venues frapper à sa porte. Résultat, les stocks, issus pour l'essentiel des réserves de l'Union Européenne, sont au plus bas et l'argent manque pour pouvoir racheter de la marchandise. Pour Robert Gaillard, le président de la Banque Alimentaire en Charente-Maritime, la situation est grave.

Si j'avais une entreprise, je déposerai le bilan.
- Robert Gaillard, Banque Alimentaire 17

A 77 ans, le retraité de l'industrie agroalimentaire, qui a lui-même surmonté le coronavirus, n'a jamais été confronté à une telle crise.

Aujourd'hui, après le confinement, le Secours Populaire rochelais vient en aide à près de 1.000 bénéficiaires et distribue 300 colis contre 160, il y a deux mois. Des distributions qui sont organisées dans une salle prêtée par la municipalité car les locaux de l'association sont trop exigus pour accueillir tout le monde en respectant les normes sanitaires.

On a épuisé les stocks qui étaient prévus pour aller jusqu'en juillet. Ils ont été tous utilisés pendant ces deux mois donc on a décidé d'acheter car pour nous, il n'est pas question de réduire la quantité de denrée dans les colis.
- Jean-Louis Rolland, Secours Populaire 17

Pendant le confinement, les bénévoles ont apporté en urgence des colis alimentaires aux résidents d'un foyer de jeunes travailleurs parce que les épiceries sociales du quartier étaient fermées. Mais aujourd'hui, alors que toutes les associations ont rouvert leurs portes, le Secours Populaire souhaite limiter le nombre de nouveaux bénéficiaires, même si par principe, aucune demande n'est rejetée.

On demande au CCAS de ne plus envoyer de personnes chez nous car on est à saturation.
- Jean-Louis Rolland, Secours Populaire 17

Pour respecter au mieux les consignes, les bénévoles de la Banque Alimentaire ont, eux aussi, adapter leur mode de distribution. Ils ont également confectionné des colis alors que d'habitude, ils livrent des palettes. 30.000 colis, l'équivalent de 140.000 repas ont été donnés aux associations qui les distribuent à quelques 11.000 bénéficiaires.

"C'est une alerte que je lance"

Pour répondre à ces demandes, Banque Alimentaire et Secours Populaire ont été bien seules jusqu'alors. Le Secours Populaire finance les achats nécessaires pour refaire les stocks sur ses fonds propres et, comme la Banque Alimentaire, il multiplie les demandes de subventions.
Dans les deux cas, le CCAS (Centre Communal d'Action Sociale) de La Rochelle a répondu présent et accordé des aides financières. Des groupes privés comme Vinci ont également fourni de l'argent au Secours Populaire mais du côté de l'Etat, du département, de la Région ou de certaines mairies, rien n'a été acté.
"Pour le moment, je n'ai reçu que des paroles, uniquement des paroles mais elles ne vont pas suffire." Le responsable de la Banque Alimentaire de Charente-Maritime estime être parvenu aujourd'hui au bout de ses moyens.

Je suis très inquiet. c'est une alerte que je lance. La préfecture nous a demandé de répondre à l'ensemble des demandes sur le département. On m'a dit : voilà un fusil, tu peux aller à la guerre les tanks sont derrière, mais dans le fusil, il n'y avait pas de cartouche.
- Robert Gaillard, Banque Alimentaire 17

Le Secours Populaire se retrouve face à la même impasse financière. Les locaux installés dans le centre-ville de La Rochelle vont rester fermés, privant l'association des rentrées financières récoltées lors de la vente des vêtements et des livres alors que personne ne sait si le nombre des bénéficiaires des associations va vraiment baisser dans les prochaines semaines.

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  -A la Banque Alimentaire 17
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