Un agriculteur a comparu devant le tribunal correctionnel de La Rochelle pour "mise en danger de la vie d'autrui". Il est accusé d'avoir foncé sur un convoi de manifestants du Collectif Bassines Non Merci, à La Grève-sur-Mignon en juillet 2019. Le jugement est mis en délibéré.
Les faits remontent au 25 juillet 2019. Ce jour-là le Collectif Bassines Non Merci avait appelé à un rassemblement à La-Grève-sur-Mignon, une commune du Marais Poitevin limitrophe de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres. Les militants du collectif souhaitaient contrôler si les restrictions pour l'arrosage des cultures et le remplissage des réserves d'eau de substitution étaient respectées par les irrigants. Ils avaient conviés des journalistes et des gendarmes à les accompagner dans un climat tendu entre pro et anti bassines, ces retenues d'eau destinées à l'irrigation.
"Ça aurait pu mal tourner."
Les tensions sont encore montées d'un cran ce soir là. Deux irrigants au volant de leurs engins agricoles se sont lancés à vive allure en direction du convoi des manifestants. Ils ont frôlé de très près les piétons et endommagé plusieurs voitures. Le véhicule de nos confrères du Courrier de l'Ouest a été percuté et mis hors d'usage.
Quinze membres du Collectif Bassines Non Merci ont déposé une plainte. Ils disent avoir senti une mise en danger de leur vie, ce jour-là.
Nous avions organisé une caravane citoyenne pour aller sur le terrain et nous avons été intimidés par deux engins agricoles qui ont foncé à vive allure à proximité de nous. On a été très nombreux à ressentir une mise en danger de notre vie de citoyen et on a décidé de porter plainte.
Pour eux, le pire a été évité de justesse.
Ça aurait pu mal tourner. Il y avait des fourches de tracteurs qui étaient à un mètre de nous, ils nous ont frôlé, se sont arrêtés et ont pilé devant nous. Une voiture de journalistes a été emboutie par une fourche. La fourche est rentrée par le derrière de la voiture et est ressortie par l'aile. Heureusement, nous étions sortis des voitures quelques minutes avant.
L'agriculteur poursuivi pour "mise en danger de la vie d'autrui"
Les auteurs des faits, deux agriculteurs ont été poursuivis par la justice. L'un d'eux, âgé de 28 ans, a comparu ce mercredi 13 janvier 2021 devant le tribunal correctionnel de La Rochelle pour "mise en danger de la vie d'autrui". Le second agriculteur, mineur au moment des faits, doit être jugé ultérieurement par le tribunal pour enfants. Vingt victimes se sont portées parties civiles dans cette affaire dont quinze membres du Collectif et un journaliste du Courrier de l'Ouest.
Pour les militants anti-bassines, ce procès devant le tribunal correctionnel de La Rochelle représentait avant tout l'occasion de "défendre coûte que coûte la liberté de manifester et d'exprimer ses opinions et en particulier dans un contexte où des travaux pourraient démarrer ce printemps selon les dires de la Préfecture et des porteurs de projet ".
"On est là pour mettre clairement un terme à ce genre d'exactions. On a le droit de dire nos pensées politiques et ça peut se faire dans le respect."
Délibéré rendu le 10 février 2021
L'avocat des victimes rappelle que les gendarmes présents sur place "ont constaté la vitesse excessive et l'embardée faite à la sortie du chemin" et que "les gendarmes précisent dans leur rapport qu'eux-mêmes ont dû mettre leur propre véhicule en sécurité sur le côté". Il ajoute que pour lui et ses clients, ce procès n'est pas celui des anti et des pro bassines mais celui de la mise en danger de la vie d'autrui et que, quel que soit le jugement qui sera prononcé, on en attend "un apaisement de la situation pour que chacun puisse militer tranquillement".
C'est aussi la liberté d'expression qui est en jeu dans ce procès aujourd'hui.
Devant la cour, le prévenu, un éleveur domicilié dans les Deux-Sèvres, n'a pas reconnu avoir eu l'intention de mettre la vie des manifestants en danger.
La procureure a requis à son encontre une suspension de huit mois du permis de conduire et 300 euros d'amende.
Reportage de Laurence Couvrand, Valérie Prétot et Marion Reiler
Le jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle a été mis en délibéré au 10 février 2021.