Témoignage. "Ce n'est pas quelque chose que l'on dit". Ces femmes victimes de violences conjugales se confient

Publié le Écrit par Céline Serrano et Pascal Foucaud
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Groupes de parole, soins du corps ou cours de boxe, des ateliers proposent aux femmes victimes de violence conjugale des outils pour renouer avec la confiance en soi. Un travail long, et complexe, pour réparer tout ce qui a été abîmé par ces violences qui demeurent difficiles à dénoncer.

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"Ça a commencé par des menaces, des coups dans le mur, et après, sur moi ". Sa parole est hésitante, sa voix mal, assurée. Dix mois après avoir réussi à quitter son compagnon violent, Émilie semble encore choquée et traumatisée par ce que cet homme lui a fait endurer pendant trois ans et demi. Sous emprise psychologique, il lui était impossible de quitter vraiment ce conjoint violent, qui la menaçait et la frappait régulièrement. Jusqu’au jour où Émilie est parvenue à trouver de l’aide : “Grâce à une amie chez qui je me suis réfugiée un soir. J'ai été hospitalisée à la suite de ça, parce que j'étais tout abîmée sur le côté droit. Et après, les gendarmes sont venus le chercher à domicile" raconte cette femme âgée de 45 ans.

Ce n'est pas quelque chose que l'on dit.

Émilie

victime de violences conjugales

"J'étais déjà partie une fois. Parce qu'il buvait, qu'il changeait brusquement de comportement. On accepte parce qu'on se dit toujours que ça ira mieux, je me disais qu'il allait se calmer et en fait pas du tout, la moindre chose pouvait s'envenimer, et du coup, j'arrondissais les angles pour que ça aille", se souvient Émilie, qui allait jusqu'à "dormir dans sa voiture" pour éviter son compagnon.

La mémoire est douloureuse. Émilie ne s'épanche pas. Elle parle de "violences physiques et psychologiques qui généraient de grosses angoisses, une perte de confiance en soi". Pour tenter de s'apaiser, Émilie marche beaucoup, seule, sur les plages de Charente-Maritime. À l’issue de son hospitalisation, elle a bénéficié d'un hébergement d'urgence, et d'un suivi psychologique. "Petit à petit, j'avance. Par contre, la peur est toujours là, parce qu'il me suit toujours, il m'a suivie cet été. C'est très compliqué de regarder tout le temps derrière soi" témoigne-t-elle.

À l’issue de sa garde à vue et de la procédure judiciaire, cet homme violent a dû suivre des ateliers de sensibilisation à la violence. Mais il est à nouveau libre.

Ce samedi, Emilie a participé à la journée "se redécouvrir femme”, organisée avec le centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) par Cécile Provoost, autrice, elle-même victime de violences conjugales : "C'est toujours compliqué de savoir où s'adresser. Au-delà du groupe de parole, on va leur donner des noms, des adresses, pour leur permettre de trouver des réponses. Quand ça m'est arrivé il y a neuf ans, j'ai mis énormément de temps à trouver les bons interlocuteurs", explique-t-elle.

Une journée où par la parole, le regard et les soins au corps, ces femmes violentées apprennent doucement à renouer avec la confiance en soi.

Photographe de mode, Alonso Almeido Castro a déployé éclairages et fond noir pour réaliser leur portrait. "Grâce à mes photos, elles vont voir qu'elles sont belles !", se réjouit-il.

Venue ici pour poser des mots sur son histoire, Virginie, 50 ans, reconnaît les bienfaits de cette séance photo : "Ça me permet de me sentir bien dans ma peau, de reprendre confiance en moi. Ça participe de la reconstruction. En photo, on se voit, vraiment" affirme-t-elle dans un grand sourire.

Ça répare, je n'avais plus envie de rien.

Émilie

victime de violences conjugales

Assise dans un fauteuil sous le regard et les gestes délicats de la maquilleuse, Émilie apprécie ce moment d'attention et de soin qu'elle s'accorde : "Ça me permet de me sentir belle, ça répare, après tout ce temps où je n'avais plus envie de rien" reconnaît-elle.

Trouver des ressources, pour atténuer les stigmates de ces souffrances, dépasser la culpabilité de n'avoir pas su y échapper, se reconnecter à soi, le temps de la réparation est long pour les femmes victimes des violences de leur compagnon. Le sourire rayonnant de Virginie est, pour toutes, porteur d'espoir.

Selon les données de l'ISNEE, sur la période 2011-2018, chaque année, 213 000 femmes âgées de 18 à 75 ans déclaraient avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles de la part d’un conjoint. En 2022, elles étaient 240 000.

Des chiffres a minima, qui ne représentent que les plaintes enregistrées pour ces motifs par les services de police. Comme l'illustre le cas d'Émilie, de très nombreuses femmes subissent ces violences pendant des années avant de déposer plainte, voire ne le font jamais.

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