Louise* habite en milieu rural en Poitou-Charentes. Pendant près de dix ans, elle a été victime de violences conjugales. Elle se confie sur son passé, ses séquelles pour elle et ses enfants, mais aussi l'indifférence de sa commune.
À Montmorillon, se trouve une maison-refuge dont l’adresse est secrète. Ici, tout est mis en place pour accueillir une femme ou un homme, victimes de violence conjugales, et y entrer en urgence avec ses enfants.
Dans cette commune, le centre communal d’action social est l’une des portes pour sortir de l’engrenage de la violence. C’est ici que cette jeune femme, que nous appellerons Louise, a trouvé une écoute. "L'enfer." C'est ainsi que Louise* décrit sa relation avec son ex-conjoint.
"Une manipulation totale au quotidien"
Pendant neuf ans, elle a vécu des violences régulières. "Ça a commencé par une claque, des insultes jusqu'à des coups de poing, des étranglements, des mots comme “je vais te tuer.” J’ai subi des coups sur tout le corps, une manipulation totale au quotidien, un isolement de la famille, des amis. Il fallait rester à la maison pour ne pas énerver, ne pas provoquer. C’étaient des violences très lourdes physiquement et psychologiquement", raconte Louise*.
Pour Louise*, il était très difficile de sortir de ce cercle vicieux. "Quand il y a des violences, vous vous dites que vous allez partir et le lendemain, vous entendez “pardonne-moi, je ne recommencerai plus, je t’aime”. On a une période de latence et après ça recommence. Il faut réussir à casser ce cercle."
Que ce soit dans une période de latence ou de violence, il faut réussir à partir.
Louise*Victime de violences conjugales
Être victime de violence conjugale en zone rurale
Louise* est une habitante d'un milieu rural, et elle témoigne d'un isolement bien plus difficile à vivre. "Ça se voit, ça se sait, mais ça ne se dit pas. Je pense que l’ensemble de mon voisinage était au courant. Mais personne ne m’a jamais appelée. Ça s'entend, les cris et les coups, mais personne n'agit. Tout le monde a peur, personne ne prévient."
Vous avez espoir que quelqu'un passe, un voisin qui entre et qui appelle mais rien ne se fait.
Louise*Victime de violences conjugales
Pire, ce n'est pas la compassion, mais le jugement que trouvait Louise* dans le regard des autres. "Pendant deux ans, on m’a regardé en coin parce que les gens savaient. J’ai vécu à l’isolement. C’est moi qui me cachais, qui avais honte alors que ce n’est pas moi qui aurais dû ressentir cela. “Ah c’est elle”, voilà ce à quoi j’avais le droit dans la rue. Donc, on s’isole."
"Les enfants sont traumatisés"
Voilà déjà trois ans que Louise* s'est sortie de ce piège. Mais le chemin est encore long pour elle. "Je n’ai pas retrouvé de sérénité, il existe toujours une pression sur mes épaules. Il faut créer un milieu naturel où on essaye de se détendre, mais c’est très compliqué. Les enfants sont traumatisés, ils ont vécu ça depuis leur naissance et ils ont toujours tout vu. J’ai eu les coups, mais ils les ont ressentis."
J’ai la peur qui m’habite, il peut revenir n’importe quand. Il n’est jamais très loin. Il nous observe.
Louise*Victime de violences conjugales
Le refuge de Montmorrillon aide les personnes en détresse comme Louise*. Cette maison est ouverte depuis juin 2022 mais, jusqu’à présent, seuls une femme et ses enfants l’ont utilisée. "Si on m'avait proposé de partir loin, je serais partie. Je ne serais pas allée dans un refuge dans la même ville. C’est trop risqué, on est trop vite retrouvé. Je commence juste à aller voir des associations alors que ça fait trois ans que je suis partie. J’avais peur, peur de faire la démarche. Aujourd'hui, je me sens assez forte pour demander de l'aide."
En France, la moitié des féminicides se produisent en zone rurale.
*Le prénom a été modifié pour garder l'anonymat.