La grotte Saint-Vit est un lieu magique dans la forêt vosgienne à Saverne (Bas-Rhin). On y soignait les danseurs fous atteints de la maladie de la manie dansante ou danse de Saint-Guy. Des gens qui dansaient jusqu'à la mort. Abandonnée et oubliée pendant plusieurs siècles, uniquement accessible à pied, des générations de bénévoles restaurent la grotte depuis l’après-guerre pour redonner au sanctuaire médiéval son prestige d’antan.
La grotte Saint-Vit est située sur un promontoire rocheux à Saverne (Bas-Rhin), au cœur de la forêt vosgienne, à 385 mètres d’altitude. Elle est accessible uniquement à pied, en une heure depuis la ville, ou, en 20 minutes, depuis la Maison forestière du Schweizerhof. Le site est libre d’accès.
"C’est un lieu chargé. Il y a du tellurique ici. Il se dégage beaucoup d’énergie. Parfois, après le repas quand je ne suis pas trop en forme, je monte. Et là tout d’un coup je suis rechargé. Je pourrais casser la baraque", confie Joseph Hert, le président des amis de la Grotte Saint-Vit.
Cette grotte est célèbre pour avoir accueilli en 1518, les malades atteints de la danse de Saint-Guy ou manie dansante. Une épidémie dansante qui a touché Strasbourg. Une maladie attribuée à "une origine divine", un phénomène d’hystérie collective. Des personnes se mettaient à danser de façon incontrôlée jusqu’à l’épuisement, voire jusqu’à la mort. "Et oui, danser pouvait tuer !", indique Joseph.
Le domaine est composé de sa grotte légendaire dans laquelle repose une chapelle ornée d’un clocheton, (la tradition veut que le promeneur fasse sonner grondement la cloche pour annoncer son passage), mais aussi d’un merveilleux jardin alpestre agrémenté de plates-bandes florales disposées en terrasses. Au-dessus, un promontoire gazonné offre aux visiteurs une vue magnifique sur la plaine d'Alsace et les ruines du Château du Haut-Barr et du Château du Grand Geroldsek. Parsemé de vestiges, de ruines, et d’un petit étang, le cadre est magnifique, insolite. Il appelle au calme et à la sérénité.
La grotte est profonde de 26 mètres. Son arche d’entrée mesure environ 10 mètres de hauteur et de largeur. La chapelle est dotée de bancs en bois, d’un autel contemporain sur lequel un portrait de Saint Vit en mosaïque y est reproduit. Au sol, les dalles sont en grès des Vosges. "Ici, il y a eu des miracles !", indique de manière partiale Joseph Hert.
La grotte Saint-Vit est un lieu de pèlerinage attesté depuis le XVème siècle, "l’entretenir nous demande beaucoup de travail", confesse le président de l’association. Depuis 1946, ce sont uniquement des bénévoles qui s’évertuent à restaurer et à redonner au site son prestige d’antan.
La Légende de Fix
Une légende rapporte qu’au XIVème siècle, un assassinat aurait eu lieu sur les rochers qui surplombent la grotte. Un certain Fix, un jeune homme de la région fut tué dans des circonstances inconnues.
L’enquête n’avait rien donné, mais comme l’époque était propice à la persécution des juifs, les Mösselin, la seule famille juive vivant à Saverne avait été accusée sans preuve du meurtre et chassée de la ville. Pour conjurer le mal fait au jeune Fix, des funérailles somptueuses furent organisées sur le lieu de sa mort. Son corps fut déposé dans une tombe creusée dans le roc de la grotte. "Regardez, la pierre tombale y est toujours", dit Joseph Hert, en précisant "que tout cela est une légende. Rien n’a été ni prouvé ni attesté".
Dès lors, Les habitants des environs constatent des miracles autour de la tombe. Pour accueillir des fidèles de plus en plus nombreux qui viennent s’y prosterner, une chapelle fut alors construite dans la grotte, puis un sanctuaire. Au Moyen-âge, la vénération de Saint Vit considéré comme un saint guérisseur, surtout en Alsace et en Westphalie, est à son comble. La grotte lui est alors dédiée.
Les danseurs fous de Saint-Guy, "la peste dansante"
La grotte Saint-Vit (qu’on peut traduire en français par Guy) connaît une immense notoriété à partir de 1518. C’est à cette époque que Strasbourg frappée par la famine est prise de manie dansante, de peste dansante ou de danse de Saint Guy.
Dans un premier temps, pour apaiser la frénésie collective, les médecins et prêtres de l'époque prescrivent de soigner le mal par le mal. Des musiciens sont chargés d'accompagner les danseurs fous dans l'espoir que la musique leur permettrait d'expulser cette étrange énergie qui les possède. Mais le remède est pire. Des danseurs meurent d'épuisement.
Alors, face à l’épidémie inconnue, les autorités religieuses décidèrent d’emmener de force tous les malades affectés par la danse de Saint-Guy dans la grotte miraculeuse. D’après le chroniqueur de 1518, Daniel Specklin : "On disait une messe pour les malades qui étaient chaussés de rouge. Ils devaient ensuite tourner autour de l’autel pendant qu’on les aspergeait d’eau bénite. Enfin, on les signait du Saint-Chrême". Et Ô miracle ! Ils étaient effectivement tous guéris.
La science contemporaine s’est penchée sur le phénomène de la danse de Saint-Guy et sur la résolution de ces miracles. Pour elle, la danse de Saint-Guy est une intoxication de la consommation de seigle par un champignon, l’ergot, qui peut provoquer des hallucinations et des spasmes incontrôlés. Elle explique également que des phénomènes de transes collectives peuvent survenir chez des individus vulnérables qui croient aux châtiments divins. Pour les malades, le fait de manger du pain non contaminé lors de leur voyage de Strasbourg à la grotte Saint-Vit (44 kilomètres de distance et 1000 mètres de dénivelé au total) et de répondre à leurs croyances par des prières libératrices peut suffire à créer bien des miracles…
Il n’empêche, à partir de 1518, la grotte Saint-Vit va se faire une réputation de "grotte guérisseuse miraculeuse", bien au-delà de l’Alsace. Tous les danseurs fous s'y rendent. En 1520, Diebold de Furchhausen s’y installe comme premier ermite. En 1541, une maison y est construite au-dessus de la grotte. En 1581, une chapelle y est édifiée pour accueillir les fidèles et récolter les généreux dons pour l'Eglise.
Parfois, après le repas quand je ne suis pas trop en forme, je monte. Et là tout d’un coup je suis rechargé. Je pourrais casser la barraque
Joseph HertPrésident des amis de la grotte Saint-Vit
Mais au fil du temps, les pratiques dans la grotte vont se montrer de plus en plus déviantes et blasphématoires. On y atteste de nombreux exorcismes. Des femmes en mal d’enfant déposent des ex-voto en forme de crapauds. Face à ces pratiques que le christianisme réprouve, les autorités religieuses par l’entremise du cardinal de Rohan, sont contraintes de fermer l’oratoire en 1758. Ils interdisent la messe dans la grotte. Le site est ensuite transformé en exploitation agricole et le pèlerinage est oublié.
Pourtant, selon une légende actuelle : des femmes déposeraient encore des ex-voto en forme de crapauds dans la grotte Saint-Vit…
Pour aller plus loin
Le site de la grotte Saint-Vit est en accès libre, "mais nous demandons aux visiteurs de respecter les lieux. De ne pas voler les plantes ou les fleurs, de ne pas vandaliser les objets de culte, et de ne pas laisser leurs détritus", insiste Joseph Hert.
L’association des amis de la Grotte Saint-Vit donne toute l’actualité du site sur sa page Facebook. Elle recherche également chaque année des bénévoles pour entretenir les jardins. Il suffit de laisser un message pour s’investir. Pour ceux qui veulent aider à la restauration du lieu, la cotisation à l’association coûte 12 €. Renseignements : 03.88.91.17.38
L'eucharistie est célébrée au sein de la grotte le lundi de Pâques, le 1er mai, le lundi de Pentecôte ainsi que le 1er dimanche de septembre.
L’auteur, Jean Teulé (1953-2022) s’est saisi de l’épisode de danse de Saint-Guy à Strasbourg en 1518, pour en faire l’objet d’un de ses plus grands succès dans Entrez dans la danse (éditions Julliard, 2018). Richard Guérineau a remarquablement adapté l'œuvre en bande dessinée (éditions Delcourt, 2019).
L'autrice anglaise Kiran Millwood Hargrave utilise également l'épidémie dansante de Strasbourg comme trame historique dans son roman La danse des damnées (éditions Robert Laffont, 2023).
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