replay

Insolite : "jusqu'en 1958, des gens vivaient dans ces rochers", découvrez l'intérieur d'anciennes maisons troglodytes

Les Maisons des Rochers de Graufthal (67)

Dans le Parc naturel régional des Vosges du Nord en Alsace, le hameau de Graufthal (Bas-Rhin) abrite dans ses hautes falaises de grès rose, une série surprenante et insolite de maisons semi-troglodytiques. Leurs façades sont couvertes d'un enduit bleu ciel qui les font se détacher de la montagne. On les appelle ici, "les Maisons des Rochers".

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Cela commence comme dans la chanson de Maxime le Forestier, sauf que ce n'est pas à San Francisco mais dans le Nord du massif vosgien en Alsace. "C'est une maison bleue, adossée à la colline, On y vient à pied, on ne frappe pas, Ceux qui vivent là, ont jeté la clé" 

Les Maisons des Rochers de Graufthal (Bas-Rhin) cultivent encore aujourd'hui leur côté mystérieux, insolite, et merveilleux. "Jusqu'en 1958 des gens vivaient dans ces rochers " annonce Marc Burckart, le président de l'AMVS (Association de Mise en Valeur du Site de Eschbourg-Graufthal). "Des lithographies du XVIIIe siècle attestent que ces maisons étaient déjà visitées par ce qui seraient considérés aujourd'hui comme des explorateurs. C'était toute une aventure d'arriver jusqu'ici".

Les Maisons des Rochers déjà dans les romans d'Erckmann-Chatrian

Et c'est vrai que les Maisons des Rochers ont de quoi impressionner. Elles ont été construites dans un éperon rocher brut de 33 mètres de haut, le Hochfelsen ("rocher haut", en alsacien). Les écrivains Emile Erckmann et Alexandre Chatrian, nés dans la Moselle toute proche à Phalsbourg et au Grand-Soldat, en font leurs décors de leurs romans patriotiques notamment dans Le Brigadier Frédéric (1874) ou dans le Banni (1883) ; le Club Vosgien, créé en 1872, y organise ses premières randonnées. Indéniablement, la magie du lieu attire depuis toujours.

"L’objectif pour nous n’est pas de faire du tourisme de masse. Tant que l’association peut payer, grâce aux entrées des visiteurs, ses deux salariés chargés de l’accueil et entretenir le site, nous sommes contents" conclue le président de l’association. En 2023, presque 25.000 personnes sont venues gravir les Maisons des Rochers : un record. "Des Français bien sûr, mais aussi beaucoup d'Allemands, de Belges et de Néerlandais".

"Quasiment rien n’a bougé depuis 1958"

Annette Oster

guide bénévole des Maisons des Rochers

Toutes les Maisons des Rochers se visitent

Toute l’enfilade de maisons troglodytiques se visitent. « Quasiment rien n’a bougé depuis 1958 » nous dit Annette Oster, notre guide bénévole. Les vieux objets ont l’air d’avoir encore servi hier. "La température est constante dans les maisons : environ 10 degrés, toute l’année".

Seule l’une des maisons possède l’électricité. Une installation payée par les badauds, au début du siècle dernier, qui se faisaient ouvrir la porte de ces curieuses habitations par l’une des propriétaires, en échange d'une petite pièce de monnaie. Le confort est spartiate : un lit, des ustensiles de cuisine, une petite table et quelques chaises. A l'intérieur, les petites cavités froides et humides servent de réfrigérateurs. Les pièces sont partagées entre plusieurs familles.

Encastrées à sept mètres au-dessus du village

Les maisons troglodytiques comportent deux ensembles imbriqués dans deux failles rocheuses horizontales. Les maisons sont encastrées au-dessus du village à sept mètres dans une première longue faille. La fabrique d'allumettes se situe dans une faille supérieure, plus petite. Cette partie est toujours inaccessible au public pour des raisons de sécurité et d’accessibilité. Mais une exposition permanente placée dans une des Maisons des Rochers permet de se familiariser avec l’histoire de la fabrication d’allumettes dans le village et dans les villages environnants. Ces édifices sont construits à même le rocher, en maçonnerie de moellons. A l'endroit où les rochers ne surplombent pas totalement les maisons, des "biberschwantz" (tuiles plates appelés "queue de castor", en alsacien) assurent l’étanchéité sur une charpente rudimentaire. 

Des archéologues et des historiens ont cherché des traces des premiers habitants de ces cavernes flanquées dans la montagne qui se perd dans la mémoire des hommes. Elles dateraient selon les habitants "de la préhistoire" mais factuellement rien ne permet de le démontrer. 

Ce que l'on sait, c'est que le village de Graufthal s'est développé autour d'une abbaye du XIe siècle, situé au pied du rocher, dont les vestiges magnifiques apparaissent de jours en jours grâce aux campagnes de fouilles qui y sont menées. Les grottes situées un peu plus haut ont d'abord servi aux moines d’entrepôts, puis de logements.

Ce n'est qu'au XVIIIe siècle, selon les recherches de l'archéologue Robert Forrer en 1899, que les premiers travaux de maçonnerie ont été réalisés. Les grottes ont ainsi été fermées par des parrements.

Cette manière de construire son habitation permettait pour des gens pauvres de faire de substantielles économies. La roche servait de sol, de plafond, et de mur. Finalement, il suffisait de quelques grosses pierres pour obstruer la cavité. L'exposition plein sud et en hauteur permettaient de réchauffer un peu l'habitat et de se protéger des nombreuses inondations de la vallée de la Zinsel.

Ces constructions faites de bric et de broc se sont révélées finalement assez dangereuses, d'autant que la falaise bouge avec le temps. En 1931, le toit d'une des maisons s'effondre chassant ses occupants. Peu à peu le site est abandonné. Après la Seconde Guerre mondiale, il ne reste plus qu'une seule occupante, Catherine Otterman, qui sera surnommé "la Felsekaeth" ("La Cathy des rochers", en alsacien). Son histoire inspirera des artistes alsaciens dont la cabarétiste et humoriste, Huguette Dreikaus. Elle mourut en 1958, à l'âge de 89 ans.

La fabrique d'allumettes des Maisons des Rochers

Ces petites maisons ont accueilli jusqu'à trois familles. Elles étaient habitées notamment par des femmes pauvres qui vivaient d'expédients. Pour ne pas mendier, elles demandaient à leurs nombreux jeunes enfants, selon le témoignage des villageois, "de travailler dans la fabrique d'allumettes ouverte vers 1845" qui se trouvait juste au-dessus des maisons.

Effectivement, trois petites fenêtres alignées se montrent fièrement au-dessus de l’ancienne habitation de la famille Wagner : "la Helzelfawrick" (fabrique d'allumettes, en alsacien). C'est d'ailleurs le travail actuel de l'association de mise en valeur du site de Graufthal qui gère depuis quarante les Maisons des Rochers : dégager le chemin d'origine qui y accédait.

Dans les villages des environs, les fabriques d’allumettes étaient nombreuses. Elles permettaient, pour ceux qui y travaillaient, des petits compléments de revenu. Mais la tâche était ingrate et dangereuse en raison de l'utilisation de phosphore particulièrement nocif pour la santé. Le risque d'explosion était également très important. Ces fabriques d'allumettes chimiques improvisées furent interdites en France à partir de 1870, mais dans l'Empire Allemand où se trouvait Graufthal, elles purent continuer leur activité plus ou moins de manière contrôlée. Ces allumettes chimiques, qui mesuraient de 10 à 15 cm, dont chaque extrémité pouvait s'enflammer, pouvaient s'embraser sur n'importe quel support abrasif, "un peu comme ce que l'on voit dans les westerns américains". Elles étaient bien souvent vendues "sous le manteau" de l'autre côté de la frontière. 

Visiter les maisons

Les Maisons des Rochers de Graufthal se visitent tous les jours de mi-mars à mi-novembre. Le prix d'entrée est de 4 € pour les adultes (2€ tarif réduit / gratuit pour les moins de 12 ans). L'accès à la Maison des Rochers s’effectue depuis le bas du hameau. Un escalier en pierre permet d’arriver jusqu’à une maisonnette qui sert d’accueil. Ensuite, une coursive bordant un ressaut de rocher et une rampe assurent la protection contre les chutes. Selon l'intérêt de chaque visiteur, il faut entre une demi-heure et une heure et demie pour effectuer la visite du site. 

Vous connaissez un endroit ou un personnage insolite en Alsace et vous voulez le faire connaître ? Contactez l'Alsace insolite par e-mail à l'adresse : eric.vial@francetv.fr. L'Alsace insolite, une collection de reportages à découvrir sur france.tv.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information