Auteur du Petit Prince, le livre le plus traduit au monde après la Bible, Antoine de Saint-Exupéry né à Lyon est un personnage mythique français. Un film sorti en salle mercredi 11 décembre retrace une partie de son histoire. Poète, écrivain, reporter, résistant, pionnier de l’aéropostale, l’aventure de "Saint-Ex" commence à Strasbourg où une exposition lui est consacrée. Nous sommes partis sur ses traces avec son héritier.
A l’occasion de Strasbourg, Capitale Mondiale du Livre, la ville accueille jusqu’au 4 mai 2025 une grande exposition ludique consacrée à la vie d’Antoine de Saint-Exupéry et au Petit Prince son plus grand chef-d’œuvre, l’un des livres les plus lus au monde, "un phénomène d’édition" rapporte son héritier, Thomas Rivière.
Intitulée Antoine de Saint Exupéry, le Petit Prince parmi les hommes cette exposition est passionnante et particulièrement intéressante. Elle intervient également dans le cadre de la commémoration des 80 ans de la Libération. Elle permet de mieux comprendre comment et pourquoi le mythe de Saint-Exupéry est né. Des objets personnels y sont présentés notamment la gourmette qu’il avait au bras lorsqu’il a été abattu dans son avion en 1944.
Cet hommage dans la capitale européenne n’est pas un hasard. C’est à Strasbourg (Bas-Rhin) que "Saint-Ex" a appris à piloter. C’est le 9 avril 1921 que le jeune noble, né à Lyon (Rhône), a été affecté pour son service militaire comme mécanicien au 2ème régiment d’aviation dans la section des ouvriers du Polygone, dans le quartier du Neuhof, un ancien camp militaire allemand.
Thomas Rivière, l’arrière-petit-neveu de Saint-Ex explique : "Cette exposition nous invite à découvrir la vie de Saint-Exupéry. Où il a vécu ? Comment il a vécu ? Des lieux importants pour lui. Une partie de son histoire est effectivement à Strasbourg mais pas seulement. St-Ex est universel. La magnifique et féerique première salle est entièrement consacrée au Petit Prince. Pourquoi ? Car c’est par lui qu’on aborde la vie de Saint-Exupéry et de ses œuvres".
Saint-Ex au cinéma
L’hommage à Saint-Exupéry se déroule également au cinéma à l’occasion des 80 ans de la disparition du pilote. Depuis mercredi, un film consacré à Antoine de Saint-Exupéry réalisé par Pablo Agüero est à l'affiche dans les meilleurs cinémas. La distribution est éclatante : Louis Garrel, Diane Kruger, Vincent Cassel.
"Je trouve le film remarquable. J’ai été très impressionné", avoue Thomas Rivière. "Notre rôle au travers de la Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la jeunesse que je co-dirige est de protéger l’image de mon arrière-grand-oncle et de protéger celle du Petit Prince. Si nous avions eu un doute sur le non-respect de cette image nous n’aurions pas laissé faire. Heureusement, la production du film nous a consulté, c’est tout à leur honneur. Le film est vraiment bien. Les images sont splendides et la réalisation soignée. La magie est là".
L’héritier de Saint-Ex rappelle sa mission : "Nous devons toujours avoir à l’esprit que le Petit Prince a changé la vie des gens dans le monde entier. C’est souvent le premier livre qui est lu ou offert. Le Petit Prince incarne la paix, la défense de la planète, l’espoir d’un monde meilleur. Je suis tributaire de cela. C’est une lourde charge. J’y mets toute mon énergie. On ne fait pas n’importe quoi avec l’image de Saint-Ex ou du Petit Prince".
Sur les traces de Saint-Exupéry à Strasbourg
Antoine de Saint-Exupéry arrive à Strasbourg alors qu’il n’a que 20 ans. Il a l’âge où "il ne sait pas trop quoi faire de sa vie". Il a raté l’Ecole navale, il a participé en auditeur libre à des cours des Beaux-Arts mais sans grand succès.
Sa maman -avec qui il entretiendra une relation épistolaire toute sa vie- lui propose de louer un appartement au 12 rue du 22 novembre, en plein cœur de Strasbourg pour loger dans de meilleures conditions qu’à la caserne. Un privilège accordé aux familles aisées.
Thomas Rivière, l’arrière-petit-neveu et héritier d’Antoine de Saint-Exupéry revient sur place 100 ans plus tard : "C’est la première fois que je découvre cette maison. C’est ici qu’il habitait pendant qu’il faisait son service militaire en 1921".
Pour seulement 120 francs, le logement neuf est cossu. Il dispose d’une baignoire -un luxe rare pour l’époque-, d’un parquet bien ciré et d’une cheminée. Il peut également utiliser le téléphone dans l’appartement de sa logeuse, frau Maier, une alsacienne qui ne parle pas le français. Elle se plaint régulièrement de son tempérament hautain, de son caractère dépensier et du désordre qu’Antoine de Saint-Exupéry laisse derrière lui. Chaque jour, il fume les cigarettes qui lui sont offertes par son régiment et qui provoqueront une bien mauvaise addiction.
Pour répondre à l’appel de sa garnison, tous les jours, il est censé se rendre à pied jusqu’à sa caserne, qui se trouve à 5 kilomètres de son domicile. Mais il ne respecte pas toujours ses obligations et il est mis aux arrêts un court moment.
C’est là qu’il a appris à voler. C’est là qu’il a passé son brevet. C’est là que l’histoire a commencé !
Thomas RivièreHéritier, arrière-petit-neveu d'Antoine de Saint-Exupéry
Comme tous les autres militaires, il apprend à saluer, s’entraîne aux armes. Ses connaissances lui permettent de donner des cours sur les moteurs à explosion et sur l’aérodynamique à ses camarades. Ses loisirs à Strasbourg sont consacrés au football.
Dans les douze lettres qu’il envoie depuis Strasbourg, il raconte qu’il profite de la ville en "buvant des bières" dans les bistrots près de chez lui, qu’il s’amuse avec ses copains de régiment, qu’il "apprend même quelques rudiments d’alsacien".
"Un casse-cou"
C’est le tempérament curieux du jeune appelé qui le pousse à s’intéresser davantage aux avions. Sa condition sociale lui a déjà permis d’effectuer un baptême de l’air sur l’aérodrome d’Ambérieu-en-Bugey (Ain) alors qu’il n’avait que 11 ans. Depuis, il suit les progrès de l’aviation. Il dessine des avions et des moteurs pour son plaisir.
Sur l’aérodrome du Polygone de Strasbourg, Antoine de Saint-Exupéry fait la connaissance de Robert Aéby, pilote instructeur civil et pilote pour la Transsaharienne de l’Est. Depuis 1920, deux compagnies civiles partagent les pistes avec les militaires. Sur les traces de son aïeuls, Thomas Rivière exulte : "C’est vraiment un endroit empreint d’histoire familiale. "C’est là qu’il a appris à voler. C’est là qu’il a passé son brevet. C’est là que l’histoire a commencé !".
Mais passer un brevet de pilote militaire est inenvisageable pour la hiérarchie du jeune mécanicien qui n’est pas à Strasbourg pour apprendre à voler. St-Ex se lance donc dans une phase de négociation avec le commandant Garde et le Capitaine Billy pour obtenir son brevet de pilote civil avec Robert Aéby de l’autre côté de l’aérodrome. Sa mère accepte de financer entièrement le projet. Les officiers consentent alors à ce qu’Antoine de Saint-Exupéry passe ses cours de pilotage en dehors de ses heures de travail sur la Base.
Le samedi 18 juin 1921, Antoine de Saint-Exupéry s’envole pour la première fois sur un Farmann F-40 à double commande. Son avion école sera ensuite un Sopwith F1, un avion anglais. Passionné, il entame sa formation comme une tête brûlée, "sans prendre en compte du danger" dira Aéby. Il réalise son premier vol solo, le 9 juillet 1921.
Des débuts laborieux
Les témoignages de cette première expérience en solitaire ne sont pas très glorieux car Saint-Exupéry s’est présenté trop haut lors de l’atterrissage. En remettant les gaz brusquement il provoque un retour de flamme du carburateur. Le jeune pilote pense que son moteur est en flamme mais ne panique pas. Malgré cet atterrissage dantesque son moniteur valide sa formation.
A Strasbourg, Antoine de Saint-Exupéry laisse le souvenir d’un aviateur fantasque et souvent dans la lune. Parce qu’il est souvent distrait, il est affublé du surnom de "Pique la Lune" qui rappelle également ses premiers atterrissages et décollages plus ou réussis et également son nez en trompette.
"On se souvient encore de lui sur l’aérodrome de Strasbourg" affirme le chef-pilote instructeur actuel, Jean-Claude Fritsch, ancien pilote pour Littoral. "Saint-Ex était un casse-cou et n’écoutait pas les consignes de prudence ni de sécurité. Mais il avait le feu sacré et le sens du sacrifice. C'était donc un extrordinaire pilote ! Un jour, il a pris un avion sans rien demander à personne. Mais il n’y avait pas d’huile dans le moteur. Il a dû atterrir en urgence dans de mauvaises conditions. C’est ainsi que la légende raconte que c’est à Strasbourg qu’il a cassé son premier avion".
Saint-Ex avait le feu sacré !
Jean-Claude FritschChef-pilote instructeur de l'aérodrome du Polygone à Strasbourg (67)
Brevet de pilote civil en poche, la base aérienne de Strasbourg-Polygone ne disposant pas d’école militaire d’aviation, Antoine de Saint-Exupéry est alors affecté au 37ème régiment d’aviation de Casablanca au Maroc, le 2 août 2021. Antoine de Saint-Exupéry obtient son brevet de pilote militaire le 23 décembre 1921. La légende débute.
Le chef pilote de l’aérodrome du Polygone conclue : "Je ne manque jamais de dire à mes élèves pilotes : Tu sais ici tu es chez St-Ex ! Il n’y a aucune autre personne que lui qui est capable de décrire aussi bien ce qu’on peut ressentir en tant que pilote".
Sur les traces de Saint Exupéry en Alsace
A Strasbourg (Bas-Rhin) : une plaque au 12 rue du 22 Novembre indique le logement d’Antoine de Saint-Exupéry. Dans la même rue, un cinéma porte son nom. Les éditions de la Nuée Bleue édite Der Klein Prinz, le Petit Prince en alsacien.
A l’aéroport international d’Entzheim (Bas-Rhin) : création de Maurice Frantzen, une statue d’Antoine de Saint-Exupéry portant le Petit Prince dans ses bras rappelle le passage de l’auteur dans la région
A Ungersheim (Haut-Rhin) Le Petit Prince est le thème d’un parc d’attraction familiale, magique et poétique. Le Parc s’organise autour de trois grands thèmes : le vol, le voyage, et la rencontre avec les animaux. C’est le premier parc aérien du monde.
A Wissembourg (Bas-Rhin) se trouve la boutique officielle en ligne du Petit Prince.
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