Début août, l'effroi avait parcouru La Rochelle. Au matin du 6 août 2021, le corps de Saïd Ghame, sans domicile fixe, avait été retrouvé sans vie dans la zone de la friche du Gabut. Après une longue enquête, un homme de 63 ans a été mis en examen et placé en détention provisoire, le 20 août.
Un homme de 63 ans a été mis en examen et placé en détention provisoire, ce vendredi, dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Saïd Ghame, un SDF retrouvé mort - tué de 10 coups de couteau - le matin du 6 août dernier, dans la zone de la friche du Gabut. Le meurtre de l’homme de 49 ans, sans domicile fixe très apprécié à La Rochelle, avait provoqué la stupéfaction dans la ville.
Depuis ce jour, les investigations de la police judiciaire de La Rochelle et des équipes de la sûreté départementales étaient à l’œuvre "quotidiennement", nous assurait alors le procureur de la République de La Rochelle, Laurent Zuchowicz. Selon un communiqué du parquet de La Rochelle, le 19 août dernier,l’enquête a mené à l’interpellation d’un suspect nommé Patrick et âgé de 63 ans.
Le témoignage de deux touristes comme point de départ
À l’origine de l’interpellation, le lendemain de la découverte du corps de Saïd Ghame, deux touristes, se sont présentés à la police, alertés par la couverture médiatique de l’affaire. Ils expliquent alors aux enquêteurs avoir été accostés vers 3h05, le matin du 6 août, par cet homme nommé Patrick qui semblait fortement alcoolisé. Il leur apparait désorienté et explique "rechercher sa voiture". Les deux touristes décident alors de l’aider. Sur le chemin, il leur explique qu’"il [vient] de "planter un arabe" et que "cela faisait du bien"", comme le rapporte le communiqué du parquet de La Rochelle. C’est alors que l’homme exhibe un couteau de plongée aux deux touristes. Ils remarquent bien les tâches de sang sur sa main mais croient à un canular. Les deux vacanciers décident de laisser Patrick seul à ses recherches.
En parallèle, les enquêteurs font un lien avec un homme, du même nom, qui avait sollicité l’intervention de la police vers 4 heures du matin, ce jour-là, dans un hôtel de La Rochelle. Il avait alors expliqué aux forces de l’ordre être désorienté par une agression et ne plus se souvenir de l’endroit où était sa voiture. Les policiers n’avaient alors rien constaté d’anormal.
Le lendemain, le 7 août, l’homme est identifié et interpellé à son domicile de Gentilly. Durant la perquisition, les enquêteurs retrouvent notamment - dans la chambre de son fils - un étui à couteau de plongée, correspondant au couteau décrit par les deux touristes. Patrick, marié et père de famille de 3 enfants nie être en possession d’un tel couteau, mais reconnait avoir croisé Saïd Ghame, le soir des faits. Mais, faute d’éléments suffisants, le suspect est relâché le 9 août.
Cette nuit-là, un troisième homme se trouvait avec la victime et le suspect
Mais un élément retient l’attention des enquêteurs. Patrick leur a indiqué avoir porté plainte le 6 août pour le vol de son téléphone et de sa carte bancaire. En effet, ils notent une tentative de retrait au quartier de Villeneuve-les-Salines, la nuit du meurtre de Saïd, aux alentours de 3 heures du matin.
C’est cette information, ainsi que la vidéosurveillance, qui leur permettent alors de retrouver un témoin clé. Sur ces vidéos, Saïd Ghame et Patrick semblent, toujours selon le communiqué du parquet, s’être "rencontrés fortuitement". Pourtant, ils ont rapidement sympathisé. Certaines vidéos les montrent même enlacés et "partir main dans la main" vers le Gabut.
Si la victime et le suspect apparaissent ensemble une bonne partie de cette nuit du 5 au 6 août, ils n’étaient pas seuls. Un jeune majeur les accompagne. Interrogé par la police, il explique que son ami Saïd Ghame lui a donné la carte bancaire et le téléphone de l’autre homme. C’est alors que le jeune majeur tente de retirer de l’argent, le mouvement repéré par les enquêteurs et pour lequel la justice le condamne le 13 août 2021 pour tentative d’escroquerie et recel de vol.
Des antécédents psychiatriques
Lors de son audition, un autre élément émerge : le jeune homme assure aux enquêteurs qu’il "avait quitté [les deux hommes] vers 2h40 du matin alors qu’ils se dirigeaient vers le Gabut pour une relation intime", selon les termes du communiqué du procureur de la République de La Rochelle. À l’aide de tous ces éléments, une information judiciaire à l’encontre de Patrick est ouverte le 17 août.
Administrateur des Finances publiques, l’homme de 63 est en arrêt maladie depuis plus de 2 ans, à la suite à une tentative de suicide. Son profil psychiatrique interpelle. Ses proches le décrivent comme maniaco-dépressif, bipolaire et pouvant fortement s’alcooliser. Après l’avoir examiné durant sa garde à vue, l’expert-psychiatre avait "relevé des antécédents psychiatrique et avait conclu à une possible altération du discernement". Il a d’ailleurs été interpellé le 19 août après avoir été – à sa demande - hospitalisé quelques jours au sein d’un établissement psychiatrique.
Mis en examen pour le meurtre de Saïd Ghame, le suspect a expliqué qu’il ne se souvenait de rien en raison de son alcoolisation le soir des faits. Il a été placé en détention provisoire ce vendredi 20 août. Les investigations se poursuivent désormais sous l’autorité du juge d’instruction.
CARTE. La zone de friche du Gabut, à La Rochelle, où a été retrouvé le corps de Saïd Ghame.