Une centaine d’exploitants agricoles irriguent leurs champs malgré les arrêtés préfectoraux

Depuis le 3 mai dernier, les restrictions d’eau s’accumulent en Charente-Maritime. Depuis fin mai, 110 agriculteurs ont toutefois décidé de remettre en route leur système d’irrigation, malgré l’interdiction préfectorale d’arroser les champs. Un acte de désobéissance dont ils se défendent.

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Le matériel irrigant est sous scellé chez trois d’entre eux. Mais les agriculteurs de l’Association syndicale autorisée (ASA) d'Aunis ne regrettent pas leur décision. Le 3 mai dernier, un arrêté préfectoral tombe, restreignant l’utilisation de l’eau potable en Charente-Maritime. Interdiction d’irriguer les champs de maïs jusqu’à nouvel ordre, des cultures pourtant très demandeuses en eau et sensibles à la chaleur.

« Nous avons d’abord demandé des dérogations d’irrigation nocturnes », affirme Pascal Ribreau, agriculteur et président de l’ASA. Face au refus de la préfecture et après vingt jours d’arrêt, les irrigants prennent alors une décision radicale : déroger à l’arrêté préfectoral et continuer l’irrigation de leurs cultures.

Préserver les récoltes

Pour ces 110 exploitants, le risque de payer une amende ou de voir leur matériel saisi est moins important que la perte de leur récolte estivale. « On sait que c’est mal, mais nous n’avions pas d’autre solution », se défend l’exploitant.

Début août, son champ de maïs est abîmé par la sécheresse mais la récolte n’est pas perdue. « Habituellement on produit 12 à 13 tonnes à l’hectare, cette année on sera plutôt sur du 6 à 7 tonnes… » Avec des grains plus petits et plus fragiles. « Nous devons payer nos charges et nourrir nos familles, insiste Pascal Ribreau. Avec la guerre en Ukraine, le prix des engrais à doublé, certaines chargé ont triplées ». Pour s’en sortir, une seule solution à ses yeux : irriguer afin de sauver sa récolte coûte que coûte. Quitte à puiser dans les réserves d’eau du bassin de la Curé, qui abrite plusieurs captages alimentant la ville de La Rochelle.

 On sait que c’est mal, mais nous n’avions pas d’autre solution.

Pascal Ribreau, agriculteur

« Ce n’est pas responsable, déclare Patrick Picaud, vice-président de l’association Nature environnement 17. Je comprends la frustration de ces irrigants, mais la situation est trop grave sur les bassins du département. » A l’heure actuelle, plus de 500 kilomètres de cours d’eau sont à sec. Le débit de la Charente a lui aussi ralenti. La situation de crise, un seuil encore jamais atteint concernant les ressources en eau, a été déclaré par la préfecture. Tous les indicateurs sont au rouge.

« Ces mesures sont peut-être exceptionnelles mais le bassin est en crise depuis 20 ans ! s’exclame le vice-président de l’association environnementale. Les pratiques agricoles vont devoir changer, à commencer par arrêter la production de maïs pour le rendement. »

Revoir les autorisations d'irrigation

Patrick Picaud ne blâme pas seulement la minorité d’agriculteurs ayant décidé de passer outre l’arrêté préfectoral. A ses yeux, le premier problème provient directement des autorisations d’irrigation données aux producteurs. « Il n’y a pas de cohérence entre les autorisations de prélèvement et les ressources disponibles. Pour certains exploitants les volumes d’eau accordés sont trop élevés. » Tandis que les niveaux des rivières et des nappes restent dangereusement bas. « Il faut surveiller de près les niveaux d’eau car moins il y en a, plus les risques de voir se développer de la pollution dedans sont importants », ajoute-t-il.

Je comprends la frustration de ces irrigants, mais la situation est trop grave sur les bassins du département.

Patrick Picaud, vice-président de Nature environnement 17

Ce samedi 6 août, le taux d’humidité est passé sous la barre des 10% dans le département, signe d’une sécheresse de plus en plus intense. Alors les membres de l’ASA maintiennent leur décision malgré les mises sous scellés de matériels irrigants et l’intervention de la police sur les exploitations. « Nous assumerons nos responsabilités devant la justice, souligne Pascal Ribreau. Nous avons fait appel à des avocats pour nous défendre. » Après avoir apporté son soutien face à la détresse des exploitants agricoles, la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime demande maintenant aux membres de l’ASA de se plier à l’arrêté préfectoral, toujours en vigueur.

Reportage de Sophie Wahl et Chloé Duval

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