La Rochelle : au Foyer des Jeunes Travailleurs, "on vit la détresse de certains, mais aussi la joie de la réussite"

À la Rochelle, l'association "Horizon Habitat Jeunes" propose trois résidences que l'on n'appelle plus depuis longtemps "Foyer des Jeunes Travailleurs". Ils sont en rupture familiale, en apprentissage, migrants ou docteurs en physique. Tous cherchaient un toit et ont trouvé bien plus que cela.

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C'est un immeuble comme tant d'autres à Mireuil, quartier populaire au nord de La Rochelle. Mireuil, c'est près de 10.000 habitants et de grandes barres HLM qui ont retrouvé un peu de verdure et d'espace au fil des opérations de renouvellement urbain de ce début de siècle. Si vous passez derrière la caserne de pompiers, vous apercevrez très vite la façade sans balcons aux couleurs crème et saumon du "foyer". Évidemment, c'est plutôt en fin de journée ou le week-end qu'il faut pousser la porte pour rencontrer des "jeunes travailleurs". 

Dans le hall d'entrée, Donovan fait une partie de baby foot avec Louis. Le premier, charentais, est menuisier de formation quand le second, originaire de Guinée, est en apprentissage dans une entreprise de nettoyage industriel. Plus loin, dans la grande salle commune, comme tous les samedis, il y a distribution de nourriture. Grâce à une association rochelaise de lutte contre le gaspillage alimentaire, des invendus de supermarché sont proposés aux 80 résidents. Fruits et cuisses de poulets trouvent rapidement preneurs. Les endives moins. Alpha, lui aussi Guinéen, regarde avec circonspection une barquette de cailles dans le frigo.

"C'est une sorte de société dans la société."

"On n'a pas de sac ! Il faut que tu viennes avec le tien, tu sais bien." Gonzalo, c'est un peu le chef d'orchestre ici. Chilien, il est arrivé en France il y a dix ans. D'abord pour faire du théâtre, puis un master en littérature contemporaine, il a ensuite bifurqué vers des études d'architecture et d'urbanisme. On apprécie apparemment ce genre de profil atypique chez Horizon Habitat Jeunes, l'association qui gère la résidence. "En fait, moi, je cherchais un carrefour. La plupart du temps, les gens cherchent une ligne droite avec des objectifs précis. Moi, je me sens bien à un carrefour, donc là c’est un poste idéal". Gonzalo est médiateur socio-culturel à Mireuil.

Dans le monde d'avant, il organisait tous les mois des sorties à La Coursive, la scène nationale sur le vieux port. Musique, atelier théâtre, labo photo ; c'est lui qui, au quotidien, fait vivre cet immeuble, cette communauté. "Ici, j'ai découvert la situation sociale des jeunes en France, la précarité, les conflits ethniques aussi et le brassage des nationalités. C’est une sorte de société dans la société, une mise en abime de tout ça".

Un repas en commun un soir par semaine, une soirée cinéma sur le rétro-projecteur et puis le jardin qu'il a décidé de transformer en potager collectif ; la crise sanitaire n'a pas franchement simplifié la tâche de Gonzalo depuis un an. Pourtant, cette vie en collectivité, c'est le coeur du projet de l'association et donc la mission principale de l'animateur.

"On vit la détresse de certaines personnes mais aussi la joie de la réussite."

Après deux ans d'expérience, il nous décrit les trois catégories de résidents qu'il a pu identifier. "Le flottant", celui qui surnage dans l’eau et qui ne sait pas où il est. Souvent, il n’a aucun papier et il faut l’aider à s’organiser avec l’administration pour avoir des droits, pour pouvoir accès à la santé, etc… Il faut parfois lui apprendre l’hygiène aussi et à vivre avec les autres. "Le pilote", comme un pilote de l’armée, lui sait exactement où il va et qui prend son avion sûr de lui. Il a un but et il sait qu’il ne restera que quelques mois ou parfois un an.  Et puis "le trapéziste" qui est en contrôle de sa situation mais qui jongle avec une situation précaire en attendant mieux. Il a souvent un environnement familial qui le supporte moralement à défaut de financièrement. Et notre gros travail d’équipe pour le développement social, c’est de créer une mixité avec toutes ces personnes".

Si on n’avait que des "flottants", notre mission changerait ; on se retrouverait à faire de l’éducation spécialisée avec, par exemple, des conflits familiaux ou des addictions très fortes à gérer et, du coup, on n’est plus adapté et l’espace non plus. Et si on n’avait que des ingénieurs et des doctorants qui vont juste "consommer" parce que le loyer est moins cher, ça ne marcherait pas non plus. La mixité, c’est la base. Notre métier et notre mission, c’est de la faire vivre. Sinon ça reste un concept. Ici, on vit des conflits de drogues, on doit parfois faire l’éducation de gens qui sont déjà adultes, on vit la détresse de certaines personnes mais aussi la joie de la réussite. La réussite, c'est quand un jeune se sent enfin respecté, parce qu’il a un toit, parce qu’il paye ses factures, qu’il est à jour avec l’administration, que légalement il n’a plus de problème et qu’il montre qu’il est un homme de bien et, un jour, il finit par trouver un vrai appartement et il s’en va.

Gonzalo Ortiz, Médiateur socio-culturel

S'en aller, ça fait un peu peur à Anna. Elle a finalement décroché un CDI dans un centre d'appel de l'agglomération et doit prochaînement aménagé dans "son" appartement. Derrière le masque de cette jeune fille de 21 ans, on sent un mélange de détermination et de fragilité. "Il faut avoir les épaules solides quand on habite ici. On peut très vite tomber dans la solitude, tout seul dans notre chambre", explique-t-elle avec l'assurance d'une "ancienne" du foyer, "en fait, c’est comme quand tu rentres dans un appart’. Tu apprends, tu te rends compte des difficultés et tu les surmontes. C’est devenir adulte tout simplement".

"J'avais cette image de foyer, en parlant vulgairement, de cassos."

On comprend donc vite que Anna vient peut-être de passer un cap dans son chaotique parcours après un an et demi ici. "Ça m’a beaucoup apporté. Les aides sociales, par exemple, je n’y connaissais rien. On m’a appris ce que c’était les APL quand je suis arrivée. Je me disais je vais payer 300 euros sur mes 580 euros, je vais clairement manger des pâtes tout le mois. J’ai même eu une aide d’urgence une fois parce que je n’arrivais pas à gérer mon argent. Parfois j’arrivais ici en pleurs." On aurait presque l'impression qu'elle nous parle d'une époque lointaine, d'une autre Anna, celle d'avant Mireuil. Pourtant, elle se souvient parfaitement du jour où elle a posé ses bagages dans la résidence.

C’était le 30 août 2019. Je m’en rappelle parce que j’étais très stressée de venir ici, j’avais très peur. Le mot "foyer", FJT, c’est foyer de jeunes travailleurs et ça fait peur, mais je suis très contente d’être venue. Je suis partie de chez mes parents parce que je ne m’entendais pas du tout avec mon beau-père et, à un moment, j’ai craqué. Mais, à l’époque, j’étais en service civique pour Pôle Emploi et je gagnais 580 euros par mois et partir de chez ses parents avec 580 euros par mois, c’est compliqué. Je suis allée voir un médiateur du foyer de Villeneuve et je me suis effondrée devant lui. J’étais dépressive à l’époque et il m’a beaucoup rassurée. Deux semaines après, j’étais sur liste d’attente et deux semaines encore après j’ai été prise. Pendant une semaine, j’ai cogité en me disant "faut pas que tu te dégonfles". J’avais cette image de foyer, en parlant vulgairement, de "cassos", de mecs qui allaient m’agresser, cette image de Mireuil, j’avais peur, mais au final je suis tombée que sur des gens très gentils et serviables.

Anna, 21 ans

"J’ai demandé à Maureen de m’aider quand je serai partie, parce que j’aime bien mon indépendance mais il faut qu’elle me dise ce que je dois faire une fois toute seule", ajoute Anna comme pour se rassurer.  Maureen, c'est la chargée de gestion locative de l'association. "Je ne sais pas si elle continuera à venir nous voir, mais ça sera avec plaisir ! En tout cas, on va faire en sorte qu’elle n’ai plus besoin de nous pour tout ce qui est administratif" nous explique-t-elle. Après tout, c'est vrai qu'on est tous passés par là ; le premier bail, le premier abonnement EDF, l'assurance habitation... On appelle ça des rites de passage dans l'âge adulte.

Quand ils sont là depuis un certain temps comme Anna, qu’une demande HLM a été faite et qu’ils sont entre guillemets sur le départ, on les prépare à la sortie et à la vie en indépendance. Avec Anna par exemple, je vais faire un suivi au niveau des APL, pour l’aider à comprendre tout le système avec la CAF. S’il y a des soucis pour ouvrir des compteurs d’eau ou d’électricité, on va faire un point. J’essaye vraiment de les autonomiser au maximum pour qu’ils ne soient pas perdus quand ils sortent d’ici et que ça se passe au mieux.

Maureen Baranger, chargée de la gestion locative

"La difficulté, c'est de venir ici en ayant en tête l'après."

Car, la règle première est simple : le "foyer" n'est qu'une parenthèse. C'est un sas entre deux mondes, une escale pratique pour certains, mais une salutaire transition pour beaucoup. On "offre" un toit certes, mais, surtout, on construit de l'humain. Jim Charron s'occupe de l'accompagnement individuel des résidents. "Il y a des jeunes qui, par la force des choses, vont arriver ici avec, pour une grosse majorité, une rupture familiale, des grosses cassures, des addictions, des moments de rue. Certains arrivent aiguillés par des partenaires, d’autres arrivent par eux-même et c’est un peu plus compliqué".

Sociologue de formation, il a beaucoup travaillé sur les sans-abris, la communauté des gens du voyage ou les enfants en situation de handicap. Une certaine fibre sociale donc. Après de multiples expériences dans l'humanitaire à Bogota, en Israël ou dans un centre d'hébergement d'urgence à Bordeaux, lui aussi a été adoubé depuis presque deux ans dans l'organigramme de Horizon Habitat Jeunes. "En tant que professionnel, je pense qu’à partir du moment où on continue à apprendre et à se tromper, on est à la bonne place. S’il y a une routine, c’est que je commence à faire mal mon travail".

Ce sas, il marche à partir du moment où la personne comprend que c’est du temporaire. La difficulté, c’est de venir ici en ayant en tête l’après. Ce sont des périodes très courtes, huit mois en moyenne (même si ça peut être beaucoup plus long pour certains) mais si le jeune arrive à adhérer à cette logique-là, on peut travailler efficacement. Il y a des échecs parce qu’on est là pour prendre des risques. On n’est pas toujours les plus adaptés en tant que structure mais on va les accompagner parce qu’on pense qu’il peut y avoir une bascule. La demande de logement est tellement forte que si on répondait uniquement à des critères trop stricts, il y a plein de personnes qu’on ne prendrait pas et qui seraient dans des situations très compliquées.

Jim Charron, accompagnateur individuel

"D'avoir un petit chez soi quand tu rentres le soir, ça change beaucoup."

Dans le hall d'accueil ou au comptoir du "bar" de la résidence, on croise la planète entière. Gonzalo interpelle quelques résidents en espagnol. Heydi, équatorienne, finit ses études d'aide-soignante à La Rochelle. Il y a aussi une jeune égyptienne qui est en master de droit. Babel sur Mireuil. Et, puis, malheureusement, depuis deux ans, c'est la crise migratoire qui s'est invitée au foyer. "Il y a eu une explosion des arrivées en 2018 sur le département, souvent des mineurs qu’on récupère donc nous deux ans après", explique Jim, "on est toujours sur cette vague-là et il n’y a pas suffisamment de place pour répondre à cette demande".

Alpha, comme d'habitude, garde le sourire. Guinéen, il est arrivé en France en 2015. Comment ? C'est une autre histoire. En tout cas, il travaille maintenant dans une entreprise de nettoyage et, après trois ans au foyer, il s'apprête lui aussi à aménager dans un appartement à Mireuil. Comme Anna, il est un peu anxieux. "Ça va le faire. Je me suis un peu préparé par rapport à la sortie. Au début, j’avais un peu de stress. Ça fait quand même trois ans que je suis ici. Quand je suis arrivé, je n’avais rien, disons que je me suis construit, je me suis formé, j’ai passé mon permis, petit à petit, j’ai mis plein de choses en place". 

Paradoxalement (ou pas), les migrants comme Alpha constituent, entre guillemets, un profil idéal pour l'association. Ils sont de passage et déterminés. Ils n'ont souvent aucun mal à entrer dans le collectif et ils savent où ils veulent aller.

Au début, ça permet de faire des connaissances parce que tu ne connais personne et avec les activités, ici, ça permettait de changer d’air. Ça a beaucoup compté pour moi. Je pars avec un petit pincement parce que je me suis habitué après trois ans ici, mais il n’y a pas de raison que ça ne le fasse pas. C’est une nouvelle étape. Sans le foyer, ça aurait été compliqué parce que le logement, c’est la base. Ça te permet de te concentrer sur le travail, d’avoir le courage de sortir. Il y a eu un moment où j’étais un peu dans le dur et sans ça, ça aurait été compliqué. J’ai beaucoup galéré avant d’arriver ici. Ce n’est pas toujours évident de squatter chez des gens. D’avoir un petit chez soi quand tu rentres le soir, ça change beaucoup.

Alpha, jeune Guinéen

Louis, l'autre Guinéen rencontré autour du baby foot, ne vous dira pas le contraire : "maintenant ma vie est stable, je vis comme tout le monde, il n’y a rien qui me dérange ou qui me fatigue, comme vous le voyez ! ". Il a le rire facile, Louis. Hébergé à Saintes par l'association "Le Logis", il a trouvé un employeur pour son apprentissage à La Rochelle. Le foyer, c'est souvent une solution idéale quand on parle de mobilité professionnelle des jeunes. "Je ne sais pas ce que la vie me réserve pour demain, mais, ici, on est bien" nous dit Louis, "c’est un endroit avec une ambiance particulière. (...) Il y a une stratégie que j’ai mise en place, c’est que, s’il y a un nouveau qui arrive, on demande à "un ancien" de lui faire la visite et de lui expliquer la vie ici". Ça se passe comme ça à Mireuil.

Évidemment, il ne faudrait pas dresser un portrait trop angélique du foyer. Cette arrivée massive de migrants, par exemple, n'a pas toujours été simple à gérer. "C’est un public qui demande un accompagnement spécifique", modère Jim, "quand on doit faire face à une santé défaillante, physique ou psychique, une problématique qui est commune à beaucoup de partenaires sur le territoire, ou si, par exemple, on n’a pas de traducteurs, c’est compliqué. Quand on a affaire à des gens d’Afghanistan ou du Pakistan, qu'on touche à de l’humain dans ce qu’il a de plus compliqué et de complexe sur le parcours migratoire, on est un peu démuni".

"C'est comme si j'avais repris ma vie d'étudiant."

Des jeunes en rupture familiale, des migrants qui ont pris beaucoup de risques pour arriver jusqu'ici, mais aussi, tout simplement et comme le nom l'indique, des "jeunes travailleurs". Comme Antonin qui, débarqué de Perpignan, avait trouvé un petit boulot dans un restaurant dont on taira le nom, vu comment il a remercié son nouvel employé. Ça tombe bien, Antonin veut travailler dans l'animation et c'est pour ça qu'il souhaitait habiter dans la résidence. "Le jour où ils m’ont annoncé que j’étais accepté, j’allais signer un bail avec un propriétaire privé. Mais c’est le projet de l’association qui m’intéressait" dit-il dans sa petite chambre de 10 mètres carrés. "En plus, bien sûr, au niveau de la CAF, des papiers, ils nous aident, il y a une marge de soutien qui est non négligeable et, nous, on peut partager plein de choses, plutôt que de me retrouver en coloc à l’autre bout de La Rochelle".

Il y a aussi Donovan qui, même s'il se languit de son chat laissé en pension chez ses parents en Charente, se voyait mal refuser l'embauche qui lui était proposée en menuiserie à La Rochelle. "Du coup, la résidence m’a sauvé la vie ! Même avec une promesse d’embauche en CDI, les proprios ne voulaient pas prendre le risque. J’avais même deux garants mais ils ne voulaient pas. Si je n’avais pas eu ce logement ici, je serais resté en Charente pour un boulot qui me déplait. Je ne pouvais pas me permettre de faire deux heures de trajet tous les jours".

Et puis, on peut aussi croiser des docteurs dans ce drôle d'immeuble. Georges, Libanais, après un master à l'École Centrale de Nantes, a fait un doctorat à l'université de Reims. On vient juste de lui proposer un contrat d'ingénieur de recherche à la fac de La Rochelle. "Je travaille sur un programme européen entre la France, l’Espagne et le Portugal sur l’efficacité énergétique des bâtiments et la rénovation des logements sociaux par rapport aux conditions climatiques et à l’environnement pour réduire la consommation énergétique et réduire la production de gaz à effet de serre". Rien que ça.

C'est un peu dans l'urgence qu'il avait besoin de trouver un logement et, à priori, il sait qu'il ne devrait pas rester très longtemps ici. Vous l'aurez compris, Georges est un "pilote", selon la nomenclature "gonzalienne". Il aurait tout à fait la capacité financière de louer un appartement dans le parc immobilier privé. Mais s'il apprécie bien sûr de payer quelques cent euros de moins que ne lui coûterait un studio en plein centre-ville, il n'est finalement pas venu ici par hasard.

Je m’étais renseigné avant de venir sur l’association, l’ambiance, ce qu’ils font et franchement il y a beaucoup de facilités pour quelqu’un qui déménage dans une ville qu’il ne connait pas, c’est franchement bien. La caution, c’est un demi-loyer et si tu ne connais personne, ça facilite l’intégration. Il y a des repas tous les vendredis, des repas en commun le soir et au moins une fois par semaine je participe aux activités. C’est comme si j’avais repris ma vie d’étudiant. Je ne me suis pas fait des amis intimes mais on discute souvent de notre pays, de nos coutumes, de nos habitudes. Peut-être parce que je sais que je ne vais pas rester longtemps, mais je me sens bien ici. J’attends les beaux jours pour qu’on puisse profiter du jardin pour faire des barbecues. 

Georges, chercheur libanais

Le "foyer", c'est donc une petite entreprise qui ne connait que trop bien la crise. Covid ou pas, force est d'admettre qu'il n'est pas facile d'avoir vingt ans sur cette planète et la résidence offre un réel panorama de la réalité de la jeunesse française en 2021. Horizon Habitat Jeunes, c'est certes une association, mais c'est surtout une structure d'économie sociale et solidaire. Pascal Morel, la directrice, gère une trentaine de salariés et un budget d'1,8 millions d'euros, dont 60 % vient des loyers des résidents. "Notre modèle économique fonctionne certes avec de l’argent public (CAF, APL,…) – en même temps, de mon point de vue, l’argent public, ça sert à investir dans de l’humain – mais on a une vraie liberté de gouvernance" explique madame la directrice.

À l'origine, en 1922, le foyer était situé en centre-ville et était géré par des soeurs catholiques "qui accueillaient les jeunes femmes qui venaient de la campagne pour venir travailler en ville". La difficulté de se loger déjà. Après-guerre, le mouvement d'éducation populaire a tissé tout un réseau de structures qui répondaient encore aux besoins de logements, mais qui a surtout permis aux responsables politiques de ne pas gérer l'épineuse question de cette jeunesse désargentée dont on ne savait que faire.

"Dans les années 90, les FJT ont reçu une sorte de délégation informelle des collectivités sur cette partie de la jeunesse qui n’a jamais vraiment intéressée personne, les jeunes qui n’allaient pas bien mais sans leur en donner les moyens financiers", explique Pascale, "ça devenait des lieux mal fréquentés ou, disons, qui posaient soucis. Des problèmes de voisinage compliqués à gérer et une vie intérieure parfois un peu rude avec des équipes mises à mal. D’où une réputation qui perdure encore aujourd’hui. Ici, d’après ce qu’on m’a dit, ce n’était pas fréquentable dans les années 90. Les gens ne passaient pas dans la rue parce qu’il y avait des choses qui tombaient des fenêtres et l’association s’est plantée".

À La Rochelle, l'association a failli déposer le bilan. "L’association a fondu les plombs, financièrement, c’était la cata. La mairie a joué son rôle en négociant avec l’office HLM pour racheter le bâtiment pour un euro symbolique et en rééquilibrant les comptes mais en disant "on ne veut plus entendre parler de votre projet. Ok, on s’est servi de vous et on en est arrivé là, mais maintenant vous êtes en autonomie", considérant que l’on proposait du logement et qu’à La Rochelle, vu la situation tendue du secteur, on devait pouvoir trouver un équilibre". Dont acte.

On serait facilement en équilibre financier si on ne prenait en compte que la partie logement (comme toutes les autres résidences privées qui font de la gestion locative), mais nous, certes on propose un logement, mais aussi une façon d’être ensemble qui est différente. C’est pour cela que l’on reçoit des aides publiques, c’est parce qu’on donne du sens. Le problème, c’est toujours de faire comprendre aux collectivités qu’on n’est pas là uniquement pour accueillir des jeunes en difficulté et que la mixité est au cœur de notre projet. C’est un peu un laboratoire comme on pourrait en avoir dans les logements sociaux. Entre un jeune ingénieur, un jeune maçon ou une apprentie esthéticienne, il y a peu de lieux qui permettent ces rencontres. Chacun a son intimité mais ils vivent quand même ensemble. Évidemment, ils ne viennent pas là en premier pour le projet que l’on porte. Ils viennent là parce qu’’ils ont besoin d’un logement mais il s’avère qu’une fois ici, ils découvrent autre chose.

Pascale Morel, directrice d'Horizon Habitat Jeunes

Les trois résidences de l'agglomération rochelaise gérées par Horizon Habitat Jeunes accueillent plus de 800 personnes par an. En France, l'Union Nationale pour l'Habitat des Jeunes regroupe quelques 650 "foyers".

 

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