Dans la commune de Virecourt, un habitat inclusif a ouvert ses portes le 2 décembre dernier. Le concept : une colocation de personnes âgées pour favoriser les liens sociaux et éviter la solitude. Un projet novateur en milieu rural.
Sa chambre, Yoann l'a décorée à son goût. L'amateur de musique rock a installé plusieurs enceintes pour y diffuser la musique qu'il souhaite. Ce samedi matin, le sexagénaire opte pour le groupe ZZ Top et se met à dandiner dans ses claquettes chaussettes. Il monte le son, et semble peu se préoccuper des voisins. Pourtant, Yoann n'habite pas seul. Il partage avec Marie-Thé et Jeannine cette maison à étage, situé dans la commune rural de Virecourt, à une trentaine de kilomètres de Nancy. Ils ont emménagé il y a peu, le 2 décembre, dans cet habitat inclusif proposé par l'association Mirabelle Habitat.
Cuisine et jeux de cartes
Au début, Marie-Thé n'était pas totalement emballée par l'idée : " Ça faisait 40 ans que j’habitais Villiers-les-Nancy, j’avais de très bons voisins, mais la solitude, c’est très difficile à supporter". Sa copine Jeannine, qu'elle connait depuis 28 ans, a aussi déménagé, mais pour se rapprocher de sa fille. Les deux octogénaires y trouvent finalement leur compte. "Je suis très bien ici, parce qu’on fait ce qu’on veut, sourit Jeannine. Chez moi, je ne faisais plus de cuisine, je me faisais livrer mes repas et j’en avais un peu marre. Alors que là, on mange bien, on est bien mieux."
Si les locataires ont leur propre logement d'une superficie de 20 à 28 mètres carrés, la cuisine et la salle à manger sont communes pour qu'ils puissent créer des liens. " Deux animatrices sont présentes tous les jours de la semaine pour animer la vie quotidienne, faire en sorte que les personnes se sentent bien ensemble en communauté et organiser la vie collective, les animations", précise Elisa Cendre, la présidente de l'association Mirabelle Habitat. Ce samedi midi, après un jeu de cartes, c'est atelier préparation du déjeuner. Marie-Thé épluche les pommes de terre pendant que Yoann cherche désespérément le couteau pour inciser le potimarron.
"J’ai retrouvé la joie de vivre ici"
"On est ensemble du matin au soir, on partage surtout du rire, c’est important. Et puis, toutes les petites tâches quotidiennes", déclare Yoann. Après un divorce difficile, le sexagénaire a voulu changer de vie pour se reconstruire. Vivre seul était alors inenvisageable. "C’est vraiment une nouvelle vie pour moi, j’ai retrouvé la joie de vivre ici", s'enthousiasme-t-il. Le locataire prévoit même de créer un potager dans le jardin pour que la colocation puisse profiter de ses propres fruits et légumes, "sans pesticides", insiste-t-il. Un projet possible grâce à la grande superficie de l'habitat, situé à l'écart de la ville, dans un village de 500 habitants. "En milieu rural, ça existe peu, et ce serait super que ça se multiplie pour satisfaire un besoin des aînés", ajoute la présidente de l'association.
Pour bénéficier de tous ces services, les locataires déboursent 1 500 euros par mois. Un montant qui comprend le loyer avec toutes les charges, le pot commun pour la nourriture et les salaires des animatrices. Sur les neuf logements existants, trois d'entre eux sont actuellement occupés. Mais dès le mois de janvier, trois nouvelles personnes devraient rejoindre l'habitat inclusif. Marie-Thé et Jeannine attendent avec impatience les nouveaux colocataires. "L'ambiance est super, on ne peut pas mieux, insiste Jeannine. Mais pourvu qu'il y ait plus de monde." Le mot est passé.