Voile : la dernière transatlantique de Notre Dame des Flots

Le 26 septembre prochain aux Sables d'Olonne, l'emblématique vieux gréement de La Rochelle prendra le départ de la Mini-Transat en tant que bateau accompagnateur. Une ultime traversée de l'Atlantique pour son capitaine, Pépo, qui a décidé de passer la main.

Poser son sac à terre, quitter le bord : dans ce monde si particulier de la marine à voile, il est des expressions qui n'inspirent que tristesse et mélancolie.

Comment envisager de descendre pour toujours sur le ponton alors que l'on vient de passer presque un demi-siècle sur un bateau ? Attablé dans son carré devant une tasse de café, Jean-Pierre Després alias Pépo est pourtant serein et même visiblement soulagé. A quelques jours du départ de la Mini-Transat, comme toujours, le Charentais est tranquille. Son bon vieux ketch classé monument historique est prêt à larguer les amarres pour assurer la sécurité de la course.

Une épave échouée dans la vase à Dunkerque

Ca sera sa 23ème traversée de l'Atlantique. Sans aucun doute, Notre Dame des Flots est le vieux gréement français qui a le plus navigué sur tous les océans. La décision de passer la main ne s'est pas prise hier et surtout pas à la légère. "C’est moins compliqué que de quitter une femme !", rigole Pépo. "À trente ans, je voulais avoir mon bateau à moi en tant que patron et j’ai toujours dit qu’à 70 ans, j’arrêterai. On commence à tomber dans des zones à risque. On ne sait pas ce qu’il peut se passer. Pour des questions de sécurité, si je ne peux plus monter en haut du mat en cas de besoin, ce n’est pas la peine".

C'est que, depuis 1976, quand avec son épouse Pitchoune, il découvre à Dunkerque l'épave de ce haranguier échoué dans la vase, il n'a pas ménagé sa peine, Pépo. Il leur faudra près de sept ans pour le remettre en état. Une folie! Tous deux originaires de Cognac, ils s'installeront à La Rochelle en 1983. Quoique "s'installer" ne soit pas un verbe que le couple utilisera souvent dans leur longue épopée maritime. Tout de suite, ils mettront le cap sur Saint-Pierre et Miquelon et Montréal. Puis ce sera, au gré des envies, l'Alaska, le Spitzberg, la Géorgie du Sud en Antarctique, l'Amazonie, le Japon.

"J'ai toujours rêvé d'aventure"

"On a traversé deux fois l'océan Indien, six fois le Pacifique", se souvient le marin. "Il n'y a peut-être que l'Inde, les Maldives ou des coins comme Ceylan où on n'a pas mis les pieds". En tout, les journaux de bord méticuleusement remplis à chaque navigation comptabilisent plus de 350 000 miles nautiques, presque 650 000 kilomètres !

Des souvenirs par milliers et, surtout, toutes ces rencontres avec ces hommes et ces femmes, des gamins aussi comme Fanch qui ont eu le bonheur de naviguer sur Notre-Dame. Au coeur de l'histoire, bien sûr, il y a Pitchoune qu'une saloperie de maladie a emporté bien trop tôt. "Jean-Pierre et moi, on se connaissait quand on avait douze ou treize ans", racontait-elle à une journaliste. "On était aux éclaireurs de France à Cognac et on avait construit un petit voilier pour naviguer sur la Charente. Mais je n’ai jamais eu la passion du bateau ! J’ai toujours rêvé d’aventure, que ce soit sur l’eau ou sur terre, voir de nouveaux horizons et c’est ce qui m’a enthousiasmé et Jean-Pierre et moi, on se complète".

Ces deux-là étaient aussi taiseux que bienveillants. Fabien, le fiston, a hérité de cette belle philosophie. Une façon bien particulière d'envisager notre bref passage sur terre, ou plutôt sur mer pour ce qui les concerne.

Déjà avant que Pitchoune ne parte, je lui avais dit que je ne garderai pas le bateau longtemps, parce que ça n’allait pas être drôle. 

Jean-Pierre Després alias Pépo, navigateur rochelais

"S'il ne navigue pas, il meurt"

Donc, c'est bien la der des der. "Déjà avant que Pitchoune ne parte, je lui avais dit que je ne garderai pas le bateau longtemps, parce que ça n’allait pas être drôle" nous confie Pépo. "J’ai gardé quelques unes de ses cendres pour les jeter dans l’anse d’Arlet en Martinique comme je le lui avais promis et, c’est aussi pour ça que je fais ce dernier voyage".

Après un hiver aux Antilles, Notre-Dame des Flots devrait remonter la côte est des Etats-Unis, passer par Saint-Pierre, la Nouvelle Ecosse peut-être, avant de mettre le cap sur l'Irlande ou les îles Féroé. Au retour, même s'il ne veut pas trop en dire, le ketch pourrait se retrouver entre de bonnes mains, "une piste familale"... Les intimes comprendront. "L’important, c’est qu’il continue à naviguer. Un bateau comme ça, s’il ne navigue pas, il meurt. Mais il faut toujours s’en occuper. La mécanique, le bois, l’électricité… L’entretien de ce bateau, c’est lourd".

J’ai dormi quelques fois dans une maison, c’est bien, mais tu ouvres une fenêtre et tu sais que dans trois ans tu ouvriras la même fenêtre et ce sera exactement la même chose, pas d’horizon ! Donc, non, c’est pas possible ! 

Jean-Pierre Després alias Pépo, navigateur rochelais

Et après ? Une retraite à la campagne ? Un petit coin de paradis au bord de la Charente ? Ce n'est visiblement pas l'option première...

"J’ai dormi quelques fois dans une maison, c’est bien, c’est carré mais tu ouvres une fenêtre et tu sais que dans trois ans tu ouvriras la même fenêtre et ce sera exactement la même chose, pas d’horizon ! Donc, non, c’est pas possible !" Happy end donc pour cette belle histoire puisque Notre Dame continuera à silloner les océans et Pépo, de loin, toujours en mer, veillera sur elle. Qui a parlé de poser son sac à terre ?

 

 

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