Hébergement d'urgence : la maison-relais de Rochefort, un refuge pour les cabossés de la vie

Dans le cadre de la semaine nationale des pensions de famille, la maison-relais de Rochefort ouvrait ses portes au public. Ce dispositif d'hébergement peu connu répond à une demande de réinsertion. Contrairement aux autres dispositifs d'hébergement d'urgence, il n'y a, ici, aucune limite de temps.

Au 33, rue du port, dans le centre-ville de Rochefort, l'escale peut parfois durer plus longtemps que prévu. Derrière la facade au crépi blanc, une vingtaine de vies ont trouvé un peu de répit et de bienveillance. Cette maison-relais de l'association Altea-Cabestan a ouvert ses portes en 2009 et, comme un symbole, vient administrativement de rentrer dans la catégorie des pensions de famille. Parce que c'est bien ça que, finalement, toutes ces femmes et ces hommes ont trouvé en s'installant ici : une famille.

Ce type d’habitat convient à des gens qui ne peuvent pas être en autonomie totale. Dans un appartement tout seul, ils seraient dépressifs, alors qu’ici, en semi-collectif, ils s’y retrouvent. 

Aude Marcouillé, éducatrice à la maison-relais de Rochefort

Certains ont connu la rue

Derrière le bar de la salle collective, Jean-Émile et Thierry acceuillent les visiteurs du jour avec un cocktail de jus de fruits ou un café. Jean-Émile est le plus ancien résident de la maison. Compagnon d'Emmaüs durant un temps, il a connu les structures d'hébergement de nuit et la rue surtout, pendant quatre ans. 

"J’avais un boulot, mais j’ai eu un problème de santé et le patron ne m’a pas gardé. Plus de boulot, plus de voiture, plus de logement. Ici c’est un peu comme une famille et ça m’a sauvé la vie", avoue le quarantenaire. "Ici, on est en sécurité. Tous les mardis matin, on fait une réunion et on parle de tout ce qu’on veut faire dans la semaine, pour résoudre les problèmes aussi et, chaque semaine, quelqu’un est chargé d’ouvrir la pièce collective, de faire le café et d’aller chercher le journal."

Un havre de paix

Thierry, lui, est arrivé en juillet dernier. "J’étais carreleur toute ma vie et une maladie m’a bouffé le dos", explique-t-il comme pour résumer humblement des années de galère. Il avait pu profiter d'un Centre d'Hébergement de Réinsertion Sociale (CHRS) dans un HLM près de Rochefort mais ce n'était qu'une solution temporaire et puis, il y avait la solitude et le regard des autres.

"Ici on est tous ensemble, on discute. Quand vous êtes tout seul dans votre appartement…, soupire-t-il, les gens, vous savez, ils vous montrent du doigt, « celui-là, c’est un Altea-Cabestan » ! Ici, on peut parler de notre vie passée, de nos problèmes de santé et, s’il y a des problèmes, il y a Aude et Christelle."

Aude et Christelle, ce sont les deux éducatrices de la pension. Avec David, le maître de maison (qui gère intendance et bien d'autres choses aussi), elles ont pour mission de s'occuper des résidents et surtout d'animer ce hâvre de paix relative.

Nous recevons des gens qui ont besoin de recréer des relations sociales, souvent des gens extrêmement isolés dans leur vie privée et familiale, des gens cabossés par des parcours très complexes. 

Cécile Hirel, directrice générale adjointe d'Altea-Cabestan

"La maison ici est conçue comme un HLM mais on a aussi une cour intérieure, où beaucoup vont fumer, discuter, où tout le monde peut se retrouver. Il y a des choses qui s'y disent, on élabore des envies", explique Aude. "C’est un type d’habitat qui convient parfaitement à des gens qui ne peuvent pas être en autonomie totale. Dans un appartement tout seul, ils seraient dépressifs, ils plongeraient alors qu’ici, être en semi-collectif, du coup ils s’y retrouvent. On a une dynamique, on se voit tous les jours, il y a de la confiance. S’il y a un problème, ils viennent nous voir. On n’est pas des superhéros mais on trouve toujours une solution. Et puis il y a beaucoup d’humour aussi."

Contrairement aux autres dispositifs d'hébergement d'urgence, ici, aucune limite de temps n'est fixée. On peut rester un an comme quinze, peu importe.

"Ce sont des gens qui ont besoin de recréer des relations sociales, souvent des gens extrêmement isolés dans leur vie privée et familiale, des gens cabossés par des parcours très complexes", explique Cécile Hirel, la directrice adjointe d'Altea-Cabestan. "Ici, il s’agit de restaurer une estime de soi, restaurer un lien de confiance pour partager avec les autres. Donc, on est sur des choses beaucoup plus ancrées qu’un simple soutien administratif."

Vers une insertion complète

L'association Altea-Cabestan gère près de 600 hébergements en Charente-Maritime. Le 115, le Samu social, c'est eux. Mais dans l'éventail des dispositifs proposés, la maison-relais tient une place toute particulière.

"L’objectif est d’amener progressivement, sans avoir le couperet du temps, les personnes vers une insertion complète", résume Thierry Richard, le directeur. "La maison relais, c’est un soutien léger, durable, au quotidien dans toutes les dimensions de la vie personnelle et sociale."

Au premier étage, Nicole nous ouvre la porte de son appartement de 32 mètres carré. La décoration est certes un peu chargée, mais le sourire de la septuagénaire vous met tout de suite à l'aise. Sur le lit, Simba se laisse faire des papouilles. Simba, c'est le chien d'un ancien résident malheureusement décédé. C'est Nicole qui s'en occupe désormais. 

Nicole n'a pas vraiment l'intention de quitter prochaînement son petit chez elle.

"Je promène mon chien quand je veux, j’ai mon badge pour rentrer, je fais comme je veux. Quand je suis malade ou quand je n’ai pas le moral, je reste chez moi", déclare-t-elle d'un ton assuré. "Pour l’instant, je préfère rester encore un petit peu ici, je ne me plains pas : le logement et propre, Simba va bien et c’est le principal. Christelle s’occupe de moi pour les papiers parce que, je sais lire, mais je ne sais pas écrire. Elle vient toujours me voir pour voir si ça va bien."

Ainsi va la vie au 33 rue du port à Rochefort. Parfois, il y a des sorties organisées sur l'île d'Aix ou Oléron, des séjours dans les Pyrénnées même. Et puis il y a les ateliers cuisine, les ateliers vélos, les soirées cartes et, une fois par mois, un diner tous ensemble.

En Charente-Maritime, on compte aujourd'hui 177 places en maisons-relais. Ce chiffre devrait presque doubler dans les années à venir avec la construction de sept nouveaux établissements à Gémozac, Montendre ou encore Saint-Jean d'Angély. En France, 20.000 personnes sont ainsi hébergées et accompagnées par des associations comme Altea-Cabestan. Cette semaine nationale se donne pour ambition de construire 10.000 places supplémentaires avant 2022.

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