En 1945, la ville de Royan, encore tenue par les Allemands, est bombardée. Mais les Alliés se trompent de cible, ratent les défenses ennemies et rasent le centre-ville.
C'est l'anniversaire d'une erreur funeste pour Royan, le 5 janvier 1945. Alors que les Alliés ont débarqué en Normandie et progressent en France occupée, la ville côtière est toujours aux mains des Allemands, qui bloquent l'accès à l'embouchure de la Gironde et aux ports.
Erreur de communication
La "poche de Royan" est défendue par 5000 soldats allemands. Le général de Gaulle, sous la pression des milieux économiques, insiste auprès des forces américaines pour que la ville soit attaquée, "pour dégager l'estuaire de la Gironde, lors d'une démonstration de force pour inciter les Allemands des autres poches à se rendre", explique l'historien Stéphane Weiss.
L'opération, baptisée Indépendance, doit commencer par des bombardements suivis d'une attaque au sol. Mais, à la suite d'une offensive de Hitler en Belgique, l'attaque terrestre est décalée, alors que les frappes aériennes sont maintenues le 5 janvier à la demande du commandement américain. Les Français, eux, pensent que les bombardements sont aussi repoussés à une autre date.
Il y a eu des perceptions différentes et des absences de vérifications d'un échelon à un autre.
Stéphane WeissHistorien
"Il y a eu des perceptions différentes et des absences de vérifications d'un échelon à un autre", explique Stéphane Weiss.
"Deux télégrammes chiffrés sont adressés aux Français en soirée du 4 janvier, mais ils ne seront réceptionnés que dans la nuit et décodés qu'au petit matin", révèle Stéphane Weiss. Trop tard, donc, puisque entre-temps, de 4H à 6H du matin, 347 bombardiers de la Royal Air Force ont largué 1600 tonnes de bombes, en ciblant la cité balnéaire et non les défenses périphériques.
Le centre-ville est détruit à plus de 85%, 442 personnes sont mortes sous les bombes et 600 blessées. Les Allemands, qui ne résident pas dans le centre, enregistrent 47 décès et leurs fortifications sont intactes.
Une erreur passée sous silence
Les événements sont ensuite passés sous silence. Les archives américaines, britanniques et françaises, classées pendant des décennies, révèlent un possible malentendu supplémentaire autour de l'interprétation erronée de la mention "Royan area" pouvant désigner la ville ou la ceinture fortifiée.
S'ajoute un "manque d'attention porté aux civils", considérés comme "acquis à l'ennemi" par les forces assiégeantes, selon l'historien Guy Binot. Le commandement français assure également aux Américains que les derniers habitants auront été évacués mi-décembre, alors qu'il restait encore plusieurs milliers de civils "empochés", début janvier.
La première utilisation du napalm
"Il y a un consensus politique pour frapper ces poches", rajoute Stéphane Weiss, qui évoque aussi "un effet d'inertie". "Des villes françaises, belges et allemandes se sont fait pilonner depuis des mois pour amoindrir les forces allemandes, ce n'est pas choquant pour les états-majors", ajoute-t-il.
En avril 1945, le secteur subit de nouveaux raids, avec 5.000 tonnes de bombes larguées et 725 000 litres de napalm utilisé pour la première fois à titre expérimental, qui sont suivis cette fois de combats terrestres, aboutissant à la libération de la ville. "Royan a ensuite été pillée par les troupes françaises, sans doute parce qu'elle a été considérée comme une ville de collabos n'ayant pas voulu quitter la ville avant les bombardements", ajoute Charlotte de Charette, la responsable du service du patrimoine de Royan.