Entre 1940 et 1945, les bals populaires étaient interdits sur tout le territoire. Une décision qui n’émane pas de la politique nazie, mais bien du régime de Vichy et du Maréchal Pétain. Alors, des bals clandestins s'organisent. Le Musée de la Résistance de Limoges retrace l’histoire de ces "rave party" d'antan dans une exposition.
“Vous avez voulu les congés payés ? Alors, finie la bamboche !" : à partir de mai 1940, le Premier ministre du régime de Vichy, Georges Mandel, interdit les bals publics sous toutes leurs formes. Une décision du Maréchal Pétain qui sonne comme une revanche sur le Front populaire, qui, en juin 1936, avait promulgué la loi sur les congés payés.
Dans l’entre-deux-guerres, les bals étaient populaires chez les jeunes, “on y trouvait souvent son mari ou sa femme, on dansait avec ses amis”, explique Christophe Guillot, en charge de la recherche et de la documentation au musée de la Résistance de Limoges.
“Vous n’irez pas danser”
Le musée présente, pour la première fois à Limoges, l’exposition “Vous n’irez pas danser”, qui raconte l’histoire de ces bals clandestins entre 1939 et 1945. Un travail mené par le Centre d’histoire sociale des mondes contemporains de la Sorbonne, le Musée de la Résistance nationale, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, et adapté au Limousin.
Ce n’était pas de la résistance, les jeunes voulaient simplement danser.
Christophe GuillotChargé de la recherche et de la documentation au musée de la Résistance de Limoges
Ni jazz, ni valse, ni swing, ni cours de danse… Interdiction de danser, et cela, même pendant les mariages ! Lorsque le gouvernement de Vichy décide d’interdire les bals et face à l’envie irrépressible de danser, la population s’organise. Des bals clandestins sont très vite orchestrés : “en ville, on guinchait dans les maisons closes, et à la campagne, dans les granges”, explique Christophe Guillot. “Ce n’était pas de la résistance, les jeunes voulaient simplement danser”.
Un mouvement massif qui a vu s’organiser des bals à 300, voire 400 personnes. “On connaissait le lieu et la date grâce au bouche-à-oreille. Peu de déplacements étaient possibles à l’époque, les évènements se déroulaient donc dans un rayon de moins de vingt kilomètres”.
Mais pas question pour le régime de Vichy de laisser les jeunes s’amuser : “très vite, après le dépôt du décret interdisant les bals, on voyait dans les journaux, chaque lundi, des articles tels que – des jeunes arrêtés par les gendarmes après avoir organisé un bal clandestin -. C'est l'ancêtre de la rave party ! ”.
Sanctionner les "sous-hommes"
Cette interdiction permettait aussi de punir les hommes qui n’étaient pas partis sur le front, selon Christophe Guillot : “Des milliers d’hommes faisaient la guerre, l’idée était d’empêcher les “sous-hommes” de voler les gonzesses, comme on disait à l’époque. De plus, la danse permet de se toucher, ce qui n’était pas de bonne tenue, ni inscrit dans l’ordre moral voulu par Vichy”.
"Travail, Famille, Patrie", mais surtout pas swing, fête ou musique ! Seule la musique classique ou folklorique pouvait être écoutée.
Lorsque Limoges fut libérée en août 1944, les Limougeauds dansent et se libèrent : “pourtant, il a fallu attendre fin avril 1945 pour que l’interdiction prenne fin !”.
L’exposition “Vous n’irez plus danser ! Les bals clandestins, 1939-1945” est à découvrir au Musée de la Résistance à Limoges, jusqu’au 19 mai 2025. Une invitation à la danse et à la fête.