Depuis le début du confinement, le secteur hospitalier a continué de fonctionner. Ce n’est pas le cas de la médecine thermale, autre modèle d’activité médicale, qui a dû fermer ses stations à des milliers de curistes. Une incompréhension partagée par de nombreux médecins du secteur.
Depuis le 16 mars, les établissements thermaux ont fermé leurs portes sur demande de la Direction Générale de la Santé (DGS). Médecins thermaux, curistes et stations thermales attendent les annonces officielles. Pour l’instant, une reprise de l’activité pourrait être envisagée au 13 juillet. "C’est beaucoup trop loin un mois et demi", s’inquiète le Dr Olivier Dubois, psychiatre et directeur des thermes de Saujon (17).
Des mesures qui déplaisent fortement aux spécialistes du secteur.
On subit cette décision de plein fouet. Nous, médecins, nous n’existons plus et nous souffrons de cette situation.
- Michel Duprat, président du syndicat des médecins thermaux et médecin thermal à Dax
Il s’agit donc d’un besoin de réouverture pour les praticiens, tout d’abord économiquement parlant. "Nous sommes des saisonniers et on a déjà perdu trois mois sur la saison, c’est un séisme économique, sans parler des hôtels et restaurants qui accueillent une majorité de curistes", affirme-t-il. Pour les médecins aussi, qui se retrouvent dans l'impossibilité d’exercer leur profession. Mais également pour les curistes, clients fidèles. "Le thermalisme est une activité très peu subventionnée. Les deux tiers des dépenses des clients sont assurées par eux-mêmes. S'ils viennent c'est car ils savent que ça leur fait du bien", analyse Michel Duprat.
Le 23 avril dernier, 24 députés, ainsi que les dirigeants de l’Association nationale des maires des communes thermales, de la Fédération thermale et climatique française et du Conseil national des établissements thermaux ont interpellé Edouard Philippe afin de l’alerter sur la situation dans laquelle se trouvaient les stations thermales et exiger l’intégration du thermalisme dans le plan spécifique de relance gouvernemental du tourisme.
Cette demande a été entendue puisque, le 14 mai, Edouard Philippe annonçait un plan pour tout le secteur du tourisme. La filière thermalisme sera accompagnée par la Banque des territoires, à hauteur de 300 millions d'euros. Une aide fortement attendue, mais qui ne remplace pas l’activité en tant que telle. "On a bénéficié de diverses aides mais nous avons besoin de travailler. On attend que les 300 millions d'euros se matérialisent", soutient le président du syndicat des médecins thermaux, Olivier Dubois.
Pourquoi, si les systèmes de santé sont ouverts et que le message du gouvernement est "allez vous faire soigner", le système thermal reste fermé !
- Olivier Dubois, psychiatre et directeur des thermes de Saujon
Pour lui, les malades du système thermal ne sont pas reconnus. "J’ai l’impression qu’on ne considère pas ces patients comme de vrais malades. Bien évidemment qu’ils le sont ! Ils sont en difficulté, ont des pathologies envahissantes, même si certes on est pas dans aux urgences".
Une profession peu connue et « méconnue »
Le thermalisme ou médecine thermale a du mal à être placé dans une case. Relève-t-il du domaine de la santé ou du tourisme ? C’est contre cette confusion que tentent de se battre beaucoup de médecins thermaux.
"Je suis très mal à l’aise sur le fait qu’on arrive pas à comprendre à quel point le thermalisme est une activité purement médicale", détaille Olivier Dubois. Une voie marginale mais tout à fait valable pour les spécialistes du domaine.
L’affichage donc d’une certaine vision du thermalisme qui ne plaît guère à ce médecin. Les spécialistes revendiquent une prise en charge très encadrée et médicalisée.
Il y a une absence de conscience et une méconnaissance du métier. Celles-ci se révèlent de manière très nette dans le cadre de cette placardisation du thermalisme dans le domaine du tourisme.
- Olivier Dubois, psychiatre et directeur des thermes de Saujon
Le Dr Olivier Dubois avance aussi l’argument qu’il "n’existe pas de petits malades". "Je comprends que les patients Covid-19 soient prioritaires, mais on est tous d’accord pour dire que les malades doivent retrouver le chemin des lieux médicaux alors c’est étonnant que les cures thermales ne puissent pas reprendre leurs activités".
Difficile en effet de convaincre tout le monde. Pourtant, lorsque l’on sait que le mot "thermes" vient du grec "thermos" signifiant "chaud" et que les Grecs utilisaient le mot "balneion" pour désigner les bains ayant différentes fonctions telles que le soin du corps, mais aussi de l’esprit, il est plus aisé de percevoir que la vocation première de la médecine thermale est le soin. C’est d’ailleurs ce qu’avance Olivier Dubois. "On est avant tout une l’activité médicale, le soin est fait pour faire du bien et non du mal".
Pour lui, la médecine thermale a du pain sur la planche. "Je pense qu’on a pas assez de reconnaissance. On doit réussir à se redéfinir au sein du système de santé, sinon ça va devenir un souci pour la profession et pour les malades qui nous représentent".
Prêts pour la réouverture
La situation est difficile, pourtant, les médecins thermaux s’estiment prêt à pouvoir rouvrir les établissements. "Avec l’ensemble de la profession, nous avons élaboré un référentiel qui a été soumis il y a trois semaines aux autorités de tutelle. Mais nous attendons toujours leur feu vert", explique Michel Duprat. Le syndicat publiera demain une enquête réalisée au niveau national concernant l’état d’esprit des médecins thermaux.
84 % des médecins qui ont répondu à l’enquête pensent que les soins thermaux individuels sont adaptables, 56% pensent que les soins collectifs le sont aussi. Et 73% des médecins veulent continuer leur activité thermale.
- Michel Duprat, président du syndicat des médecins thermaux
"On croit à nos métiers, on a envie que ça reprenne", ajoute Olivier Dubois, psychiatre et directeur des thermes de Saujon. Une conduite à tenir extrêmement précise, des règles d’hygiène et de distanciation à respecter. Le corps médical sait qu’il va devoir changer ses habitudes de travail et s’adapter à cette situation inédite. "On est conscient qu’on doit mettre en place des mesures de sécurité pour exercer de la façon la moins risquée possible, mais on a pris ces précautions, on est prêt à rouvrir, et on a besoin de rouvrir, pour nos médecins, pour nos curistes et pour tout l’environnement socio-économique". La plupart des curistes ont d’ailleurs reportés leur séjour. Michel Duprat évoque une inquiétude auprès de ses patients. "On prend en charge des maladies chroniques, donc les habitués estiment qu’ils ont vraiment besoin de cette cure. Ils veulent revenir". Depuis le début du confinement, beaucoup de patients expriment leur mal être au Dr Olivier Dubois.
Aujourd’hui, on a plus de gens en détresse. Autour de moi, j’ai appris plus de suicides que de cas de Covid-19. C’est troublant !
- Olivier Dubois, psychiatre et directeur des thermes de Saujon
Toutefois, les médecins ne se voilent la face et sont conscients que certaines règles seront difficiles à respecter. "Je ne sais pas comment je vais examiner mes patients sans les toucher. La promiscuité va forcément exister même si on veut la réduire", avoue Michel Duprat.