À Saintes (17), un ancien hôtel particulier sur les bords de Charente a été transformé en musée il y a tout juste un siècle. Un musée où son créateur, Abel Mestreau, y exposait une impressionante collection ethnographique d'objets de la vie quotidienne en Saintonge.
"Le plus saintongeais des saintongeais" ; ainsi parlait la Société des Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis de son membre le plus imminent, Abel Mestreau, décédé en 1939. Ce fils de négociant en eau de vie laissait à sa ville, Saintes, l'hôtel particulier du Marquis Guinot de Monconseil, une élégante batisse en bord du fleuve qui hébergeait la préfecture de Charente Inférieure début XVIIIème. Lui l'avait transformé en 1920 en "maison de curiosités", des milliers d'objets, costumes, vaisselles, tableaux, chaussures qui décrivent mieux que des mots la vie quotidienne en Saintonge il y a 200 ans. Mais de l'homme, finalement, on ne connait pas grand chose.
Confirmation avec Maud Gradève, régisseuse des collections à la ville de Saintes ; les Mestreau comptaient dans la vie politique et économique de Saintonge, une famille de notable.C’est une famille de négociant très importante car le père d’Abel Mestreau, Frédéric Mestreau, était, outre sa profession, député de Charente-Inférieure. Abel, lui, n’était pas du tout passionné par le commerce d’eau de vie et pas très intéressé par la politique. Il a surtout utilisé une grande partie de sa fortune pour amasser tous les objets qui constitueront son musée. Alors que ses amis bourgeois, eux, préféraient acquérir des pièces antiques de Mediolanum, la Saintes antique.
L'hommage qui lui est rendu dans la revue de la Société des Archives Historiques nous dépeint un personnage simple, abordable et donc passionné par sa région. "Son chapeau tenu dans sa main gantée, il entrait dans la plus humble demeure comme dans un château, et la dame de céans, quelque fut son rang social, était saluée par lui avec cette déférence gracieuse qui vient du coeur plus que de l'éducation". Plus loin, on comprend un peu mieux l'histoire de ce musée pas comme les autres : "cet homme exquis, ce vrai gentilhomme, s'apercut un jour que les meubles, les tableaux, les costumes et tous les objets du temps passé disparaissaient peu à peu des campagnes qu'il aimait visiter : leurs possesseurs les vendaient sans pudeur, on ne sait trop pourquoi. Et si tout allait se disperser sans qu'il en restât le moindre souvenir ?".On s’adressait à la famille Mestreau quand on était dans le besoin, que ce soit pour une recommandation, pour un emploi ou pour un prêt d’argent. Mais sur lui, on ne dispose que peu d’informations
Ainsi de ces bottes de postillon, aussi appelées bottes de sept lieues, distance au bout de laquelle on changeait le conducteur des fiacres et calèches. Ainsi de ces pièces donnant le permis de mendier, ces bibelots de buis confectionnés par les bagnards de l'arsenal de Rochefort pour améliorer leur quotidien, sans parler de tous ces ustensiles de cuisine et des coiffes traditionnelles. A son apogée, le musée comptera plus 4000 pièces. Pour entretenir la batisse, une bonne partie fut vendu par sa descendance avant que la mairie de Saintes en fasse l'acquisition en 1992.
Pour Maud Gradaive, "il était un précurseur de ce qu'on appelera plus tard les musées d'arts et de traditions populaires, alors qu'à l'époque on faisait plutôt des "cabinets de curiosités" qu'on retrouve aujourd'hui dans les muséums d'histoires naturelles".
Il avait une véritable passion pour la Saintonge et sa culture locale. Ce qui est extraordinaire c’est qu’il fallait qu’il soit visionnaire pour envisager qu’un jour tous ces objets, pour beaucoup anodin de son vivant, puissent un jour avoir un intérêt culturel.
Le musée Dupuy-Mestreau est ouvert du mardi au samedi de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h. Un voyage dans le temps dans la Saintonge du XVIIIème grâce à un homme mystérieux qui a dédié sa vie à l'histoire de son pays natal.