À la veille du 1ᵉʳ janvier 1944, un avion américain explose dans le ciel au-dessus des habitants de Corme-Royal (Charente-Maritime). Plusieurs soldats décèdent dans l’accident quand d’autres ont réussi à survivre. 81 ans plus tard, la commune rend hommage à ses hommes qui ont combattu pour la France.
Décembre 1943. La guerre entre les alliés et les occupants allemands fait rage sur le sol français, mais aussi dans les airs. Plusieurs escadrilles d’avions, venues du Royaume-Uni, viennent bombarder les bases et les sites stratégiques de l’armée allemande. Dans le ciel poitevin, des dizaines d’avions B-17 "Flying Fortress" et B-24 "Liberator" survolent la région. Parmi eux, se trouve le B-17 au matricule 42-6037.
Partis au combat pour sauver la France occupée
Parti de l’est de l’Angleterre, plus précisément de l’aérodrome Rougham de Bury St Edmunds, un équipage composé de onze soldats américains se trouve dans ce bombardier. Il est 11 heures, le 31 décembre, lorsque les forces alliées viennent de bombarder la base aérienne de Cognac-Châteaubernard. Sérieusement endommagé par les tirs et les obus de la Flak – Flugabwehrkanone, qui signifie canon antiaérien en français –, la compagnie espère rejoindre la côte anglaise.
Située dans une zone entre Saintes et Corme-Royal, l’escouade américaine est poursuivie par cinq chasseurs Messerschmitt 109 de l’armée de l’air allemande. Après en avoir abattu quelques-uns, le bombardier américain est achevé et explose en plein vol. Après une chute libre de plus de deux kilomètres de haut, l’avion s’écrase dans un champ du village de Corme-Royal.
CARTE. Lieu du crash à Corme-Royal
Un spectacle effroyable
Parmi les onze militaires, trois d’entre eux ont tenté de sauter en parachute avant le crash pour espérer avoir la vie sauve, en vain. Leur parachute étant enflammé par l’explosion, les témoins de cette scène d’horreur voient trois corps s’écraser sur le sol à des hauteurs vertigineuses. Quatre autres soldats meurent dans le crash, leurs corps en partie brûlés. Les quatre survivants à cet accident ont été capturés par les troupes nazies et ont été emmenés en Allemagne.
De nombreux témoins ont assisté à ce drame. Il est vrai que ce n’est pas tous les jours, même en temps de guerre, que l’on voit un bombardier américain faire une chute libre au-dessus de sa tête. Ce fut le cas de Paulette Barbieri, apprentie coiffeuse à ce moment-là, qui a réussi à prendre quelques clichés du crash.
Tout ce récit et ses témoignages ont été récupérés par Michel Souris. Ancien chef de police et aujourd’hui âgé de 80 ans, ce passionné de la Seconde Guerre mondiale épluche, décortique le moindre détail qu’il peut recueillir.
Le devoir de mémoire, ces petites histoires qui font la grande Histoire
“Cela fait depuis 1991 que je travaille sur la récupération de la mémoire des hommes pour la guerre”, explique Michel Souris. C’est notamment grâce à Napoléon Iᵉʳ et à la suite d'un échange avec un vétéran de la guerre 14-18 qu’il s’est entrepris pour cette passion. “Ce qui est important, ce sont les petits détails du vécu au quotidien par les gens. On a tous les jours devant nous des personnes aux cheveux blancs, ce que j’appelle la mémoire vivante. Ils vont partir dans la tombe avec leurs souvenirs et on ne les aura pas interrogés. Chacun a une mémoire et une histoire inédite”.
Ces hommes, morts à Corme-Royal, ont été oubliés.
Michel SourisPassionné d'histoire
Après avoir retrouvé plusieurs pièces de l’avion qui s’était crashé à Corme-Royal, il souhaitait la création d’une stèle en mémoire de ces soldats oubliés. "Cela fait des décennies que j’ai travaillé sur ce dossier. Chaque crash est un cas spécifique. Depuis plusieurs années, ces hommes, morts à Corme-Royal, ont été oubliés, raconte-t-il. Depuis, la municipalité a fini par m’entendre et mon initiative a, en quelque sorte, déclenché un peu toute l’opération. Ils ont donc fait installer une stèle dans laquelle se trouve une vingtaine d’éléments de cet avion écrasé le 31 décembre 1943".
Le 20 avril dernier, une centaine de personnes ont assisté à cet évènement en l'honneur de ces soldats américains. "On ne pouvait pas faire une stèle ou un mémorial, sur sept américains morts pour nous et pour leur pays, sans que les Américains viennent". Le vice-consul, Aaron Michael Testa, de l’ambassade des États-Unis de Paris, a également assisté à la cérémonie et a emmené une gerbe pour cette occasion spéciale. Un temps oubliés, ces soldats qui ont combattu pour la France, leur nation et la liberté, sont désormais honorés.