À l'approche de la présidentielle, des Français rêvent que les gens soient plus solidaires

Après deux années de pandémie, comment les Français.es appréhendent-ils.elles les élections présidentielle et législatives d'avril et juin ? À Ruffec, en Charente, certains notent que l'on est déjà "dans le monde d'après" et s'interrogent : comment le construire ? Reportage #MaFrance2022 : SERIE 3/3

Société
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Dans son salon de coiffure du cœur de bourg de Ruffec (Charente), Alexandra Elsaesser reçoit sa première cliente de l'après-midi. La petite dame, une retraitée frêle et discrète, passe le pas de la porte vitrée avec précaution et lui tend son manteau et son sac. Derrière son masque noir, on ne voit que ses yeux ronds, alertes.

"Hey, là ! Vous avez fait un beau petit salon", félicite-t-elle sa coiffeuse en embrassant du regard l'établissement parfaitement rangé, ouvert en mars dernier.

Alexandra a quitté son ancien employeur pour se lancer dans l'aventure de l'entreprenariat et ne regrette rien. "Je suis très heureuse de la vie que je mène à Ruffec, confie-t-elle tout en s'occupant de sa cliente. Je trouve que c'est une belle ville. Le coin est très beau et les gens gentils." 

"Vos cheveux commencent à être un peu longs, je vais vous faire une bonne coupe", dit-elle à sa cliente. 

"Vous pouvez y aller, coupez !" lui répond-elle, pressée de changer de tête. La dame continue de tenir son masque à la main et semble ne pas trop savoir quoi en faire. "Je ne sais même pas s'il faut le mettre en ce moment", confie-t-elle. Alexandra lui répond, très sûre d'elle : "Entre le panneau d'entrée et le panneau de sortie de Ruffec ! C'est la préfète qui l'a dit".

Un silence suit. La question du masque ramène à la réalité de la pandémie. "Quand on se promène dans la rue, on ne voit plus le visage des gens. On ne voit plus les sourires, c'est vrai, hein ?" À mi-mot, la cliente reconnaît que tout cela lui pèse depuis bien trop longtemps. Loin d'elle pourtant l'envie de se plaindre. "On est bien chez la coiffeuse, on oublie nos soucis."

"Surtout que c'est votre fille qui vous offre la coupe. Et les deux suivantes !" Le cadeau de Noël est visiblement apprécié. 

L'autre jour, une dame est tombée sur le passage piéton, juste devant mon salon. Personne ne s'est arrêté pour l'aider à se relever. Il faudrait que les gens soient plus solidaires.

Alexandra Alsaesser, coiffeuse à Ruffec (Charente)

Le quotidien bouleversé depuis le premier confinement au printemps 2020 continue de planer au-dessus de la conversation. "Il faudrait surtout que les gens soient plus solidaires entre eux. Je trouve que l'on est devenus égoïstes, qu'il y a moins d'empathie. Je pensais que la pandémie allait être l'occasion de se rapprocher, mais non", trouve Alexandra quand on l'interroge sur les effets de la pandémie sur nos vies.

Elle en veut pour preuve un événement qui lui glace encore le sang quand elle en parle. "Voyez, par exemple, l'autre jour, une dame est tombée sur le passage piéton, juste devant mon salon. Elle était près du terre-plein central. Personne ne s'est arrêté pour l'aider à se relever. Les voitures la contournaient même, sans s'arrêter ! J'étais avec une cliente. Il a fallu que je sorte pour l'aider."

Sur son fauteuil, la cliente ne perd pas un mot de la conversation et lance : "Les gens sont tristes", lui semble-t-il, depuis la pandémie.

Un nouveau silence suit. "À quoi pensez-vous Madame, face à la glace ?" 

D'abord interloquée, elle réfléchit un instant et répond : "Quand je me regarde dans la glace, je ne pense pas à moi. Et je ne pense finalement pas à grand chose, confie-t-elle. J'aimerais juste que ça s'améliore. Vous vous rendez compte ? Deux ans ! Ça s'éternise..."

Les échéances électorales

Alors, quand on évoque avec elles les prochaines échéances électorales, la présidentielle les 10 et 24 avril 2022 et les législatives les 12 et 19 juin 2022, on sent que ni l'une ni l'autre n'a pris le temps de s'y intéresser.

La présidentielle ? Je n'ai aucune attente.

Une cliente du salon de coiffure

"Pour l'élection présidentielle, je n'ai pas d'avis. Je ne m'y connais pas assez pour en avoir un", estime la cliente. Quant à Alexandra, elle trouve qu'il faudrait "quelqu'un qui pense au peuple avant de penser à lui".

"Je n'ai pas d'attente particulière", lâche finalement la cliente, installée à Ruffec depuis 55 ans. Elle observe juste les premiers changements dans sa ville avec la nouvelle municipalité. "Y a un peu de mieux, croit-elle pouvoir dire. Mais il faut du temps et il y a pas mal de choses à faire à Ruffec !" La coiffeuse opine du chef : "Il y a toujours ce souci de parking, mais je trouve que la ville est plus propre qu'avant."  

"J'ai vu beaucoup de magasins fermer au fil des années, se souvient maintenant la cliente. On a moins de docteurs aussi. Et puis, l'hôpital, on ne veut pas qu'il ferme. Il faut que l'on garde nos Urgences. Poitiers ou Angoulême, pour une urgence, ça fait loin quand même. Avant, on avait même une maternité, mais ça a fermé. Je ne comprends toujours pas. Avec toutes les communes alentour !"

Philosophe, elle conclut en reprenant son manteau et son sac : "On a eu le bon, faut prendre le mauvais." 

La vie d'après

Sur la place, au Bistrot central, Chérifa Vallade a le sentiment d'être déjà "entré[e] dans la vie d'après". "On vit une vie différente de notre vie d'avant. Tout change : les comportements, les habitudes." Nicolas, son conjoint et cuisinier, approuve : "Avant, on allait à 100 à l'heure. Je pensais que ça irait moins vite. Et bien non. Tout va encore plus vite. Ça n'a pas freiné les gens."

"On a vu des gens devenir agressifs. On nous a enfermés plusieurs mois, on nous a privés de ces plaisirs-là, de sorties, je pensais que les gens allaient comprendre qu'on avait cette liberté [de sortir] !"

Travailler sur soi

"Le Covid, on n'a que ça à la bouche, lance Silvana Delaunay, qui vient d'ouvrir un nouveau lieu culturel dans une ruelle du centre-ville : L'Electron libre, un bar aromatique où elle expose le travail d'artistes, dont actuellement, les toiles de Jean-Marie Seiller (Chauvigny, Vienne). C'est comme si tout le reste avait disparu. On se focalise sur les vaccinés, les non-vaccinés 'qui-mettent-en-danger-la-vie-des-autres', ça rend suspicieux !"

Egalement photographe et hypnothérapeute, elle observe qu'avec la pandémie et les différents confinements, "les gens ont déclenché plein de choses, des peurs qui se sont réveillées". Puis elle précise : "Vous savez, le fait de se retrouver face à soi-même, se retrouver enfermé chez soi, c'est un traumatisme quand même. Nombreux sont ceux qui l'ont vécu comme ça."

Pour elle, "il faut travailler sur soi" avec pour objectif, de "regarder plus loin", se "détacher" du bruit ambiant pour réfléchir sereinement à la construction de ce "monde d'après".

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