Alors qu'il venait d'ouvrir, le seul sex-shop de Ruffec, est fermé par la mairie. Le commerce se trouve à moins de 200 m à vol d'oiseau de l'école primaire Sacré-Cœur, ce qui est interdit par la loi. Pourtant, il n'est pas du tout visible depuis l'établissement scolaire.
Ce 13 janvier 2023, l’amertume domine pour Nicolas Delisle. À peine ouvert, son love shop, Les 100 Tabous, est contraint de fermer par un arrêté municipal. "J’ai investi 120 000 euros, il fallait peut-être me le dire avant", s’exclame-t-il. En cause : son commerce, destiné à accueillir des clients, est placé à moins de 200 m d’une école.
La loi appliquée strictement
"Malheureusement, on m’empêche de travailler", déplore Nicolas Delisle, l’arrêté municipal ordonnant la fermeture de son établissement dans les mains. Une demande de fermeture qui proviendrait de la préfecture de Charente après la découverte de l’existence du commerce par celle-ci dans un article de la Charente Libre. L’arrêté est justifié par "la mise à disposition d’objets de caractère pornographique" dans un local "implanté à moins de 200 m de l’école primaire Sacré Cœur", située au 50 rue Boitant.
Cet arrêté s’appuie sur la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. "Est interdite l'installation, à moins de deux cents mètres d'un établissement d'enseignement, d'un établissement dont l'activité est la vente ou la mise à disposition du public d'objets à caractère pornographique. L'infraction au présent article est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende", précise le texte.
En 2012, à Paris, une affaire similaire avait fait polémique. L'avocat du gérant condamné, Me Malka, dénonçait un non-sens de la loi. Selon lui, si le texte était appliqué strictement, "les seuls endroits où on pourrait encore installer ce type de commerce à Paris seraient les cimetières, les parcs et les voies ferrées", rapportait Libération.
L'établissement n'est pas visible depuis l’école, donc ce n’est pas gênant.
Aurélie Boucher, cheffe d’établissement du groupe scolaire privé Sacré Cœur
Interrogée, la cheffe d’établissement du groupe scolaire privé Sacré Cœur, Aurélie Boucher, assure ne pas être à l’origine de cette demande. "On a découvert l’existence de ce magasin, hier, dans l’article de presse. Il n’est pas en face de l’établissement, ce n’est pas visible pour nous depuis l’école, donc ce n’est pas gênant", déclare-t-elle. Si l’établissement est bien à moins de 200 mètres de l’école primaire, à vol d’oiseau, il n’est pas sur le chemin de l’école.
Dans les rues de Ruffec, la tendance est également plutôt à la tolérance. "Ça ne me gêne pas du tout, si ce n'est pas à la vue de tous", répond une habitante. "Je ne sais pas s'il y a la clientèle pour ça, mais les gens font ce qu'ils veulent, ça ne me pose pas de problème", déclare une autre.
"120 000 euros partis en fumée"
De son côté, Nicolas Delisle, assure avoir reçu l’accord oral du maire de Ruffec, Thierry Bastier, quand il a décidé d’installer son love shop à la place de son magasin de CBD qui s’y tenait alors. En plus de la vente de sextoys, de films X et de lingerie, l’établissement devait accueillir du public, avec notamment des salles de massage, et des salles de visionnage. L’idée partait du manque d’établissements sur le territoire, notamment pour la communauté LGBT, comme l’assure Nicolas Delisle : "Je vois des gays et lesbiennes qui n’ont aucun endroit pour se retrouver ici, il faut aller soit à Poitiers, soit à Angoulême."
Le gérant de l’établissement a même reçu un arrêté municipal lui autorisant à placer ses enseignes et un drapeau arc-en-ciel sur la façade. "Je me démène depuis 1 an, je bosse jour et nuit, j’ai rénové le local, ça a couté beaucoup d’argent, énumère Nicolas Delisle, touché par la décision. Et maintenant, je ne peux plus travailler ! J’ai 10 000 euros de marchandise qui arrive et je ne sais pas quoi en faire !" Sollicitée à plusieurs reprises par France 3, la mairie n'a pas souhaité s'exprimer. Désemparé, le commerçant souhaite, quant à lui, engager les démarches pour contester cette décision.