Angoulême : ancienne victime de harcèlement à l'école, Kiara mène son combat jusqu'à l'Assemblée nationale

Kiara, 16 ans, a été harcelée lorsqu'elle était collégienne. Aujourd'hui, au sein de l’association Marcel Ment, elle mène un combat pour lutter contre ce phénomène très répandu. Cette semaine, elle a été auditionnée à l'Assemblée nationale. Son témoignage est venu nourrir le travail des députés qui préparent une proposition de loi.

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Des moqueries, des insultes répétées. C’est ce qu’a vécu Kiara, lorsqu’elle était en sixième dans un collège d’Ille-et-Vilaine. Aujourd’hui lycéenne à Angoulême (Charente), l’adolescente de 16 ans a tourné la page. Elle s’est reconstruite en aidant les autres.

 "Ça me donne la force de continuer”

Pour Kiara, l’enfer a duré huit mois, en 2015. Ses parents voient qu’elle ne va pas bien mais ils ne comprennent pas. Elle décide de se confier après plusieurs mois difficiles. Sa rentrée en classe de cinquième se déroule mieux. Jusqu’au suicide de Christopher, un camarade du collège, après quatre années de harcèlement.

L’idée de créer une association devient alors “essentiel dans la reconstruction de Kiara”, raconte sa mère Catherine, qui n’hésite pas une seconde à la suivre dans son combat. “Il y avait tellement de culpabilité à ne pas comprendre ce qui lui était arrivé”, témoigne-t-elle. “C’était une évidence.”

Avec la mère de Christopher, Catherine crée l’association Marcel Ment en juin 2017.  “À partir du moment où une famille vient à nous, on reste à ses côtés aussi longtemps qu’elle le souhaite. Nous ne sommes pas une aide ponctuelle. On se met à leur entière disposition. C’est toute la famille qui a besoin de soutien, car la souffrance de l’enfant ou de l’adolescent s’installe dans la famille et toutes les relations sont chamboulées.”

Depuis juillet 2017, l’association a aidé 5.000 familles. La page Facebook, qui réunit plus de 14.000 personnes, reçoit chaque semaine des dizaines de messages de France, Belgique, Suisse... Les témoignages sont parfois difficiles à lire pour Kiara : “ça me fait mal au cœur de me dire que ça arrive encore aujourd’hui”. Mais Kiara et sa mère prennent le temps de répondre à tout le monde.

Et souvent, les messages de remerciements prennent le dessus. “Merci pour votre combat. Il faut que ça cesse”, conclut l’un des messages reçus ce jour. Un sourire se dessine sur le visage de Kiara : "Ça me donne la force de continuer”, lance-t-elle.

Son combat devant l’hémicycle

Et le combat paye. Ce lundi 15 novembre, Kiara et sa mère ont été reçues à l’Assemblée nationale pour une audition dans le cadre du projet de loi contre le harcèlement scolaire, porté par Erwan Balanant, député Modem du Finistère. “À la maison, on a travaillé sur le texte article par article”, explique Kiara. 

Dans l'hémicycle, du haut de ses 16 ans, Kiara a pu présenter les remarques et les suggestions que son association souhaitait faire connaître au rapporteur de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation. “Sur certains points, le texte était maladroit”, affirme l’adolescente. “Pas de mention des écoles hors contrat, on parlait de vouloir bouger les choses sans donner de chiffres, et puis aucune précision sur les sanctions pour les auteurs en stage de vie scolaire.” 

Ce que Kiara souhaitait avant tout, c’était porter la parole des victimes pour une meilleure prise en charge. “Ce projet de loi peut permettre de faire un grand pas pour lutter contre le harcèlement”, espère-t-elle.

Des actions insuffisantes

Longtemps ignoré, le sujet du harcèlement scolaire a fait l'objet d'une prise de conscience accrue depuis les Assises nationales contre le harcèlement à l'école en 2011. Mais c’est seulement depuis quelques années que l’État tente de renforcer ses actions pour lutter contre ce fléau. Le programme pHARe, un dispositif de prévention dans les écoles élémentaires et collèges, a notamment été expérimenté à partir de 2019 dans six académies et généralisé cette année. En Poitou-Charentes, 769 écoles et 95 collèges sont engagés dans ce programme, selon le rectorat.

Les établissements scolaires doivent par ailleurs désigner des élèves ambassadeurs contre le harcèlement depuis la rentrée 2021. Dans l'académie de Poitiers, 20 lycées sont dotés d'ambassadeurs, soit environ 200 jeunes.

Pour trouver de l’aide, il existe également le numéro d’aide d’urgence 3020 (pour familles et victimes), sollicité 54 fois en 2020-2021 dans l'académie de Poitiers. Le numéro académique 05 16 52 63 66 a lui été sollicité 112 fois. Des chiffres très faibles quand on sait qu'un élève sur dix est victime de harcèlement scolaire chaque année. 

On n'a pas su écouter l'enfant à temps, au bon moment, on s'étonne qu'il n'ait pas parlé, mais qu'est-ce qu'on a prévu pour recueillir la parole de l'enfant ?

Claire Hédon, Défenseure des droits, dans un rapport sur la santé mentale publié mercredi 17 novembre

Les initiatives de l'État peinent à être connues et les formations restent insuffisantes. C’est ce que dénonce Claire Hédon, Défenseure des droits, dans un rapport sur la santé mentale publié ce mercredi 17 novembre. Selon elle, les enfants ne sont pas assez écoutés : "Ce qui nous frappe à chaque fois, c'est le temps de réaction de l'institution scolaire pour réagir”, déplore-t-elle. “On n'a pas su écouter l'enfant à temps, au bon moment, on s'étonne qu'il n'ait pas parlé, mais qu'est-ce qu'on a prévu pour recueillir la parole de l'enfant ?".

“Je prends plaisir à me lever pour aller en cours”

Aujourd’hui, l’école n’est plus un calvaire pour Kiara. Scolarisée en première au lycée des métiers Jean Rostand d’Angoulême, elle prépare un bac pro Métiers de la mode. “À cause du harcèlement, j'avais des problèmes de concentration”, explique l’adolescente. 

“Ici, je me sens beaucoup plus sereine, dans un environnement sain avec des camarades qui ont la même passion que moi : la mode. Je prends plaisir à me lever pour aller en cours!”

Kiara se sent "complètement guérie” et a des projets plein la tête. Elle commencera prochainement un stage dans l’équipe de stylistes d’un tournage de film. “J’ai hâte de rentrer dans le monde professionnel !” Un parcours qui redonne de l’espoir.

 

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