Elle a connu le succès avec "Coney Island Baby", mais a été remarquée au festival d'Angoulême dès son premier ouvrage, "Le Goût du paradis" en 2009. Rencontre avec Nine Antico à qui le Festival de la BD d'Angoulême 2024 consacre une grande exposition "Chambre avec vue".
Autrice féministe, punk, rebelle ? Nine Antico aime surtout l'idée du décalage qu'elle pratique volontiers par le biais de l'humour. Si elle refuse souvent le premier degré, c'est qu'il lui permet de semer un peu le trouble et de ne pas donner toutes les cartes au lecteur qui, le temps d'un instant, va hésiter entre rire et pleurer.
En ce mercredi matin, il y a foule à l'entrée de l'exposition Nine Antico Chambre avec vue que lui consacre le festival de la bande dessinée d'Angoulême. Dans l'écrin de l'Hôtel Saint-Simon, dont la façade date du 16ᵉ siècle, Nine Antico dévoile son parcours. De ses premiers dessins à sa toute dernière bande dessinée Madones et Putains (Dupuis), en passant par ses fanzines de l'époque où elle croquait les artistes sur scène lors de concerts, l'exposition, intime, illustre son évolution dans le monde de la bande dessinée en partageant ses influences, ses croquis, ses storyboards.
Tour à tour pops et haut en couleurs, puis plus sombres pour ses œuvres en noir et blanc, les dessins de Nine Antico célèbrent les femmes, leur corps, leurs désirs.
Rencontre avec Nine Antico. Entretien réalisé par notre journaliste Morgane Jacob, depuis le festival.
> De retour à Angoulême, cette fois pour une exposition ! Qu'est-ce que ça fait, après plusieurs sélections ?
Nine Antico : J'ai eu la chance d'être sélectionnée à Angoulême dès mon premier livre, Le Goût du paradis, et ensuite d'avoir été plusieurs fois en sélection. Je n'ai jamais eu de prix pour l'instant. Madones et putains est à nouveau en sélection cette année et ça va de pair avec cette exposition. Je suis très chanceuse.
> Que représente le festival d'Angoulême pour toi ?
Nine Antico : Le festival d'Angoulême, c'est le festival le plus connu de la bande dessinée et qui permet de concentrer des auteurs du monde entier. Ça cristallise une attention que l'on n'a pas le reste de l'année. (...) Je suis très contente d'être invitée pour une exposition au festival d'Angoulême, car c'est une reconnaissance de mon travail alors que, comme beaucoup d'artistes, je peux avoir à un certain moment un manque de légitimité, je ne suis pas du sérail, je ne suis pas tombée dans la bande dessinée quand j'étais enfant. C'est venu au fur et à mesure, autour de la vingtaine. Être consacrée ici par une expo, ça me montre que la porte est grande ouverte.
Entre légèreté et gravité, il y a tout mon spectre dans cette exposition
Nine AnticoAutrice de bande dessinée
> Justement, cette exposition, comment l'as-tu conçue ?
Je l'ai voulue, et on l'a conçue avec les commissaires d'exposition, comme éclectique. Il n'y a pas que des planches de bandes dessinées, il y a aussi des photographies dont je m'inspire, des fanzines, des livres pour enfants qui m'ont donné envie d'être dessinatrice. C'est une entrée dans mon univers plus que dans mes planches. Je trouve le résultat très réussi. Je suis extrêmement touchée. C'est une mise en valeur de mon travail que je n'espérais pas. Généralement, les expositions de bandes dessinées, la plupart du temps, c'est une mise en avant de planches et là, il y a des agrandissements de dessins et de photographies qui font que les dessins se fondent dans des images plus grandes et je pense que c'est ce qui me plait aussi dans l'exposition. Il y a plein d'entrées différentes. (...) Mes thématiques principales sont souvent autour du sujet féminin, de l'interrogation du désir, de la vision des femmes, comment on les juge, nos ambiguïtés, nos paradoxes et d'essayer de démêler les deux. (...) Entre légèreté et gravité, il y a tout mon spectre.