Seule survivante de sa famille déportée au camp d'Auschwitz-Birkenau en 1944, Ginette Kolinka nous a accordé un entretien à l'occasion de sa venue en Charente.
À 99 ans, Ginette Kolinka achève une visite de plusieurs jours en Charente où elle a donné une série de conférences afin de témoigner de son histoire et de celle de sa famille, déportée par les nazis lors de la seconde guerre mondiale.
Lundi 27 novembre, c'est face à 400 collégiens du sud Charente qu'elle a raconté, comme elle le fait depuis des années, infatigable témoin de la Shoah.
France 3 : On nous a rapporté que vous avez eu un petit souci de santé dernièrement, mais pourtant vous êtes là devant les jeunes. Vous n'arrêterez jamais ?
Ginette Kolinka : Non. Parler aux jeunes, ça me stimule. Tant que je pourrai le faire, je le ferai. Même si j'en ai conscience, je ne pourrai pas toujours me déplacer comme ça. J'ai 99 ans ! C'est quand même un grand âge. Parfois, je me dis : "je suis fatiguée" mais non, je suis vieille. La fatigue, ça peut se dissiper, mais la vieillesse, non (elle rit).
France 3 : Le message que vous portez auprès des jeunes, et que vous martelez, c'est "Plus jamais ça !".
Ginette Kolinka : Oui ! Et je continuerai à le faire jusqu'au bout. En espérant, je dis bien en espérant, que ça deviendra réalité. Mais je ne suis pas très optimiste. Tant que ces jeunes sont ensemble dans les cours, que toutes les nationalités cohabitent, oui… Mais quand ils deviennent adultes, pour peu qu'ils tombent sur quelqu'un qui va leur tenir un autre discours, ils peuvent changer d'opinion. Je dis ça d'un ton triste parce que ça ne devrait plus exister. Hélas, l'actualité nous prouve le contraire. J'ai longtemps voulu croire que ça ne serait pas possible, et pourtant... ça recommence.
France 3 : Vous parlez de ce qui se passe depuis le 7 octobre dernier ?
Ginette Kolinka : Je suis très attristée de voir qu'il y a encore des gens capables de faire à du mal à d'autres uniquement parce qu'ils ne sont pas de la même religion. Comment leur faire comprendre ? Je l'ignore... Mais peut-être que les journalistes ont leur part de responsabilité. Je le dis souvent aux personnes que je rencontre : la même histoire ne sera pas racontée pareil dans un journal israélien ou dans un journal palestinien. Naturellement, un journal pro-palestinien ne va pas chanter les louanges d'un pro-israélien... Et pourtant, ça pourrait. Ça devrait. Mais cela ne se fait pas.
France 3 : C'est aussi l'une des raisons qui vous pousse à continuer vos conférences ?
Ginette Kolinka : Oui. J'espère que ces jeunes, si on leur parle un jour de religion, ils seront capables de dire non à la haine de l'autre. Qu'ils auront le courage de prendre la parole.
France 3 : À chaque fin de conférence, souvent ils vous demandent des autographes… Vous signez de votre prénom avec un numéro.
Ginette Kolinka : Ce numéro, c'est celui que les nazis m'ont mis sur le bras. C'était mon identité dans le camp d'Auschwitz-Birkenau. C'est devenu ma signature, avec mon prénom. Pourquoi ? Je n'en sais rien. C'est comme ça. Et puis comme ça, quand quelqu'un me pose la question, je peux répondre en lui parlant de la déportation, alors que peut-être, il n'était pas au courant.
Deux nouveaux ouvrages consacrés à la vie de Ginette Kolinka sont disponibles.
- "Adieu Birkenau" de Jean-David Morvan et Victor Matet (Albin Michel)
- Ginette Kolinka, Récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau d'Aurore D’Hondt (éditions Les Ronds dans l’O).