Dans le petit village de Vitrac-Saint-Vincent (Charente), les habitants du hameau du Breuil sont vent debout contre un projet de carrière d'extraction d'argile qui doit voir le jour tout près de leurs maisons.
C'est une version charentaise d'un remake de David contre Goliath ; et dans ce scénario, un collectif d'habitants refuse de voir un géant des matériaux de construction s'installer si près de chez eux.
L'histoire se passe en pleine campagne, à Vitrac-Saint-Vincent en Charente donc. Pas dans le bourg du village, mais dans un hameau : Le Breuil. Ses vieilles maisons typiques en pierres apparentes, ses charmants chemins et sa vue imprenable sur la nature alentour. Un havre de paix pour les occupants des lieux. "Maintenant on aura quoi ?" s'interroge Denis Michaud.
"Non à la Terréalité"
Comme nombre d'habitants du hameau à la recherche de calme, Denis Michaud s'est installé ici il y a quinze ans. Mais aujourd'hui, il est inquiet pour l'avenir. Une carrière d'argile exploitée par Terreal pourrait prochainement voir le jour pour les 30 prochaines années, à un jet de pierre de chez lui.
C'est normal que Terréal ait besoin de terre pour fabriquer ses tuiles, le problème c'est qu'ils sont vraiment trop près des maisons !
Lorsqu'il s'est installé dans le village, la carrière la plus proche (qui a fermé depuis) se trouvait bien plus loin. "À 500 mètres, personne n'a rien dit mais là, à 50 mètres, c'est pas possible."
Alors Denis Michaud a rejoint le collectif "Non à la Terréalité", créé par les habitants. Il compte une petite trentaine de membres, soit presque toute la population du hameau.
Si le projet déposé en préfecture par le fabricant de tuiles effraie tant la population locale, c'est en raison de son ampleur et notamment de la profondeur d'excavation : jusqu'à 22 mètres.
"C'est énorme, c'est l'équivalent d'un immeuble de dix étages" s'indigne Patrick Kindel, installé depuis un an au Breuil, "et nos maisons sont anciennes, elles sont bâties au torchis, sans fondation."
On pressent qu'il y aura des dégâts sur les structures, des fissures, et des mouvements de terrain à cause des vibrations.
Nouveau gisement
Dans ce coin paisible de Charente Limousine, le sous-sol est une richesse. L'argile est extraite pour fabriquer des tuiles. Les carrières sont nombreuses mais elles s'épuisent. C'est d'ailleurs pour continuer à approvisionner son unité de fabrication de tuiles qui emploie 370 salariés à Roumazières-Loubert (Charente) que Terreal souhaite exploiter ce nouveau gisement de qualité et tout proche, d'une emprise de quinze hectares au sol (en rouge sur la carte).
Et ce ne sont pas les seuls atouts du projet. Dans le dossier déposé en préfecture, l'entreprise pointe également des impacts limités sur l'environnement. Limités mais pas inexistants. Pour tenter d'atténuer le niveau des nuisances sonores, qualifiées de "moyen à fort", Terreal se dit prêt à restreindre l'exploitation de la carrière à deux campagnes par an.
Des merlons paysagers de deux à cinq mètres de haut seront installés. Pas de quoi apaiser la colère des opposants. "Comment allons-nous vivre avec cette muraille qui va nous empêcher la vue alentour ?" s'interroge Patrick Kindel.
La fronde du collectif charentais a débouché sur une pétition signée à ce jour par plus de 400 personnes. Cela suffira-t-il à faire reculer Terreal ? Une réunion publique est prévue le 8 mai avec la direction de l'entreprise qui n'a pas souhaité communiquer avec la presse tant que l'enquête publique est en cours.
Ouverte à la fin mars, elle devait s'achever le 30 avril mais elle est finalement prolongée de quinze jours. Une première victoire pour les habitants qui espèrent désormais que le maire de Vitrac-Saint-Vincent, qui a émis un avis favorable au projet proposé par Terreal, revienne sur sa décision et rejoigne leur cause.