Le festival du Film francophone distingue le réalisateur belgo-congolais Baloji d'un Valois de la mise en scène très mérité

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Présenté en compétition officielle au festival du Film francophone d'Angoulême, "Augure", du réalisateur belgo-congolais Baloji, est l'une des très belles découvertes de la 16ᵉ édition. Également remarqué au dernier festival du Cannes, le film sort en salles le 15 novembre prochain. Rencontre avec son réalisateur.

Primé dimanche du Valois de la mise en scène au 16ᵉ festival du Film francophone d'Angoulême, le réalisateur belgo-congolais Baloji signe Augure, l'un des films les plus remarquables de la sélection. Jusque-là connu pour ses performances et son rap, Baloji creuse désormais un sillon singulier au cinéma.

Augure s'ouvre sur le retour en République démocratique du Congo (RDC) de Koffi (Marc Zinga), venu présenter sa future épouse belge, enceinte, à sa famille. C'est la première fois en 18 ans qu'il revient au pays, lui qui en a été chassé par une mère qui voyait en lui un sorcier. Mais la réconciliation qu'il espère est loin d'être acquise. Son périple le confrontera à d'autres personnages, eux aussi, considérés comme sorcier·e, dans un parcours initiatique passionnant, souvent bouleversant, dans lequel victimes et bourreaux ne sont pas toujours celles et ceux que l'on croit : la sœur du héros (interprétée par Eliane Umuhire) qui rêve d'Afrique du sud, un jeune garçon des rues de Kinshasa habillé en justaucorps rose (tout comme le reste de son gang), en hommage à sa sœur disparue et, on le découvrira à la fin, la mère de Koffi (interprétée par Yves-Marina Gnahoua), mariée de force. 

À l'image, se déploie un récit vif et coloré, sur fond de semaine sainte dans lequel se mêle croyance, religion et sorcellerie. Le spectateur découvre une procession de personnages prêts à clamer leur singularité et leur droit à vivre leur vie. De cette histoire menée avec audace, se construit la possibilité d'un affranchissement du poids du bannissement. Baloji, rappeur et performer, dont le nom signifie "sorcier" en kiswahili, livre un premier long-métrage parfaitement abouti, libre et bouleversant dans sa révélation finale. 

France 3 : D'où est née l'idée de ce film ?

Baloji : Le film est né de plusieurs endroits. D'abord, d'une frustration d'être recalé en commission de cinéma où on me ramenait toujours à vouloir raconter l'histoire des ré-expats, les gens de la diaspora qui retournaient au pays comme si c'était notre espace dans le cinéma. J'ai voulu faire un film qui démarrait comme ça et qui en fait se transformait en faux film sur le retour au pays. Car en fait, ce qui pose problème dans la question du retour au pays dans ce genre de films, c'est que souvent, ça ne donne qu'un pendant. Je trouvais que c'était parler du côté des privilégiés. Koffi, à l'inverse de sa mère et des autres, il a un passeport, une femme qui l'aime, il est sur le point de fonder une famille. Je trouvais que c'était intéressant de confronter son point de vue et même de bousculer le spectateur qui est en empathie avec ce personnage et, changer de point de vue sur qui est la victime, qui est le bourreau.

Je trouvais intéressant de parler de personnages comme cette mère qui a intégré la misogynie de la société et tous ces codes qui jouent contre elle et qu'elle reproduit parce qu'elle n'a pas d'autre modèle.

Baloji

Réalisteur, Valoir de la mise en scène au 16e FFA

France 3 : C'est ce qui se passe avec l'évolution du personnage de la mère de Koffi, mutique tout le long du film, jusqu'à la dernière partie où on découvre sa véritable histoire.

Baloji : Je voulais raconter une société qui n'est pas éloignée de notre société française ou belge que je connais bien ; je vis en Belgique. Le modèle patriarcal, le modèle judéo-chrétien sur lesquels notre société est construite, comme ça l'est en Afrique, je trouvais intéressant de parler de personnages comme cette mère qui avait intégré cette misogynie et tous ces codes qui jouent contre elle et qu'elle reproduit parce qu'elle n'a pas d'autre modèle qui existe.

France 3 : A quel moment avez-vous instillé le côté magique ?

Baloji : Très tôt. Et c'est que je développais déjà dans mes courts métrages (visibles, ici, NDLR). Le réalisme magique est le langage qui me paraissait le plus naturel. Il y a dans cette poésie, la politesse du désespoir et c'est une manière d'aborder des thèmes comme celui du deuil qui, pour ne pas tomber dans le côté plombant — il n'y a rien de pire que de parler de deuil —, c'était de l'amener vers cette manière un peu baroque que nous permettait le réalisme magique. Il se traduit dans un héritage surréaliste, belge, congolais. C'est vraiment notre héritage commun.

Propos recueillis par Clément Massé.

Baloji, désormais cinéaste, a publié plusieurs albums, à découvrir ci-dessous :

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