"On est l'épouse, pas l'infirmière !" Les aidants peuvent trouver de l'aide pour ne pas plonger eux aussi

En France, 8 à 11 millions de personnes sont considérées comme des aidants et des aidantes. Leur rôle, essentiel, est de plus en plus médiatisé. Une caravane sillonne chaque année le territoire pour conseiller et informer ce public. Au quotidien, aider un proche, sans s'effondrer soi-même, demande un subtil équilibre.

"Dans l'ensemble, ça va !", lance Francis.

Josianne, elle, touche du bois et répond dans un souffle : "Oui, que ça continue !".

Installés dans leur cuisine, elle coupe ses légumes tandis que lui la regarde faire de l'autre côté du plan de travail. "Je n'ai pas le droit d'approcher les couteaux, confie-t-il. T'as peur que je me coupe les doigts encore".

"Vaut mieux pas, parce qu'après, pour arrêter le sang, on aurait du mal !", ajoute Josianne.

"J'ai pas le droit de me faire de bobo..." , conclut Francis, gravement malade. Depuis deux ans et demi, il souffre d'une leucémie.

Je ne réagis pas toujours pareil, la fatigue s'installe, j'ai des moments en baisse surtout.

Francis Garaud

Retraité, atteint d'une leucémie

Les aidants souffrent aussi

Face à la maladie de son époux, Josiane a eu besoin de soutien moral : " Je vivais dans la terreur de le perdre, c'est quelque chose d'horrible pour moi, ça fait 54 ans qu'on est mariés..."

Maintenant je peux prononcer les choses sans avoir trop d'angoisse, et ça, c'est la maison de Léa qui m'a appris à le faire.

Josianne Garaud

Retraitée, aidante

Comment réagir face au malade ? Quels mots employer pour ne pas lui transmettre sa propre angoisse ? L'association charentaise organise des séances en groupes pour échanger, s'éloigner un peu de ce quotidien douloureux et centré sur l'autre.

Josianne le sait, elle doit beaucoup à ces moments-là. Être aidant ne va pas de soi.

On ne pense pas à nous dans tout ça, donc il faut absolument se faire aider, sinon on plonge et on ne s'en aperçoit pas !

Josianne Garaud

Retraitée, aidante

Des moments pour souffler, et tenir

Facilement accessible depuis la gare d'Angoulême, la maison de Léa se veut un lieu d'écoute et de dialogue. Y sont proposés divers ateliers dédiés aux aidants et des formations. C'est aussi un outil pour briser la solitude face au malade.

On trouve des solutions ensemble, ce sont des échanges. Et ils ont besoin d'échanges !

Evelyne Couty

Sophrologue-Thérapeute, formatrice à la maison de Léa

Pour aller au plus près des besoins, l'association se déplace régulièrement dans les villes et villages de Charente et Charente-Maritime. 

Une manière aussi de rendre accessible au plus grand nombre des informations simples, mais parfois compliquées à trouver : "Vous êtes salarié, vous pouvez bénéficier d'un congé de proche aidant, il suffit d'en parler à votre RH et d'ouvrir un compte sur le site de la CAF. Vous êtes retraité, vous pouvez voir l'action sociale de l'Agirc Arco...", précise par exemple Claudie Kulak, la présidente de l'association La compagnie des aidants.

Sa structure organise depuis 2018 la Caravane des aidants, une opération nationale à la rencontre des proches de malades. Claudie Kulak a eu l'idée de créer son association, après avoir été elle-même aidante pour sa tante âgée et son père, atteint d'Alzheimer. Elle le sait d'expérience : "Parler à d'autres aidants, c'est bon pour le moral !"

Reportage à Angoulême de Jérôme Deboeuf et Cécile Landais