Dans les vignes, les règles de distanciation s’appliquent aussi. Avec une différence notable, l'application des consignes de sécurité auprès des travailleurs étrangers demande une grande attention. En Charente, les viticulteurs ont dû réorganiser l’activité de leurs salariés roumains.
Un ouvrier tous les deux rangs de vignes. La consigne semble simple, presque évidente.
Mais pour les viticulteurs, cette nouvelle organisation du travail n’a pas été simple à mettre en place car leur main d’œuvre ne parle pas français. Pour communiquer avec ces ouvriers roumains, Lucie Georgeon, viticultrice à Segonzac et gérante d’une société de travaux viticoles, avait suivi une formation, elle s’est même rendue en Roumanie pour pratiquer la langue et anime une page Facebook écrite en roumain. Mais pour faire face rapidement à la crise du Coronavirus, il lui fallait plus d’aisance et un vocabulaire adapté. Heureusement elle peut s’appuyer sur son chef d’équipe, Ionut Murgulet, qui parle un peu français.
Dès le 17 mars, il a fallu mettre en place de nouvelles règles et expliquer aux ouvriers la conduite à tenir. Si ça parait simple dans les vignes, ça l’est beaucoup moins pour la vie quotidienne, à commencer par le transport. La viticultrice a dû s’adapter vite.
Les déplacements sont aussi organisés en tenant compte de la répartition des salariés dans les logements. Les ouvriers roumains occupent deux grandes maisons. Dans les minibus, pas question de mélanger des locataires différents, chacun monte avec ses voisins de palier pour éviter au maximum les croisements.Au début, on nous a dit qu’il ne fallait pas plus d’une personne par véhicule, je n’avais pas trente voitures disponibles. Depuis, on a pu trouver des solutions, on a réduit le nombre de passagers dans les minibus pour conserver les distances de sécurité entre chaque salarié
En plus de l’attestation employeur nécessaire à leurs déplacements, Lucie Georgeon a dû imprimer un courrier pour chacun, destiné aux forces de l’ordre en cas de contrôle. Dans cette lettre, elle explique la nature de leur déplacement afin qu’ils puissent se justifier malgré leur méconnaissance de la langue.
Depuis le début de la crise du Coronavirus, c’est tout le cognaçais qui s’est adapté pour apporter un bon niveau de protection aux ouvriers agricoles roumains qui travaillent dans la région. A l’instar de Christian Ganne. Ce directeur de supermarché de Segonzac a pris l’initiative d’apposer une note écrite en roumain à l’entrée de son magasin.
Il fallait qu’ils puissent voir les consignes dans leur langue à eux pour que ce soit efficace
Sous les consignes écrites en français, Christian Ganne a fait traduire le même texte en roumain pour pouvoir accueillir cette clientèle dans les mêmes conditions de sécurité sanitaire.
Une main d’œuvre indispensable
Malgré le Coronavirus, la vigne a besoin d’entretien. Il est donc impératif pour l’économie locale que les différents travaux y soient accomplis au bon moment. En ce mois d’avril, c’est la taille et « l’attachage » qui occupent les journées des ouvriers roumains. Mais Lucie Georgeon, la viticultrice, est inquiète, une étape importante doit avoir lieu à la fin du mois de mai, le relevage.
Aujourd’hui, elle ne sait pas encore sur quelle main d’œuvre elle pourra compter.
Les trente ouvriers qu’elle a recrutés sont arrivés à la fin du mois de novembre 2019. Ils sont en contrat jusqu’à la fin du mois d’avril, date à laquelle les salariés devaient rentrer voir leurs familles. Mais pourront-ils revenir pour la fin du mois de mai ? Pour tous c’est l’incertitude.
Beaucoup de frontières sont fermées, l’état d’urgence sanitaire est décrété en Roumanie depuis le 16 mars dernier. A leur retour au pays, les ouvriers roumains pourraient se voir imposer une quarantaine, impossible donc de revenir avant la fin mai...
La moitié des salariés de Lucie Georgeon se disent prêts à rester en France en attendant la fin de la crise. Il faut dire que l’enjeu est important pour eux. Ces travailleurs roumains sont engagés en contrat à durée déterminée. Ils gagnent en moyenne 2000€ nets par mois en travaillant dans les vignes. En Roumanie, le salaire minimum brut est d’environ 500€.
En attendant la fin des mesures de confinement, les ouvriers appliquent avec précaution les règles de sécurité. Pour Ionut Murgulet, le chef d’équipe, ses collègues ont pris la pleine mesure du problème. En plus de la crainte de la maladie, ils sont extrêmement vigilents car ils savent qu’un seul cas parmi leurs coéquipiers mettrait à l’arrêt toute leur activité.
Reportage de Jérôme Deboeuf, Pascal Simon et Martine Sitaud :