L'ancien ministre aux PME, Renaud Dutreil, a racheté en 2014 en Charente la source Jolival, qui était en redressement judiciaire. Il est convaincu de l'avenir de l'eau sur le marché du luxe.
L'eau française de grande qualité va devenir un produit rare, recherché dans le monde".
Renaud Dutreil, propriétaire de Jolival.
Or blanc
La consommation d'eau de source progresse régulièrement, +1% à +3% ces dernières années, selon le Syndicat des Eaux de source. Mais dans un marché d'eau plate dominé par le géant Cristalline (regroupant 20 sources distinctes), devant Evian et Vittel, les eaux locales visent ouvertement l'export.Un passage obligé, souligne Jacques Tréherne, président du Syndicat (39 membres). "Car si on ne vend pas 100 millions de bouteilles par an, on ne rentabilise pas sa source. Souvent des communes qui ont une source me contactent, veulent lancer leur eau, imaginent le pactole. On a tant parlé d'"or blanc". Je les mets en garde : l'investissement, c'est 8 à 10 millions d'euros. Et il faut des débouchés".
Abatilles (43 millions de bouteilles) et Jolival (25 millions) sont loin de ce seuil. Mais la Charentaise Jolival, elle aussi douce, sans nitrate et peu minéralisée, a frappé fort en devenant, en mai, l'eau officielle du PSG, champion de France de football. Abatilles n'est pas en reste : partenariats avec des tables étoilées d'Aquitaine, eau officielle des Girondins (football), de l'UBB (rugby) et surtout de Vinexpo, plus grand salon mondial du vin, rampe de lancement pour l'export.
L'heure de "l'eau-nologie" ?
La clientèle régionale est partie intégrante de ces stratégies, avec une tarification abordable localement pour Jolival et une eau d'entrée de gamme (source des Pins) pour Abatilles. Renaud Dutreil pressent pour l'eau le même phénomène que pour le vin. Après une époque de mélanges sous une même marque, depuis 20-30 ans, "on a peu à peu valorisé les terroirs, l'unicité, la spécificité de chaque vin". Pour ces sourciers-entrepreneurs, l'avenir est à l'éducation du palais du consommateur, à "l'eau-nologie".Et puis il y a l'émotion -autre facteur-clef de la consommation- liée à une "eau ancienne, jamais souillée par l'être humain". Jolival, à 162 mètres, "a été datée au carbone 14 à plus de 20.000 ans. Elle est la pluie qui tombait sur la tête de Cro-Magnon, avant un long voyage dans la roche...".