Ils sont venus en bus de tous les coins de la région Nouvelle-Aquitaine. Environ 1500 cheminots ont défilé entre la gare de Bordeaux et le Conseil Régional.
Ils s'opposent toujours à la réforme de leur statut. Une action intersyndicale pour dénoncer aussi l'éventuelle privatisation de certains TER.
Des dizaines de drapeaux rouges flottent au vent. Un air de Pink-Floyd résonne sur le parvis de la gare Saint-Jean à Bordeaux. "The Wall". Mobilisés depuis plusieurs semaines, les cheminots ont peut-être la sensation de se heurter à un mur.
Venus des 12 départements de Nouvelle-Aquitaine, ils sont 1500 rassemblés derrière une banderole intersyndicale. Jérôme Pudal est agent de circulation à Saintes en Charente :
On ne veut pas qu'on touche à nos statuts et on veut préserver un service ferroviaire de qualité.
Le cortège s'ébranle en direction du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine. Les manifestants ont l'intention d'interpeller le Président de la Région Alain Rousset.
David Plagès, responsable de la CGT cheminots en Aquitaine, explique :
Avant même la réforme du ferroviaire, Alain Rousset, s'est positionné pour une ouverture à la concurrence de deux lots des lignes régionales.
La Ministre des Transports, Elisabeth Borne, a effectivement émis l'idée d'ouvrir les TER à la concurrence dès 2019. Une bonne idée a estimé le Président de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Alain Rousset y voit une solution pour faire évoluer l'organisation de la SNCF et améliorer la desserte des territoires.
L'idée, selon les syndicats, serait de diviser le réseau aquitain en 5 lots, et d'en ouvrir 2 à la concurrence.
David Plagès s'interroge :
Avec quelle cohérence ? Quels parcours pour les usagers qui seront acheminés d'un bout à l'autre de la région avec plusieurs opérateurs ferroviaires ?
Au-delà de ça, le leader syndical s'inquiète de l'intérêt que pourraient avoir des entreprises privées, à développer le service public ferroviaire.
En direct de Bordeaux, les Cheminots plus que jamais déterminés!
— Tous_Cheminots (@TCheminots) May 24, 2018
La convergence des luttes #CMaintenant #TCheminots pic.twitter.com/sREuzz4QHa
Une dizaine de bus a acheminé les manifestants jusqu'à Bordeaux. Loîc Coudert est venu de Brive-la-Gaillarde en Corrèze. Pour lui :
Le service public ferroviaire est en danger notamment sur notre territoire limougeaud. C'est l'abandon de nos territoires, c'est la désertification de notre région.
Ce cheminot assure que le désengagement de l'Etat se fait déjà sentir :
Certaines lignes sont déjà fermées. D'autres sont menacées suite à l'abandon des financements par l'Etat.
Une délégation de cheminots a été reçue par le Président socialiste de la région Nouvelle-Aquitaine. Il s'est voulu rassurant :
Les textes de loi n'ouvrent pas à la concurrence aujourd'hui. Le problème ne se pose pas dans les 5 ou 6 ans qui viennent.
Mais Alain Rousset ne cache pas son exaspération :
J'ai expliqué aux cheminots qu'il y a un problème de confiance. Non pas à leur égard, mais à l'égard de la maison SNCF. Nous ne comprenons pas ses comptes !
Les régions ont en effet la compétence en matière de transport. Et Alain Rousset rappelle régulièrement les efforts consentis en la matière par le Conseil Régional :
Nous avons pratiquement doublé les sommes que nous allouons à la SNCF. Nous avons changé la totalité des trains. Nous nous sommes engagés massivement pour régénérer les voies. Nous avons sauvé le TER ! Nous ne pouvons pas aller au-delà !
Nous sommes dans une situation où la région paye sans possibilité de contrôler. Et c'est insupportable !
Le président de la Nouvelle-Aquitaine regarde donc avec intérêt ce qui se passe en Allemagne.
Outre-Rhin, près de 450 entreprises privées se partagent les lignes ferroviaires régionales.
Alain Rousset l'assure :
C'est un modèle de régularité et d'efficacité !
La manifestation des cheminots s'est dispersée dans le calme à la mi-journée.
Venus pour interpeller le Président de Nouvelle-Aquitaine, les syndicats repartent avec une réponse claire : l'ouverture à la concurrence n'est sans doute pas pour tout de suite. Mais la privatisation de certaines lignes, est probablement pour demain.
Voyez le reportage de Karim Jbali et Dominique Mazères