Coronavirus : des dizaines de milliers d’euros de dépenses imprévues pour les communes

La crise du Covid-19 pèse sur les budgets des collectivités. Les conséquences sur les finances des municipalités et des intercommunalités sont importantes. Les villes commencent à chiffrer ces dépenses d’urgence, voici les cas d’Egletons, La Souterraine et Nedde.

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Pour les communes, financièrement, c'est à la fois des dépenses supplémentaires et des pertes de recettes. Les budgets des municipalités peuvent supporter ces aléas économiques, mais si la crise perdure, il faudra faire des choix dans les futures dépenses.
C’est le sentiment des trois élus que nous avons interrogés. Ces trois têtes de listes ont été élues, dès le 1er tour des élections municipales, c’était en mars dernier, avant le confinement. Les maires de trois communes, Nedde, La Souterraine et Egletons dressent les premiers chiffres de la facture du coronavirus.


Monique LENOBLE, maire (SE) de Nedde, 484 habitants en Haute-Vienne :

"Des masques en tissu, pour toute la population, nous en avons acheté 500, puis 300, nous avons également acheté des masques chirurgicaux pour les personnels de la commune. Il y a également les protections de comptoir en plexiglas, de la rubalise, et le plus cher, ce sont tous les produits désinfectants et le gel hydroalcoolique. Ce sont des produits qui sont très demandés et ils se vendent en format de 10 litres. Cela va tourner autour de 4000 euros.

Pour une commune avec un budget annuel autour de 1 million d’euros, c’est très minime, et en plus nous avons des dépenses qui ne vont pas se faire, comme le repas des aînés, qui a été annulé. C’est triste, mais sur le plan purement comptable, ce sera une dépense en moins.

Notre inquiétude est sur les commerces de la commune.

Nous avons une boulangerie et une supérette qui sont restées ouvertes pendant le confinement, le bar lui est toujours fermé et le restaurant qui devait ouvrir au 1er avril est lui-aussi toujours fermé. Ce sont des commerces qui vivent avec la clientèle locale, mais aussi avec le tourisme et les fêtes et là c’est inquiétant. Déjà, pendant tout le confinement, les fêtes locales, loto, concours de pétanque, fête de l’association de chasse, tout a été annulé, et pour l’avenir, j’ai de grandes craintes.

Nous allons nous réunir avec les responsables des associations le 2 juin, mais par exemple, la fête de la Musique et de la St Jean, qui rassemble des centaines de gens, je vois mal comment en l’état actuel des choses, elle pourrait avoir lieu.

Notre fête de Nedde est aussi en suspens, elle se déroule le 1er week-end du mois d’août, sur 3 jours. Il y a une course pédestre avec 500 participants, ils vont courir à 1 m de distance ? Le repas champêtre, c’est 700 personnes, là encore, comment faire pour la distanciation ? Et puis le défilé de char, le feu d’artifice ... c’est compliqué.

Comment organiser notre fête en respectant la distanciation ? Franchement c'est compliqué !

Nous avons aussi à Nedde un village vacances de 300 places géré par le VVF, on se sait pas comment il va ouvrir. Notre camping, un des premiers ouverts en saison, est toujours fermé. S’il faut que l'on supprime un emplacement sur deux, je ne sais pas si cela vaudra le coup d’ouvrir. Nous sommes en plein questionnement. La Cité des insectes, elle, vient de rouvrir au public, on espère que les visiteurs vont revenir".
 

"Si tout tourne au ralenti, pour la commune, ce sera des pertes financières, mais pour les commerçants, ce seront des pertes extrêmement importantes, c’est dramatique. Je suis inquiète sur une cascade de conséquences, avec moins de clientèles, des commerces qui seront à la peine et un village qui ira moins bien".
 

Etienne Lejeune, maire (PS) de La Souterraine, 5553 habitants en Creuse :

"Les coûts ne sont pas encore connus et loin d’être définitifs, mais nous avons les premières estimations. Pour la commune de La Souterraine, cela va représenter entre 100 et 150 000 euros de dépenses supplémentaires.

Comme partout, dans les coûts directs du Covid-19, il y a les fournitures, les masques, les colonnes de gel, les aménagements nécessaires aux circulations dans les bâtiments gérés par la ville, tout cela, c’est pas loin de 60 000 euros, dont une bonne part pour les masques.

En Creuse, une opération conjointe a été montée avec le département pour fournir un masque grand public par habitant. Ils ont été commandés sur place, à l’atelier Pinton de Felletin, et si certains ne les trouvent pas beaux, ils ont l’avantage d’être efficaces.

Nous avons aussi commandé des masques, chirurgicaux et FFP2, mais ils ont été réquisitionnés à réception au mois d’avril : 80% des chirurgicaux et 100% des FFP2. Pour l’instant, c’est nous qui avons payé, et j’espère qu’il y aura des mécanismes de compensation. Nous devrions avoir des aides, mais pour le moment on fait comme si on n’en avait pas car nous n’avons pas d’informations précises. Sur les nouvelles commandes, uniquement des masques chirurgicaux, nous avons reçu plusieurs milliers de masques, nous avons aussi des visières. C’est destiné aux personnels de l’école et plus largement aux personnels municipaux en contact avec du public.

Nous avons été centre d’accueil pour les enfants des familles de soignants, nous avons donc aménagé des locaux dès le début de la crise. Là, il y a les coûts de désinfection, deux fois par jour, avec du personnel dédié. Ces coûts de désinfection sont toujours présents maintenant que nous avons rouvert l’école.

Autre coût direct, mais mal connu, c’est tout ce qui est lié au télétravail. Il a fallu en urgence adapter des matériels, en acheter, faire des extensions de réseaux, acheter des licences de logiciels et de la capacité de stockage sur des serveurs.

Tous les services administratifs de la ville ont été mis en télétravail et le sont toujours. Nous avons toujours plus de 40% de nos agents en télétravail, et pour les autres nous avons organisé des roulements.

Sur les aides à la personne, en revanche, nous avons beaucoup travaillé mais peu dépensé. Les élus se sont chargés d’appeler toutes les personnes dans le besoin et les personnes âgées, de faire les courses et de livrer. Tout cela a été fait avec l’appui et l’expertise des bénévoles des associations qui se chargent de cela d’habitude, et puis nous avons eu des dons très importants des grandes surfaces.

La sécurisation des chantiers, c'est plusieurs centaines d'euros par jour 

Pour les travaux, ceux en régie ou ceux passés via des marchés publics, le cout supplémentaire, c’est la sécurisation des chantiers. Il faut les désinfecter régulièrement, mais aussi par exemple, mettre en place des points d’eau ou installer des espaces pour les repas avec la distanciation nécessaire, cela ce chiffre à plusieurs centaines d’euros par jour.
 

Pour la cantine, nous avons le même personnel pour 50 élèves au lieu de 300 élèves par jour d’ordinaire, et on facture moins de repas. S’il y a des économies sur la marchandise, cela reste minime. On a fait aussi quelques économies sur les "fluides", le carburant, l’électricité, et puis aussi sur des fournitures.

Des coûts fixes, mais zéro recette pour le cinéma ou la piscine

Nous avons aussi des manques à gagner, je pense au cinéma, nous venons de le reprendre en régie municipale, le personnel est là, mais c’est zéro au niveau recettes. La piscine, c’est pareil, des coûts fixes et rien au niveau recette.

On va aussi avoir des loyers qui ne seront pas encaissés, nous avons 2 locaux commerciaux et le camping, il n’y a pas eu de chiffres d’affaires, nous avons prévu de d’annuler les titres.

Avec tout cela, cela passera les 100 000 euros et cela montera peut-être à 150 000 euros. D’autant que nous travaillons avec la communauté de communes sur un fonds d’aides aux entreprises qu’il va falloir abonder.

Le budget annuel de fonctionnement de La Souterraine, c’est 4,5 millions d’euros, le coût de la crise ça va être compliqué quand même pour l’absorber. Il faudra, je pense, avoir recours un minimum à l’emprunt. Depuis une dizaine d’années, on rembourse plus que ce que l’on emprunte. Pour cette année, le budget tablait sur 650 000 euros de remboursement de capital d’emprunt pour 500 000 euros de nouveaux emprunts, on a de la marge, mais avec le coronavirus, nos finances qui sont pour moi exemplaires vont en prendre un coup.

Ce qui m’inquiète, c’est que la crise dure. Nous avons vécu les difficultés de GM&S, on voit la problématique de l’industrie automobile, ça va être compliqué. Même si financièrement, c’est plus la ComCom qui est concerné, c’est notre territoire qui va souffrir".


Charles Ferré maire (DVD) d'Egletons, 4287 habitants en Corrèze : 

"C’est difficile de chiffrer le coût de la crise sanitaire. On va constater cela dans les mois qui viennent. On ne connait pour le moment que des dépenses très directes, comme toutes les protections. Les masques, nous en avons fourni un à chaque habitant de la ville, le gel hydroalcoolique, les protections c’est 15 000 euros.

Nous avons un village vacances, pour le moment les loyers sont décalés, mais seront-ils encaissés ou passés en pertes ? 

Mais, il y aura d’autres dépenses et des pertes de recettes. Nous avons par exemple un village vacances. Il est géré par une structure en délégation de service public, c’est évidemment fermé pour le moment et on ne sait pas comment cela va rouvrir. Pour le moment, les loyers sont décalés mais seront-ils encaissés ou passés finalement en "non-valeur"?
 

Nous avons aussi augmenté les aides financières pour les besoins d’urgence, ce sont plusieurs milliers d’euros, notamment pour de la nourriture. Ces aides ont été coordonnées à travers le CCAS et les associations présentes chez nous, comme le Secours Populaire ou les restos du Cœur.

Aucune recette pour le centre de découverte du moyen-âge qui est toujours fermé

Nous avons un centre de découverte du moyen-âge, avec un emploi à temps plein et un stagiaire, c’est fermé, donc aucune entrée, aucun atelier n’a pu être organisé, et donc aucune recette.

Ce sont quelques exemples, non exhaustifs, des conséquences budgétaires du Covid-19. A l’année, notre fonctionnement tourne autour de 5 millions d’euros, je ne pense pas que cela affectera trop notre gestion, mais ce qui m’inquiète, c’est l’après Covid, avec la baisse des dotations de l’Etat.

Si nous avons des choix à faire pour boucler notre budget, cela sera surement des non-remplacements de départs à la retraite.

La masse salariale représente 50 % de notre budget. Je m’inquiète aussi pour les petits commerces, deux mois de fermeture, une reprise qui reste partielle, pour certains, il n’y a plus de trésorerie. Nous avons mis un fond de soutien en place avec la communauté de communes, mis est-ce que cela sera suffisant ? Pour la Communauté de Communes, nous avons déjà estimé le coût du Covid, autour de 300 000 euros".

 
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