Coronavirus. Ghislaine, bénévole pour SOS Amitié : "Le confinement exacerbe parfois les douleurs d'avant"

Depuis la mise en place du confinement, le nombre d'appels a fortement augmenté chez SOS Amitié à La Rochelle (Charente-Maritime). Calfeutrés chez nous, l'angoisse de la solitude, l'isolement, la peur de la maladie sont parfois les plus forts.

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"Depuis quelques jours, ça n'arrête pas." Ghislaine est écoutante pour SOS Amitié, mais jamais elle n'a connu ça en huit années de bénévolat.

Depuis l'entrée en vigueur du confinement, les appels s'enchaînent ; à peine le temps de raccrocher que le téléphone sonne à nouveau aussitôt. "Les gens sont terriblement angoissés" explique-t-elle. 

En une seule semaine, les bénévoles de l'antenne rochelaise ont reçu 450 appels. "C'est 50% de plus que l'an passé à la même période" constate Patrick Petit-Dubousquet, le président de SOS Amitié de l'antenne Rochelaise.

Bien plus aussi que durant la période des fêtes durant laquelle le nombre d'appels ne bondit "que" de 10%. "Et plus de la moitié, si ce n'est les trois quarts des appelants, nous parlent du coronavirus.

Les gens ont peur d'attraper la maladie, peur de la solitude, de l'inconnu. On essaie de les rassurer.
- Patrick Petit-Dubousquet, président de SOS Amitié La Rochelle

Mais les bénévoles de SOS Amitié ne sont ni médécins, ni psychologues, "nous sommes surtout là pour les écouter".

"Le manque des autres"

Ghislaine "écoute" ainsi trois fois par semaine, à raison de quatre heures maximum par jour. Depuis son appartement rochelais où elle a installé son poste de garde, cette retraitée de 68 ans reçoit beaucoup d'appels "pour la première fois". 
Comme ce monsieur "veuf depuis plusieurs années, son chagrin était en sommeil, mais son manque des autres l'a réveillé". 

Elle raconte aussi de ce grand-père de 90 ans "soudain très triste" parce qu'il ne pouvait plus voir ses enfants et ses petits enfants, ni aller marcher avec ses amis.

Comme les gens ne sortent plus et ne voient plus personne, leurs problèmes ressurgissent. Le confinement exacerbe parfois leurs douleurs d'avant. 
- Ghislaine, écoutante SOS Amitié

Alors avec les plus angoissés, Ghislaine s'autorise parfois à faire un peu plus qu'écouter. "Je leur fais la conversation, je leur parle du printemps et du ciel bleu, je leur fais comprendre que je suis comme eux, privée de ma liberté."

Retour sur soi

La sensation d'enfermement générée par le confinement n'est pas la seule source d'angoisse. "L'ambiance générale, le climat de peur, le risque d'attraper un virus potentiellement mortel, tout cela est très anxiogène" confirme Daniel Nebas, psychologue à Poitiers. 

Mais la période est néanmoins plus difficile à vivre pour celles et ceux qui ont besoin de contacts sociaux. "Ceux-là ne doivent pas avoir peur de sortir leur carnet d'adresses et d'appeler leurs amis ou leur famille, sans avoir peur de déranger". 

Se retrouver seul face à soi-même, à condition que cela ne génère pas un stress démesuré, ne serait pourtant "pas forcément négatif" selon le praticien. 

Ce confinement, c'est un retour sur soi. On s'interroge sur le sens qu'on donne à sa vie, et parfois on tombe sur des choses enfouies mais pas résolues. Mais on peut aussi en ressortir plus fort.​​
- Daniel Nebas, psychologue

À contrario, et même si les cas sont rares, Daniel Nebas voit aussi des patients à qui l'isolement et la solitude ne causent aucun problème, voire  les solutionnent. "J'ai une patiente de 82 ans qui était terriblement anxieuse, mais depuis une semaine, elle n'a plus aucune angoisse."

Les craintes du traumatisme

Les associations comme SOS Amitié ne sont pas les seules à être plus sollicitées que d'habitude. Dans la Vienne, les appels vers les centres médico-psychologiques sont aussi plus nombreux depuis quelques jours, sans pour autant parler "d'afflux" tempère le Dr Mélanie Voyer, psychiatre au centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers. 

Qu'ils soient des patients déjà suivis ou pas, les mêmes inquiétudes reviennent : "crainte d'être contaminée, crainte pour les proches, notamment pour leurs parents quand il sont âgés, augmentation du sentiment de solitude, tension interne en lien avec le confinement ou une irritabilité" détaille le Dr Voyer.
Pour leur venir en aide, le CH Henri Laborit a donc décidé de mettre en place une cellule d'accompagnement psychologique. Trois professionnels, infirmiers et psychologues, répondront au téléphone

L'objectif c'est de répondre à ces questionnements lorsque les angoisses ou les tensions deviennent difficilement gérables.
- Mélanie Voyer, psychiatre

Opérationnelle dès ce lundi 30 mars, elle visera à aider ceux qui ont besoin de soutien mais aussi à diminuer le risque de traumatisme lorsque le confinement sera levé afin que l'impact sur la santé psychique de la population soit le plus réduit possible. 

Cette perspective -fixée pour l'instant au 15 avril par le gouvernement- est d'ailleurs l'une des préoccupations pour de nombreux praticiens. "Comment allons-nous pouvoir reprendre nos vies après cela ? Quelle traces cela va-t-il laisser ?" s'interroge Daniel Nebas, psychologue à Poitiers.

Les données scientifiques manquent encore mais Mélanie Voyer nourrit quelques craintes : "Il pourra sans doute y avoir la persistance de niveaux d'angoisses élevées voire comme cela est décrit dans les quelques études publiées, des symptomatologies post-traumatiques."
 
Pour joindre SOS Amitié
Les écoutants de l'association sont à votre écoute (7j/7 24h/24) au 
  • 05.49.45.71.71 (antenne de Poitiers)
  • 05.46.45.23.23 (antenne de La Rochelle)
  • 09 72 39 40 50 (numéro national)
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