Coronavirus : la guerre des masques à l'échelle des départements

Creuse, Corrèze, Haute-Vienne, les trois départements de l'ex-Limousin essaient de faire des stocks de masques, pour compléter ceux mis à disposition par l'Etat mais aussi pour équiper leur personnel. Pas facile d'arriver à ses fins alors qu'ils sont devenus une denrée hautement stratégique.

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Se lancer dans l'acquisition de masques est un exercice plutôt périlleux en ce moment.
Sachant que toute la production française est sous le contrôle de l'Etat qui distribue son stock stratégique de façon très parcimonieuse, il ne reste plus à ceux qui voudraient en avoir que la solution de commander directement en Chine. Plus facile à dire qu'à faire. Plusieurs Régions en ont fait l'amère déconvenue. Quand votre commande n'est pas raflée pour le triple du prix par les Américains sur le tarmac au départ de Chine, c'est l'Etat français qui réquisitionne 80% de la commande sur le tarmac d'arrivée en France.

Les collectivités locales essaient donc de se constituer des stocks pour leurs agents. Pour mutualiser les risques, la région Nouvelle-Aquitaine a invité les 12 départements à se grouper pour passer commande. 5,2 millions de masques à la clef. La Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne étaient associés à cette démarche.

"En Creuse, le Département a donc sollicité les Communes pour savoir si elles souhaitaient s’associer à cette commande pour elles-mêmes mais aussi à travers une participation à un fonds de solidarité départemental. Sollicitation à laquelle elles ont répondu massivement. Au total, ce sont 140 000 masques qui ont été commandés, le Département a abondé le fonds de solidarité en quasiment doublant les dons des Communes. En fait la commande a fait l’objet de deux lots, un lot pour les besoins spécifiques des communes et un lot pour constituer un stock tampon départemental destiné à compléter les besoins de l’ARS. " explique Anne Gaudin-Ubeda la directrice de cabinet de la présidente Valérie Simonet.

Une commande qui implique une forte dépense, notamment à l'échelle de nos départements ruraux. Pour ne rien arranger les prix sont très instables.

"Entre le jour de la commande et celui de la validation du devis, ils n’étaient plus les mêmes. De plus, les frais de livraisons très importants n’avaient pas été inclus dans les tarifs proposés par la Région aux Communes. Pour cette commande groupée Département/ Communes de la Creuse, cela représente au total une facture de 250 000 euros. C’est le Département qui a réglé l’acompte de 80%" confie encore la directrice de cabinet.

  

La Haute-Vienne et la Corrèze ont été associées à cette commande à peu près dans les mêmes proportions

Problème :  l'Etat voulait en réquisitionner 80%. Après des discussions houleuses, charge est revenue aux départements de récupérer ce qu'ils avaient commandé et d'en assurer la distribution en bonne intelligence avec l'agence régionale de santé.

"La gestion des masques a été compliquée. J’ai refusé de rentrer dans une logique de surenchères entre nous. Je ne veux pas de polémique ni de rapport de force sur le sujet des masques. Nous avons établi une stratégie à plusieurs, dans un esprit de coopération avec les autorités locales (ARS, Préfecture du département, direction du CHU)" a expliqué Jen-Claude Leblois, président du conseil départemental de la Haute-Vienne.

"La guerre des masques n'aura pas lieu en Corrèze" confirme de son côté Pascal Coste le président du conseil départemental de Corrèze, lors d'une conférence de presse donnée ce jeudi 9 avril, en commun avec le préfet et la directrice départementale de l'ARS. Dans un premier temps très remonté par l'attitude jugée cavalière de l'Etat, Pascal Coste souhaite désormais apaiser et tourner la page.

 
En Corrèze, pour rappel, "la distribution du stock stratégique de l'Etat représente 100 à 150 000 masques livrés de manière hebdomadaire, avec régularité depuis 3 semaines" indique Sophie Girard, la directrice déléguée départementale de l'ARS. Des masques qui sont prioritairement distribués au personnel soignant dans le sens large du terme. Un stock pas suffisant pour équiper tous les professionnels qui en auraient besoin. C'est donc pour cela que le département s'était lui aussi associé à la commande de la Région.

"Nous voulions élargir les publics équipés. Nous en avons besoin pour nos agents. Je pense notamment aux médecins de la PMI qui continuent à vacciner les gamins. Mais il y aurait aussi besoin de masques dans certaines entreprises du département" explique Pascal Coste.

En Corrèze, les masques commandés par le département via la région vont donc être répartis sous l'égide de l'ARS comme suit :
  • les résidences pour personnes âgées autonomes
  • les aides à domicile, les foyers pour personnes handicapées
  • tout le personnel en contact avec les personnes âgées.
Une répartition semblable sera faite en Haute-Vienne avec, en plus, la participation de la plateforme gérée par le CHU qui redistribuera les masques en coordination avec l'ARS. Cette chaîne de solidarité bénéficiera en premier lieu aux soignants de l'hôpital, au personnel des EHPAD, aux infirmières et aides à domicile, aux foyers de personnes handicapées et aux associations d'urgence alimentaire. 

 
Même chose en Creuse où les communes ne récupéreront donc que 20% des masques commandés qui leur seront acheminés par les pompiers. Les 80% restants étant mis à la disposition de l'ARS.

Un marché noir des masques ?

Les départements sont également amenés à la jouer solo et à faire valoir leur carnets de contact. En Haute-Vienne et en Corrèze, les deux présidents ont confirmé l'existence de commandes directes qui ne sont donc pas passées par l'intermédiaire de la Région.  

La Haute-Vienne qui ne voulait pas "mettre tous ses œufs dans le même panier" a commandé de son côté 400 000 masques. Plusieurs fournisseurs ont été sollicités.

Sans parler de marché noir, la commande de masques est une zone grise. Le président Coste en Corrèze ne souhaite d'ailleurs pas évoquer de chiffre précis. La peur de susciter les convoitises. Surtout pendant ce long week-end de Pâques. Les masques récupérés sont donc distribués très rapidement. Même discrétion concernant les sommes engagées qui ne seront dévoilées qu'après la crise.

"Nous avons la chance d'avoir des entreprises corréziennes qui sont installées en Chine et qui ont fait jouer la solidarité bénévolement. Il faut avoir des réseaux. Et surtout la capacité de mettre de l'argent sur la table. Grâce aux services de l'Etat et à l'ordonnance permettant de s'affranchir des codes des marchés publics, nous avons pu accélérer le circuit en coopération avec la direction départementale des finances publiques. Au lieu de payer à J+6, elle a versé l'argent à J+1. S'il avait fallu procéder normalement on n'aurait pas eu de masques. "

 
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