Elles sont une vingtaine en Limousin à produire des bières. Une production artisanale pour ces micro-brasseries. Avec l’épidémie, leurs marchés se sont réduits à presque néant. Elles doivent donc s’adapter.
Voilà les sentiments de certains petits brasseurs corréziens ou haut-viennois. Ce secteur d’activité trinque depuis le début du confinement. Brasserie du Causse à Saint-Pantaléon de Larche, Brasserie Brâm à Saint-Laurent-les-Eglises, bière la Bergère à Saint-Bonnet de Bellac, brasserie de la Creuse à Felletin…. Toutes ces micro-brasseries souffrent.C’est la misère, c’est la galère
En France, elles sont environ 2 000 et selon le syndicat national des brasseurs indépendants, elles perdent au moins 80 % de leurs chiffres d’affaires, entre la fin de la vente directe et la fermeture des cafés, restaurants, hôtels, l’annulation des festivals et des rassemblements festifs. Beaucoup de ces entreprises pourraient ne pas s’en remettre. Nombre d’entre elles (60 %) ont moins de 3 ans d’existence, elles sont donc fragiles.
"Lors des vacances de Pâques, traditionnellement, j’ai beaucoup de visites de touristes pour découvrir la brasserie et qui achètent. Cette année…c’est mort", explique Stéphanie Coulange qui tient la brasserie des Anges, en Corrèze à Chamboulive. "D’habitude en vente directe dans ma boutique, je réalise 250 euros de recettes par semaine, en ce moment, c’est à peine 25 euros. J’ai comme client un restaurant à Collonges-la-Rouge qui écoule pour 700 euros de mes bières chaque mois, il est fermé, donc zéro revenu. Je fais un peu de livraisons à domicile, mais ce n’est pas très rentable, car c’est beaucoup de kilomètres pour quelques bouteilles", détaille celle qui a créé la bière "sœur Cristofora", du nom de cette religieuse qui vit à l’abbaye d’Aubazine.
La livraison, Gislain Mandon, s’y est mis dès le premier jour du confinement. Depuis 15 ans, il produit à Folles en Haute-Vienne, la Lémovice, une bière artisanale. "Dès le premier jour du confinement, on s’est tout de suite adapté pour livrer les particuliers. Cela marche bien" explique Gislain au téléphone alors qu’il est sur l'autoroute A 20 dans son fourgon pour sa tournée.
"Mais en ce moment, je ne réalise qu’un tiers de mon chiffre d’affaires habituel. C’est mieux que rien, mais ça ne fait que limiter la casse. Moi, je ne me suis pas payé depuis mars, et ce sera pareil pour avril. Heureusement, je vends un peu en grandes surfaces, mais sans les hôtels, les restaurants, les festivals, c’est très difficile".
A plus grande échelle, la brasserie Michard, installée à Limoges depuis plus de 30 ans, souffre elle aussi. "Entre mes deux sites, l’usine où je produis et le centre-ville, où en plus je faisais restauration, c’est très simple : 100 % de baisse, et sur la vente à emporter, 80 % en moins. On limite maintenant la casse avec un drive le samedi place Denis Dussoubs et le jeudi à Ester". Ses 16 employés sont en chômage partiel. Julie Michard est au four et au moulin.
En ce moment, je brasse pour sauver mes levures et pour avoir du stock pour après, pour la réouverture
Si la brasserie Michard est une institution depuis 1987, à Brive, La Banou, a été inaugurée deux mois avant la date fatidique du 16 mars. Deux jeunes ingénieurs de Paris, Eva Loffler et son compagnon Jean-Charles Bouhet, ont quitté la capitale pour se lancer dans la production et investir dans leur local avenue Maréchal Joffre.
"En plus, on avait créé un espace bar, donc ce n’est pas simple financièrement", raconte Eva. "On a mis en place du drive, de la livraison sur Brive et les alentours. Hier (mercredi 22 avril - n.d.l.r), on a livré des cartons pour 30 personnes, soit environ 360 bouteilles. Quand il fait beau, les commandes sont plus nombreuses. Ce qui est agréable, c’est ce que les gens sont solidaires et surtout, ils jouent la carte de la production locale, plutôt que la bière industrielle. On se fait connaître."
Au niveau national, le SNBI (syndicat national des brasseurs indépendants) a lancé un questionnaire auprès de ses adhérents, ils sont 6 en Limousin, pour connaître leurs besoins et les relayer au gouvernement. "Les micro-brasseries ne sont pas assimilées à des bars ou restaurants. Donc on espère bénéficier comme eux des mêmes aides. On a envoyé une pétition à nos députés. Ici, en Corrèze, Christophe Jerretie m’a appelé pour se renseigner. Cela m’a rassuré. Maintenant, on attend de voir ce qui sera décidé" explique Stéphanie Coulange.
Ce tissu économique de proximité, qui permet à des petites communes d’avoir des emplois, des activités, attend donc beaucoup du déconfinement (à consommer avec modération, pas le déconfinement, mais la bière… et sans attestation ! )