Acheter son billet de tram, de bus ou de métro directement sur son téléphone en évitant files d'attente et contacts avec des machines : de plus en plus de réseaux de transports publics veulent adopter la solution proposée par une start-up lancée par Romain Combe, un pur Corrézien.
"Tout a commencé parce que j'oubliais tout le temps ma carte de transport !" Avec humour, Romain Combe raconte comment une récurrente étourderie s'est transformée en vraie success-story. Nous sommes en 2017 à Bordeaux, Romain est étudiant à Epitech, une école d'informatique réputée. Avec deux copains de promo, Fabien Linardon et Rémi Hillairet, l'ancien élève du lycée D'Arsonval à Brive doit réaliser un projet de fin d'études pour valider son Master.Ce sera Witick, une application pour smartphone permettant de dématérialiser ses titres de transport. Un coup d'essai qui devient vite un coup de maître, puisque les trois amis ingénieurs gagnent un concours national d'innovation parmis une centaine de projets. A la clé, la possibilité d'évoluer gratuitement pendant un an dans deux incubateurs d'entreprises à Paris.
Romain, Fabien et Rémi signent un contrat avec Thalès et travaillent d'arrache-pied pour améliorer leur produit. Deux ans et demi de développement seront nécessaires, et en mai 2019 c'est la consécration : Witick est choisie par Bordeaux Métropole pour son réseau TBM (Transports Bordeaux Métropole). "Ils ont choisi notre petite start-up alors que des grosses entreprises étaient candidates", souligne fièrement Romain.
Une appli idéale à l'heure du Covid-19
Un an et quelques 120 000 téléchargements plus tard, les utilisateurs semblent séduits, à l'image de Grégory, qui monte dans le tram environ un jour sur deux. "C'est très pratique et ça marche super bien. L'appli est bien pensée, fluide, fiable et facile à utiliser", apprécie en connaisseur ce Bordelais lui aussi spécialiste en informatique.
Un gain de temps donc, et surtout des contacts en moins, de quoi attirer les regards de plusieurs villes, en France et à l'étranger. "Avec le coronavirus, les demandes ont explosé. Les réseaux veulent tous du sans-contact", confirme Romain Combe. Witick a donc embauché une personne supplémentaire pour l'instant, et devrait être opérationnelle sur une dizaine de réseaux en plus début 2021.Ca évite d'avoir à faire la queue devant le distributeur de tickets et de toucher la machine, en ce moment c'est précieux !
Le secret de Witick ? Le Bluetooth. "On a fait des tests avec d'autres technologies, NFC, QR code... Mais on était pas satisfait de l'expérience utilisateur, c'était soit trop compliqué pour l'usager, soit trop restrictifs pour les téléphones. On a donc opté pour le Bluetooth." L'installation de puces compatibles sur les bornes des trams ou des bus est comprise dans le package.
"Nous sommes les seuls à proposer un service fonctionnel avec cette technologie, disponible sur 100% des smartphones." La distance de validation est paramétrable à l'envie. Après avoir acheté son ticket virtuel via l'application téléchargée, il suffit donc d'approcher son téléphone à une vingtaine de centimètres d'une borne pour valider son trajet. En cas de contrôle, Witick génère un QR code que les agents peuvent scanner.
A l'heure actuelle, sur les quelques 300 000 validations quotidiennes à Bordeaux, 10 000 se font via l'application. "Au bout d'un an, c'est un bon chiffre", explique Jean-Marc Rouffet, directeur du service transport de Bordeaux Métropole. "Pour l'instant, Witick s'adresse surtout aux voyageurs occasionnels, en remplacement des tickets physique, dont la vente à bord est d'ailleurs interdite en ce moment. La seule difficulté, c'est de faire connaître cette formule, notamment aux non-Bordelais. En tout cas elle est clairement dans l'air du temps."
10 000 validations sur l'application, c'est autant de tickets imprimés en moins, et donc un plus pour la préservation de l'environnement. Et en réduisant l'engorgement souvent observé devant les machines de la gare St Jean par exemple, Witick réduit aussi la tentation de la fraude. "Avec notre système, on peut acheter son ticket chez soi avant de partir ou à n'importe quel moment, il n'y a donc plus d'excuses pour frauder", conclut Romain dans un clin d'oeil.
A 25 ans, le natif de Brive, lui-même fils d'entrepreneur, est donc actuellement en pleines négociations commerciales depuis son lieu de confinement en Corrèze. Petite start-up deviendra grande.