Un ex-professeur d'histoire corrézien a décidé de réaliser une expédition à vélo entre le camp d'internement de Gurs (Pyrénées Atlantiques) et le camp de concentration d'Auschwitz (Pologne). 3 000 kilomètres pour le devoir de mémoire.
Son vélo posé devant la stèle mémorielle, Fabien Devilliers prend la photo avec son téléphone. Avec son équipement de baroudeur, on pourrait le prendre pour un randonneur cyclo qui fait du tourisme. Ça n’est pas tout à fait le cas. Ce jeune Corrézien s’est lancé dans un périple : l’ Aventure Mémorielle . Une expédition de 3000 kilomètres, à vélo, à travers l’Europe pour le devoir de mémoire, autour de la Seconde Guerre Mondiale.
Il a pris le départ le 24 avril 2022, du camp d’internement de Gurs , dans les Pyrénées Atlantiques où il vit depuis 2 ans. Une date qui ne doit rien au hasard puisqu’il s’agit de celle de la Journée nationale des victimes de la déportation. Son objectif : rallier le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau (Pologne), en empruntant un itinéraire qui passera par plusieurs étapes importantes comme le village martyr d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), le Plateau des Glières , haut-lieu de la résistance (Haute-Savoie) et le Parlement Européen à Bruxelles .
Ce périple qui doit durer 3 mois. Fabien Devilliers a jonché son parcours sportif de points de passage là-aussi très précis : des lieux, moins connus, mais où des stèles et des monuments rappellent un événement de la Seconde Guerre Mondiale, comme sur ce bord de route, à Allassac : « En ce lieu le 1er juin 1944, le 2e bataillon des francs-tireurs et partisans, après avoir investi la ville et désarmé la gendarmerie, délivra 200 jeunes raflés pour le service du travail obligatoire et convoyés par fer vers l’Allemagne nazie »
A chaque arrêt, le jeune cycliste répète le même geste : prendre une photo afin d’alimenter son site internet et les réseaux sociaux :
A chaque fois que je vais dans des lieux où des événements historiques et importants se sont passés, j’aime bien les partager et expliquer ce qui s’est passé aux gens qui me suivent sur les réseaux.
Fabien Devilliers
Un projet qui vient de loin
A 27 ans, Fabien Devilliers a déjà eu plusieurs vies. Il a grandi en Corrèze, entre Brive et Allassac. Il a eu très tôt le sens de l’engagement : dès 7/8 ans, il entre au conseil municipal des jeunes d’Allassac. A 18 ans, il devient conseiller municipal de la commune, l’un des deux plus jeunes du Limousin.
Mon arrière-grand-mère paternelle, Fernande Geneste, avec qui j’ai passé une bonne partie de mon enfance a été maire à Allassac. Mon grand grand-père maternel était également secrétaire de mairie. Je pense que ça a forgé mon esprit citoyen. Pour moi la politique a toujours été le terrain des idées.
Ce sens de l’engagement ne le quittera jamais. A la fac (où il fait des études de Droit à Brive, puis Carrières Internationales à Clermont-Ferrand), il organise un voyage au tribunal international de la Haye pour ses camarades de promotion. Après son mémoire, il exerce comme professeur d’histoire-géographie au collège et en lycée professionnel à Brive. Mais il ne se retrouve pas dans la grosse machine de l’Education nationale et préfère partir au bout de quelques mois. En 2019, il devient chargé de projets au conseil départemental de la Creuse où il travaille sur des projets d’insertion : « Comme j’étais le jeune de la bande, on m’a donné le dossier du numérique ». Ça tombe bien, Fabien Devilliers a, en plus de sa passion pour l’histoire, le don du numérique. Il faut dire qu’il est tombé dedans quand il était petit : « Mon père était informaticien. Quand j’étais enfant, j’allais avec lui dans le garage bidouiller des ordinateurs ». C’est ainsi qu’il devient médiateur numérique. Il y a 2 ans, il s’installe à Pau et travaille comme coordinateur numérique pour des collectivités territoriales dans les Pyrénées Atlantiques.
Le déclic
Mais à 27 ans, après ce parcours fulgurent, le jeune homme ressent un découragement professionnel et cherche un nouveau souffle. Face aux dégâts du tout-numérique, aux idées noires, à l’avenir incertain, il décide en janvier dernier de quitter son poste de contractuel et de se lancer dans un projet qu'il avait en tête depuis des années : « l’Aventure Mémorielle ». Après quelques mois de préparation (site internet, préparation physique, matériel...), le parcours de dessine avec trois objectifs principaux :
- Collecter de l’argent pour UNICEF (à travers une cagnotte en ligne)
- Intervenir dans des écoles et auprès des jeunes pour parler du devoir de mémoire et de l’engagement citoyen
- Sensibiliser l’opinion publique à l’ importance du devoir de mémoire.
« Je suis un peu gêné par l’expression « devoir de mémoire » car cela implique une notion d’obligation", explique Fabien Devillier. Mais il sait aussi que la connaissance de l'histoire est fondamentale.
L'Histoire nous permet de savoir qui nous sommes et sa mémoire nous permet de trouver l’inspiration pour régler les problèmes d'aujourd’hui.
D’où son choix de soutenir UNICEF. Face au réchauffement climatique, à la guerre et autres incertitudes actuelles, Fabien Devilliers refuse les discours pessimistes et souhaite aller de l’avant, notamment en partageant sa passion de l’Histoire auprès des jeunes.
Nous, les jeunes, on a un devoir. Celui de tout changer pour que tout soit meilleur.
A 27 ans, cette « Aventure Mémorielle » est aussi une quête personnelle : « J’espère repartir sur de bonnes bases. Rebondir et choisir ce que je veux faire de ma vie», conclut Fabien Devilliers. Pourquoi pas rédiger un livre de son périple plus tard ? Rien d’obligé. Le jeune Corrézien n'a pas d'objectif précis. Simplement réaliser son périple mémoriel.