C'est une réouverture "a minima" dénoncée par les syndicats et les usagers. Ces derniers jours, la liaison de nuit rouverte il y a moins d'un mois a dû être interrompue entre Aurillac et Brive, obligeant les passagers à emprunter des autocars sur cette distance.
C’était le 10 décembre dernier. Clément Beaune, ministre des Transports, inaugurait en grande pompe sur le quai de la gare d’Austerlitz le train de nuit Paris-Aurillac, fermé vingt ans plus tôt.
Moins d’un mois plus tard, cette ligne est déjà sur le point de dérailler. Pannes à répétition, allers-retours supprimés... "Le parc de locomotives d’Intercités a subi de gros dégâts depuis la fin de l’année dernière, notamment à cause de la tempête de novembre et également à cause des heurts avec du gibier qui ont fortement endommagé un certain nombre de locomotives.", se justifie un porte-parole de la SNCF.
Ces derniers jours, la liaison a même dû être interrompue entre Aurillac et Brive, obligeant les passagers à emprunter des autocars sur cette distance… soit près de 100 km.
La raison invoquée cette fois par la SNCF : un “manque de locomotives thermiques”. Des locomotives à moteur diesel sont en effet nécessaires sur cette portion qui n’est pas électrifiée.
Pour le collectif "Oui au train de nuit", qui milite pour la multiplication de ces dessertes nocturnes, ces déboires démontrent "un manque de moyens pour que ces trains de nuit puissent rouler dans de bonnes conditions. L'État a fait les choses a minima".
Aujourd’hui; les trains couchettes ont plus de quarante ans, les locomotives sont hors d’âge. Il est urgent de commander du matériel neuf.
Nicolas Foriendu collectif "Oui au train de nuit"
Des passagers au rendez-vous, mais pas assez de moyens
La promesse était pourtant ambitieuse : proposer un aller-retour tous les jours de vacances scolaires, ainsi que le vendredi et le dimanche en dehors de ces périodes. Depuis le lancement de cette nouvelle offre, 2200 voyageurs ont sauté le pas. Plus de six places sur dix étaient en moyenne occupées. Des débuts très encourageants. Un mois plus tard, force est de constater que le service n'est pas à la hauteur des attentes.
Des déboires que Franck Arrivé, cheminot et représentant CGT à Brive, a vu arriver de loin. "On ne découvre pas sur Aurillac les dysfonctionnements qui existaient déjà sur la partie Rodez. Considérer que quand on n’arrive pas à faire une desserte, on peut en faire deux, alors qu'il faudrait le double de moyens…", poursuit le syndicaliste, qui avance une autre raison au manque de locomotives disponibles : leur maintenance est réalisée à Bordeaux, nécessitant selon lui deux à trois jours d'immobilisation. "C’est comme si vous achetiez une voiture et que votre garage se trouvait à 250 kilomètres de chez vous..."
Au-delà de ces problèmes d'entretien, le parc serait aujourd'hui largement insuffisant pour faire face à l'ouverture des six nouvelles lignes annoncées par Clément Beaune début décembre. "Tout tourne à flux tendu et dès qu’une machine est indisponible, la seule possibilité, c’est de supprimer le train.", désespère Franck Arrivé.
Et pendant ce temps-là...
Une situation qui a des répercussions sur l'autre ligne qui transite par Brive : le train de nuit Paris-Rodez, qui lui, n'a jamais fermé. Laurent Mazet, un usager régulier, recense le nombre de trains supprimés : 62 depuis juillet 2023. "Il y a une priorité qui a été donnée au Paris-Aurillac, donc le Rodez a dû être supprimé à plusieurs reprises pendant les fêtes", explique la CGT Cheminots.
Les usagers déplorent également le rallongement de la durée du trajet. Il faut douze heures pour faire un Paris-Aurillac. "Les horaires sont très dégradés par rapport à ce qu’on avait avant. On part à 19 h 30 de Paris, alors qu’auparavant le Paris-Rodez partait à 23 heures de Paris, ce qui était beaucoup plus attractif.", note Nicolas Forien, du collectif "Oui au train de nuit".
De son côté, la SNCF assure faire son "maximum" pour satisfaire les voyageurs. 129 voitures ont été rénovées, pour un peu plus de 90 millions d'euros dans le cadre de France Relance. "On doit encore tenir avec ces trains jusqu’à la commande de trains neufs, dont on attend toujours les contours.", avance la SNCF. Le 10 décembre, Clément Beaune a en effet annoncé la commande de 150 nouveaux trains de nuit. "SNCF Voyageurs conjugue avec le matériel actuel et fait son maximum pour permettre cette liaison, bien qu’elle soit consciente que les conditions ne sont pas optimales pour le moment.", finit par reconnaître l'opérateur.
La situation ne devrait pas aller en s'arrangeant dans les semaines à venir. Mais cette fois, ce ne sera pas uniquement en raison du manque de locomotives… mais à cause des travaux prévus de longue date sur la ligne POLT, entre La Souterraine et Uzerche, qui débuteront le 29 janvier prochain. Là encore, des autocars de substitution devraient être mis en place. De quoi faire préférer leur voiture à ceux qui hésitaient encore avec le train de nuit...