Corrèze : à Eygurande, la routine sous haute sécurité des patients de l’Unité pour malades difficiles

En France, il n’existe que dix Unités pour malades difficiles (UMD) : des établissements psychiatriques hautement sécurisés pour les patients dangereux, qui n’ont pas leur place en prison. En Corrèze, celle d’Eygurande a ouvert ses portes à notre équipe.
 

Ils sont quarante, quarante hommes âgés de 20 à 45 ans, internés à l’UMD (unité pour malades difficiles) d’Eygurande, en Corrèze, dans un ancien monastère au cœur de la forêt, reconverti en établissement spécialisé. Parce qu’ils sont trop dangereux, pour les autres mais aussi pour eux-mêmes, ils ne peuvent être ni en prison, ni dans un hôpital psychiatrique classique.

Ici, les murs et les portes sont renforcés, les fenêtres sont équipées de barreaux, les placards sont verrouillés et les lits sont fixés au sol. Sécurité et vigilance sont les maîtres-mots, dès 7h du matin, quand les patients se réveillent. Ce sont les infirmiers qui gèrent tout depuis l’extérieur : l’ouverture de la porte, la lumière, l’eau… Au moment des repas notamment, ils veillent au moindre détail, attentifs au nombre de couverts qu’ils récupèrent : "Pour qu’ils évitent de se faire du mal et qu’ils évitent de nous faire du mal", souligne ainsi Gaël.

Les patients souffrent de schizophrénie, paranoïa, psychoses délirantes ou hallucinations. Tous sont très violents, et les précautions prises n’empêchent pas toujours les incidents, comme le raconte Thomas, infirmier, à propos de Farid, l’un des patients : "La semaine dernière, il s'est arraché des dents, trois dans la même journée, avec ses mains, son oreiller, même la couverture".
 

Prévenir les crises


Dans l’ensemble, la plupart des journées se déroulent dans le calme, et la cohabitation entre les patients se passe plutôt bien. En grande partie grâce à l'équipe soignante, qui parvient à désamorcer rapidement les crises. Dans cette unité, il y a un infirmier pour quatre malades, un ratio bien supérieur aux hôpitaux classiques. Aubin partage le quotidien des malades depuis trois ans, discute et parfois même plaisante avec eux. Mais sans jamais baisser sa garde. Il y a quelques mois, un patient a cassé le nez de l'un de ses collègues.
 

On fait attention aux moindres changements, on accorde de l’importance aux moindres nouveautés pour prévenir les crises qui peuvent survenir. On est tout le temps en alerte.


Rap et randonnée


Dans cet univers très cloisonné, il existe aussi des espaces de détente, comme l’espace social où les patients se rendent une fois par mois. Ils peuvent y peindre, dessiner, jouer, chanter aussi, comme Luc et Guylain, qui ont écrit un rap en quelques heures. "Ça me fait du bien quand je chante, ça me calme les nerfs. Plus j’écris et plus ma mémoire se remet en place et plus je raisonne mieux", explique le premier, âgé de 31 ans.

Certains peuvent même sortir de l’enceinte. C’est le cas de Faisal, autorisé à partir en randonnée, et même à aller à la piscine et au restaurant. Un vrai moment de respiration pour cet homme de 29 ans, enfermé à Eygurande depuis plus d’un an, mais aussi un moyen d’évaluer son comportement hors de l’établissement. Il déclare :
 

J'aimerais être à l'extérieur, mais j'ai fait des choses qu’il ne fallait pas. C’est ça qui m’a amené ici, donc il faut savoir assumer ses actes.

 


"Je n'ai plus de pensées sataniques"


Ludovic, lui, pourrait quitter l'UMD avant la fin de l'année, pour retrouver un service de psychiatrie traditionnel. Cela fait six mois qu’il est ici. Avant cela, il a passé cinq ans en prison, pour avoir tué son père violent. Puis il a été diagnostiqué schizophrène. Aujourd’hui, il dit aller mieux : "Je n’ai plus de pensées sataniques, ça ne parle plus dans ma tête. J’ai envie de rentrer chez moi au plus vite", confie-t-il.
 

Je n’ai plus cette voix dans ma tête qui me disait "Ludovic, prend un couteau, prend un fusil, massacre du monde". Avant j’entendais ça dans ma tête, elle me disait "fais couler le sang pour Satan". Maintenant c'est fini, j'entends plus tout ça !


Après leur passage à l’UMD, certains patients parviendront à réintégrer la société. C’est ce que souhaite Florian, 23 ans, qui a pour projet d’intégrer un ESAT pour devenir paysagiste.

"Une partie de notre patientèle qui a fait des choses très graves ne récidive pas, note Arnaud De Jesus, médecin psychiatre. Ils présentent moins de risques de récidiver que des schizophrènes lambda, probablement parce qu’on est beaucoup plus attentifs."

Un séjour en UMD dure au minimum 6 mois, mais il arrive que certains malades y passent toute leur vie. Restant même parfois en isolement des mois, voire des années.


Le reportage en deux épisodes de Gaëlle Fauquembergue, Pierre Gauthier et Marina Fillon :
 


 


 En 2014, les 10 UMD de France accueillaient environ 530 patients, dont une quarantaine de femmes.

C’est par décision préfectorale, sur la base d’un certificat médical, que l’admission en UMD se fait. L’hospitalisation doit permettre de prendre en charge l'agressivité du patient afin de l'amener à modifier son mode relationnel à l'autre, pour qu'il puisse retourner dans son service d'origine. Tous les six mois, le dossier du patient est suivi par une Commission. La sortie de l’UMD est également décidée par arrêté du préfet, toujours sur avis des médecins.
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