Le 6 avril 1944, la division Brehmer des nazis, constituée pour détruire les foyers de résistance des maquis du Centre et de l’Ouest du Limousin et chasser les Juifs, remontait du Périgord et s’arrêtait dans le petit village de Tarnac en Haute-Corrèze, faisant des victimes, fusillés ou déportés. 80 ans après, les familles étaient réunies pour commémorer ces événements.
"N’oublions jamais". Ce sont les mots inscrits sur la stèle inaugurée ce samedi 6 avril 2024, 80 ans après que la barbarie nazie a fait des victimes dans le petit village de Tarnac. Au-dessus, les noms des victimes y sont gravés pour toujours. Pourtant, jusqu’à il y a peu, seules quatre d’entre elles étaient connues de la mémoire collective : quatre hommes fusillés le soir même par les soldats allemands. Parmi leurs descendants, certains vivent aux Etats-Unis, en Israël et même en Australie.
Il y a encore quatre semaines, je n’avais jamais entendu parler de Tarnac. J’ai reçu un e-mail de Pierre Chauvot (adjoint au maire de Tarnac, NDLR). Il m’a expliqué que mon grand-père a été tué ici par les nazis en 1944. On pensait qu’il avait été tué autre part.
Benny Maier,Petit-fils d'un fusillé de Tarnac
Des victimes identifiées récemment
Et quelques semaines plus tard, voilà Benny Maier venu de Melbourne à Tarnac pour commémorer la mémoire de son ancêtre. Tout un pan de l’histoire du village lors de ce funeste jour a été découvert par Pierre Chauvot, l’adjoint au maire de la commune. Il y a neuf ans, lors de la libération des archives du camp d’Auschwitz – Birkenau, il reçoit en mairie l’acte de décès d’un tout jeune enfant de 2 ans, Charles Blustein, décédé le 2 mai 1944.
Cette pièce qui aurait pu être traitée de manière purement administrative, j’ai décidé d’aller plus loin parce que ça m’interrogeait énormément. Et j’ai gratté...
Pierre Chauvot, adjoint au maire de Tarnac
Le Tarnacois mène une série de recherches et découvre que quatre femmes et un enfant, le petit Charles, ont été interpellés ce jour-là puis sont partis avec le convoi 72, le 29 avril 1944, en direction du camp d’extermination d’Auschwitz.
Depuis cette découverte, Pierre Chauvot s’est mis en tête de retrouver l’ensemble des familles des neuf victimes et de les réunir. Une quête qu’il a pu mener à son terme et qui a abouti à une invitation à cette commémoration.
La plupart des familles ignoraient les conditions dans lesquelles leurs aïeux avaient perdu la vie. C’est le cas des Silberman venus de New York.
On ne savait rien de l’histoire de notre grand-mère, on pensait qu’elle était morte lors de l’holocauste en Pologne. C’est si important pour nous d’en apprendre un petit plus sur notre famille.
Jeremy SilbermanPetit-fils d'une déportée de Tarnac
Des échanges et du recueillement
Pour ces familles, découvrir les lieux foulés des décennies auparavant par leurs ancêtres représente presque un cadeau inespéré. "Tarnac est un si joli endroit, je peux essayer d’imaginer ce que notre famille a aimé ici. Cela permet de replacer l’histoire de notre famille dans un contexte, et c’est réconfortant de savoir que les gens ici se rappellent de lui. C’est très gratifiant, cela montre la bonne partie dans l’humain, particulièrement quand le monde est dans cet état si mouvementé" analyse Benny Maier.
Tous ont pu échanger, commémorer et se recueillir ce 6 avril. Les familles ont notamment assisté à l’inauguration de la stèle désormais érigée à Tarnac, visiter l’exposition consacrée au 6 avril 1944 et partager leurs histoires. Une journée chargée d’émotions où les descendants des victimes ont pu éclaircir ce pan de leur histoire commune.
Ils ont porté ce deuil sans vraiment pouvoir s’y accrocher, et là tout à coup, ils peuvent le situer quelque part, le comprendre. C’est un mystère qui a certainement dû les obséder, obséder leur famille depuis 80 ans.
Danièle NyitraiRéfugiée à Tarnac pendant la Seconde Guerre Mondiale
Réhumaniser ces personnes oubliées pendant 70 ans
La municipalité avait à cœur de faire son devoir de mémoire, de faire la lumière sur l’histoire, aussi douloureuse soit-elle, de son passé.
Cette journée-là, c’est pour moi, pour nous, pour le conseil municipal de Tarnac, une façon de réhumaniser des personnes qui ont été oubliées pendant 70 ans, leur redonner leur identité alors qu’elles ont malheureusement disparu en fumée.
Pierre ChauvotAdjoint au maire de Tarnac
Ces neuf identités retrouvées ont désormais pris leur juste place dans la commune de Tarnac, gravées désormais dans le granit de l’histoire.