La saisie de colis de stupéfiants livrés par drone dans la prison d'Uzerche, en Corrèze, en janvier dernier, a donné lieu à une vaste enquête judiciaire. En ce début décembre, un réseau de trafiquants a été démantelé. Le procès se déroulera le 1ᵉʳ février 2024 à Tulle. De plus en plus fréquente pour accéder aux lieux de détention, l'utilisation des drones inquiète.
Huit personnes ont été interpellées en début de semaine par les gendarmes de la section de recherche de Limoges et du groupement de la Corrèze, lors d'une opération judiciaire conduite en région parisienne et dans les Hauts-de-France.
Une enquête diligentée par le parquet de Tulle après la découverte, en janvier 2023 dans la prison d'Uzerche (Corrèze), de "plusieurs colis largués au moyen de drones" contenant notamment des stupéfiants et des smartphones, indique le procureur dans un communiqué.
Les investigations ont permis d'établir l'existence depuis l'automne 2022 d'une "association de malfaiteurs structurée", dont "la tête de l'organisation" centralisait les commandes via un compte sur le réseau social Snapchat intitulé "drone2france".
Des livraisons dans une quinzaine de prisons
L'enquête a permis d'établir "un total de 92 livraisons entre octobre 2022 et avril 2023" sur l'ensemble du territoire national, nous précise ce 8 décembre la vice-procureur du parquet de Tulle, Myriam Soria.
Les prisons d'Uzerche (Corrèze), Saint-Mihiel (Meuse), Metz (Moselle) Vivonne (Vienne), Fresnes (Val-de-Marne), Epinal (Vosges), Bois-d'Arcy (Yvelines), Tarbes (Hautes-Pyrénées), Châteauroux (Indre), Châteaudun (Eure-et-Loir), Varennes-Le-Grand (Saône-et-Loire), Toulon (Var), Tarascon (Bouches-du-Rhône), Luynes (Bouches-du-Rhône) et Draguignan (Var) auraient notamment été approvisionnées, de même que des établissements belges.
Le drone, nouveau mode de trafic inquiétant
La vice-procureur constate que "le drone est une nouvelle modalité de trafic pour faire rentrer des objets de façon illégale en détention". Elle précise que c'est le troisième dossier de ce type qui va être jugé pour des faits constatés au centre de détention d'Uzerche. Un autre concernait la maison d'arrêt de Tulle en mai 2023. Le 21 novembre dernier, trois personnes étaient interpellées, suspectées d'avoir organisé des livraisons par drone pour des détenus du Centre pénitentiaire de Gradignan.
L'un des drones utilisés pour livrer le centre de Gradignan :
Une recrudescence de ce mode de trafic qui inquiète la vice-procureur de Tulle : "Le centre de détention d'Uzerche est équipé de système anti-drone, explique-t-elle, mais les trafiquants arrivent à modifier la fréquence de leur drone pour contourner ce système".
350g, c'est lourd. C'étaient des stupéfiants et des smartphones, mais ça pourrait être des armes.
Myriam SoriaVice-procureur de Tulle
Dans l'affaire en cours, chaque colis pesait 350g. Et chaque livraison comportait au minimum quatre colis. "Ça interroge sur les modalités de surveillance des lieux de détention, et sur la sécurité", précise Myriam Soria.
Téléphone et stupéfiants, garants de la paix sociale ?
En octobre dernier, deux surveillants pénitentiaires de la prison de Gradignan témoignaient de l'univers carcéral profondément abimé qui est leur environnement quotidien, et celui des détenus. Surpopulation carcérale, insalubrité des locaux, conditions de détention indignes, manque de personnel, dans ces conditions, impossible de procéder aux fouilles des cellules qui seraient nécessaires pour supprimer tous les produits interdits qui sont introduits dans les prisons, par drone ou par d'autres moyens.
"L'administration n'aime pas quand on dit ça, mais dans la réalité des faits, on achète la paix sociale, affirme Hubert Gratraud, surveillant pénitentiaire. "Déjà, quand on a des problèmes de livraison de tabac, ils sont dans l'agressivité. Imaginez un peu ce que ça peut devenir si demain, on met une cloche sur la prison, c'est-à-dire plus de portable et plus de stup. Là, je peux vous dire que vous mettez le feu. Tout simplement."
Vous avez des gens qui, à l'extérieur, vont fumer peut-être une dizaine de joints par jour, ou qui vont se piquer à l'héroïne et autres. Si ces gens-là n'ont pas un minimum de choses pour les calmer, tous les jours, vous allez à la bagarre.
Hubert GrataudSurveillant pénitentiaire à la prison de Gradignan (le 5 octobre 2023)
Un procès le 1ᵉʳ février 2024
Dans son témoignage, Hubert Grataud précisait bien que, paix sociale ou pas, quand des produits illicites étaient découverts, des procédures étaient engagées.
Cette fois, à l'issue de la garde à vue des huit personnes interpellées en début de semaine, cinq personnes, quatre hommes et une femme, tous déjà condamnés pour d'autres faits, comparaîtront le 1ᵉʳ février à Tulle.
Ils sont poursuivis pour trafic de stupéfiants, remise illicite d'objets à détenus, survol de zones interdites et blanchiment, faits passibles de dix ans d'emprisonnement.
Les trois principaux mis en cause ont été placés en détention provisoire en attendant le procès.