L'hôpital de Tulle condamné à indemniser à vie un patient victime d'un AVC

Le tribunal administratif de Limoges vient de condamner le centre hospitalier de Tulle et son assurance à verser plus d'un million d'euros et une rente à vie à un patient victime d'un AVC après un défaut de prise en charge aux urgences en 2016. De telles condamnations ne sont pas exceptionnelles.

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Les faits se sont déroulés en mai 2016. Victime de troubles oculaires et de céphalées, un ancien mécanicien corrézien - alors âgé de 27 ans - se rend d'abord à l'hôpital d'Ussel, d'où il est renvoyé chez lui avec un simple diagnostic de sinusite.


Une semaine plus tard, après de nouveaux symptômes plus inquiétants, son médecin généraliste l'oriente vers les urgences de Tulle pour une IRM cérébrale... qu'il ne passera jamais malgré de longues heures d'attente, le service estimant que l'examen n'était pas urgent. Le lendemain, chez lui, il est victime d'un AVC qui le laisse hémiplégique.

Sept ans après, le 25 avril dernier, le tribunal administratif de Limoges rend son délibéré : le centre hospitalier de Tulle et son assureur sont condamnés à verser à la victime un capital de 1 013 765€ (dont 200 000€ ont déjà été perçus) en "réparation des préjudices subis", ainsi qu'une rente annuelle de 48 204 € à vie au titre du "besoin d'assistance" et une autre rente mensuelle de 5 000 € au titre de la "perte de gains professionnels futurs".


À noter que la responsabilité de l'hôpital d'Ussel n'a pas été reconnue dans le délibéré.

Une condamnation exceptionnelle ?

Les montants de l'indemnisation peuvent paraître importants, mais pourtant, selon l'avocate de la victime, Me Anne-Laure Godet, spécialisée en dommages corporels à Toulouse, cette condamnation n'a rien d'exceptionnel.

Il y a une faute avérée de la part de l'hôpital de Tulle. Le montant de l'indemnisation correspond au préjudice subi, qui est très important. Mon client est paralysé et aura besoin de l'aide d'une tierce personne à vie, il ne peut plus travailler.

Me Anne-Claire Godet

Avocate de la victime

Dans ce dossier, les experts parisiens ont estimé les souffrances endurées par la victime à 6 sur une échelle de 7, et ont évoqué une perte de chance considérable. La prescription d'une simple aspirine au patient lors de son passage aux urgences aurait permis de réduire de 95% le risque d'AVC. 
C'est ce pourcentage de 95% pour a été pris en compte pour le calcul de l'indemnisation, d'où les montants importants.

Ce type de condamnation n'est pas inédite. En août 2022, le centre hospitalier de Morlaix, en Bretagne, a été condamné à verser près de 3 millions d'euros après des complications lors de deux accouchements, ayant provoqué le handicap de l'enfant ou celui de la maman.

Elle est toutefois largement supérieure au montant moyen des condamnations : 300 000€, selon la SHAM (Société hospitalière d'assurances mutuelles), l'assureur des hôpitaux publics, qui dresse chaque année un bilan de la responsabilité civile en établissements de soins.


Selon les derniers chiffres disponibles, en 2019, 12 800 réclamations avaient été effectuées dans les hôpitaux en France. 60% avaient abouti à des condamnations pour un coût global de 224 millions d'euros. Seulement 30 dossiers avaient fait l'objet d'indemnisations supérieures à un million d'euros (dont un avait atteint 9 millions d'euros).

"Dans le droit du dommage corporel, il faut replacer la victime dans la situation dans laquelle elle était avant l'accident. Quelle indemnisation peut lui donner accès à une vie équivalente ?", résume Me Goget.

Des condamnations peu nombreuses

Selon Me Godet, peu d'actions en justice engageant la responsabilité d'un hôpital aboutissent : "La route est longue, c'est compliqué. Il faut vraiment que la faute soit évidente. Dans le cas de Tulle, la faute était grossière... Il n'est pas rare d'obtenir gain de cause, mais ce n'est pas fréquent".

Quant à obtenir des données chiffrées sur le nombre de réclamations et condamnations dans les établissements du Limousin, c'est très compliqué. "Nous ne communiquons pas sur les EIG (événements indésirables graves - ndlr)", nous répond l'Agence Régionale de Santé.

Contacté, Patrick Charpentier, le président de la commission des usagers du CHU de Limoges, nous donne une indication : 250 à 300 réclamations sont effectuées chaque année dans l'établissement. Un chiffre à mettre en perspective : "Cela représente 0,05% des passages au CHU", souligne-t-il, en précisant que "15% environ de ces réclamations font l'objet d'une saisine en commission conciliation et indemnisation".

Patrick Charpentier déplore que le parcours de réclamation ne soit pas suffisamment connu des usagers : "Beaucoup ignorent que chaque établissement de santé a des représentants des usagers, qui peuvent être saisis pour régler certains problèmes et éviter une plainte".

L'association d'usagers France Asso Santé peut orienter les patients vers des relais locaux.

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