"On est tous émotionnellement épuisés, on ne dort pas la nuit" : la détresse des assistants familiaux en Corrèze

Ces agents - aussi appelés "familles d'accueil" - prennent en charge les enfants placés par les services sociaux ou les magistrats. Pour la première fois en Corrèze, ces assistants familiaux ont décidé de manifester à Tulle, ce 2 avril, devant le conseil départemental, pour dénoncer un manque de considération de leur direction.

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Leurs conditions de travail se dégradant petit à petit, ils ont décidé de manifester pour la première fois ce mardi à Tulle. Les assistants familiaux de Corrèze se sont mobilisés devant le conseil départemental, afin de dénoncer "le manque de considération" de leur direction envers leur fonction.

Employées par le Département, ces familles d'accueil sont chargées d'héberger et prendre soin des enfants placés par les services sociaux ou la protection judiciaire à la jeunesse (PJJ). Ils sont 166 en Corrèze. Devant le siège départemental sur les hauteurs de Tulle, le cortège a sorti les klaxons pour fait le plus de bruit possible.

Les "informations préoccupantes"

"On manifeste pour se faire entendre. Énormément de nos collègues sont en dépression, sont fatigués. Ce n'est plus possible de continuer ainsi, on ne peut pas continuer dans ces conditions, on a besoin de vacances, on a besoin d'être entendus, soutient Gilles Dericq, assistant familial, représentant du personnel et l'un des instigateurs de la manifestation tulliste. Nos sommes pris par les informations préoccupantes régulièrement, une à deux par semaine."

Une "information préoccupante", qu'est-ce que c'est ? "Ça peut être une école, un hôpital, un médecin, qui fait un signalement parce qu'un enfant aurait été tapé par sa famille d'accueil. Aujourd'hui, on a l'impression que ces IP pleuvent et qu'elles ne sont pas triées, c'est ça qui est inquiétant, glisse Nadège Mendès, assistante familiale. J'ai reçu une IP le 7 octobre d'un collègue, je n'ai aucune information ce 2 avril, et il faut savoir qu'une IP reste sans suite après quatre mois."

On est tous émotionnellement épuisés, on ne dort pas la nuit et les journées sont dures, on doit travailler avec des enfants qui ont des rêves, des projets, et qui n'ont rien demandé. Ils entendent ce qui se passe, quand on ne va pas bien, ils ne vont pas bien.

Nadège Mendès

assistante familiale

Pourquoi manifester maintenant ? "Il y a eu un premier déclic : on a eu une collègue au bout du trou, en dépression nerveuse et limite suicidaire, qui a déposé ses agréments. Lorsqu'elle l'a fait, la hiérarchie l'a un peu menée en bateau. Au final, tout s'est heureusement bien terminé pour elle. Le deuxième déclic, c'est notre doyenne de 73 ans, à qui on a demandé de s'occuper des enfants gracieusement, qu'on refusait de rémunérer."

Une prise en charge globale

De son côté, le département assure qu'il réalise tout ce qui est en son pouvoir. "Ce que disent les présidents de départements depuis plusieurs années, (...) c'est que la protection de l'enfance nécessite un accompagnement pluridisciplinaire, insiste Franck Paulhe, directeur général des services de Corrèze. Il y a l'accueil, qu'assurent le département et les assistants familiaux, mais aussi l'accompagnement médical, psychiatrique. Et ça fait partie des manques les plus aigus, car les situations sont de plus en plus complexes."

On a besoin de pédopsychiatres évidemment, on en a très peu, on en a quasiment plus du tout. Et on a besoin de temps d'accueil pour l'ensemble de nos enfants. Après, on accompagne ces professionnels [les assistants familiaux, NDLR] comme tous les salariés du département s'ils rencontrent des difficultés.

Franck Paulhe

Directeur général des services de Corrèze

Quid d'une revalorisation des salaires demandée par les familles d'accueil ? "La rémunération des assistants familiaux, elle a été revalorisée avec la loi Taquet il y a deux ans. Elle se fait en fonction de l'accueil et est proportionnelle au nombre d'enfants accueillis (...). Ce que j'attends aujourd'hui, c'est avant tout une amélioration de l'accompagnement des professionnels et pas particulièrement une revalorisation."

"Nos assistants familiaux sont ici à cause d'un sujet, celui des informations préoccupantes, qui les touche directement puisqu'ils accueillent les enfants, comprend Franck Paulhe. C'est sujet dont la prise en compte doit être améliorée." Les assistants familiaux de Corrèze attendent du directeur qu'il les reçoive, ce qui sera chose faite ce vendredi 5 avril.

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