Le département de la Corrèze est le premier producteur en France de veaux sous la mère. Le veau fermier, une tradition, mais qui rencontre des difficultés. Le nombre de veaux produits diminue d'année en année, et certains éleveurs arrêtent leur production.
Comme un rituel, deux fois par jour. Tôt le matin, 6 h 15 et en fin d’après-midi, Franck Deltéral mène ses veaux à la tétée. Sur le territoire d’Objat, c’est une tradition et dans sa famille aussi, son père et son grand-père avant lui élevaient déjà des veaux sous la mère.
"On remplit les biberons pour complémenter les veaux. Les mères sont des génisses et elles n'ont pas trop de lait. On complémente avec une poudre de lait reconstitué" explique l'éleveur en remplissant des seaux munis de tétines.
Une production certes contraignante, mais rémunératrice, sauf que ces dernières années, s’est greffée l’augmentation du prix de la poudre de lait.
"C’est un peu le problème depuis un ou deux ans. On est passés de 1700 euros la tonne à 3 800. Là, ça rebaisse un petit peu, on serait aujourd'hui autour des 3400 euros la tonne. C'est vrai que c'est problématique et que ça engendre des charges supplémentaires".
En 2022, en Corrèze, la production de veaux sous la mère a baissé de 11%. Certains éleveurs ont arrêté leur activité, à cause de la hausse des charges, mais aussi pour d’autres de leur âge.
"Beaucoup d'éleveurs arrivent à l'âge de la retraite et ne trouvent pas forcément de jeunes à installer à leur place et dans ce cas-là, les terres vont au voisin le plus proche qui va s'agrandir. L'éleveur qui est tout seul qui fait du veau sous la mère, s'il récupère la surface, il peut faire des broutards à la place, c'est moins contraignant en main d'œuvre. Il n'a pas l'astreinte de la tétée matin et soir", constate Franck Terrieux, président du CIVO (comité interprofessionnel du veau sous la mère).
Cet abattoir de Brive est spécialisé dans les labels de qualité. Il y a deux ans, 80 veaux sous la mère étaient abattus chaque semaine, contre 50 aujourd’hui.
Signe de la baisse de la production, les bouchers sont aussi moins demandeurs.
"Avant, ils prenaient un veau, voir un veau et demi pour la semaine, maintenant, ils en prennent un demi. Dès fois, c'est même un demi veau tous les dix jours. Actuellement les veaux sont très chers et les gens, malheureusement, n'ont pas les moyens de payer du veau" regrette Jean-François Guillou, responsable veaux sous la mère pour la société d'abattage de Brive.
Dans quelques jours, ces broutards prendront la route de l’Italie pour l’engraissement. Nés cet été, ils étaient destinés au marché du veau sous la mère, mais en août, Christophe Santos a définitivement mis un terme à cette activité. Plus assez rentable.
"On aurait pu continuer, mais c'était vendre un veau à 1400, 1300 euros. Aujourd'hui, pour 100 euros de moins, vous vendez des veaux d'Italie, vous avez moins de travail et moins d'intrants, pas de poudre de lait. Reste l'aliment à acheter, mais le coût de production n'est pas du tout le même" confie, amer, Christophe Santos, éleveur de veaux sous la mère jusqu'en août 2022.
Une décision prise à contre cœur. Pendant plusieurs mois, l’éleveur a été routier pour assurer un revenu à son foyer, mais un choix nécessaire, à cause d’un avenir qu’il jugeait trop incertain pour son exploitation.