Le médecin du petit Gabin, 22 mois, mort le 7 juin 2013 à Aubusson à la suite de privation de soins et de nourriture, comparaît devant le tribunal correctionnel de Guéret jeudi 4 juin 2020. Il est poursuivi pour non-assistance à personne en péril. Jugement mis en délibéré au 2 juillet.
Quelques mois après la condamnation des parents du petit Gabin à 17 ans de réclusion criminelle, jugés coupables de la mort de leur enfant, décédé à l'âge de 22 mois, privé de soins et de nourriture, c'est au tour du médecin généraliste qui avait suivi et vu 7 fois l'enfant de comparaître devant la justice.
Il est reproché à Jean-Louis V. de n’avoir ni accompagné, ni signalé le cas du petit Gabin victime de maltraitances. Il est donc poursuivi pour non-assistance à personne en péril et encourt 7 ans de prison.
« J’ai vu un enfant chétif oui, mais absolument pas l’enfant que vous me décrivez à son décès» soutient le médecin de famille «sinon pourquoi n’aurais-je rien fait ? » avait-il dit au procès d’assises, tout en reconnaissant à la fin de son audition, une erreur évidente de diagnostic puisque la mort est intervenue
Mais pour être punissable, le défaut d’assistance doit être intentionnel et le danger être grave et imminent, c’est tout l’enjeu de ce procès.
L'association l'Enfant Bleu, partie civile, explique que "les médecins généralistes et pédiatres ont un rôle majeur et primordial en matière de protection de l'enfance".
Dans ses premières années, un enfant peut être amené jusqu'à 20 fois en consultation ! Les professionnels de santé sont donc en première ligne pour constater, de manière scientifique et clinique, les signes d'une maltraitance ou le défaut de soins. Or, seuls 5% des signalements sont le fait de professionnels de santé. Sans doute par crainte de poursuites et de sanctions en cas de signalement pour maltraitance infantile non avérée. Pourtant, la loi est intervenue en leur faveur puisque les médecins sont déliés du secret médical lorsque leurs patients victimes de sévices sont mineurs.
Association l'Enfant Bleu, partie civile
L'association appelle le Conseil National de l'Ordre des Médecins à faire valoir le principe de précaution auprès de tous ses professionnels.
Le tribunal correctionnel de Guéret devra notamment déterminer si l'enfant était en danger imminent, lorsque 6 semaines avant sa mort, le médecin de famille l'a examiné une dernière fois à l'occasion d'une rhinite. L'enfant avait alors le coeur et les reins d'un bébé de 6 mois.
La justice devra également déterminer si le défaut d'assistance était intentionnel.
Les parents de Gabin, parties civiles, entendus par visioconférence
Au procès des parents de Gabin, une seule partie civile s'était constituée, celle de l’association l’Enfant Bleu qui représentait l'enfant. Aucun membre de la famille, notamment les grands-parents, ne s’était constitué partie civile, personne non plus pour représenter le frère aîné du petit Gabin alors âgé de 6 ans.
Cette fois-ci, les choses ont changé : les deux parents se sont également constitués partie civile, ils assistent au procès et sont entendus par visioconférence depuis leur lieu de détention, Limoges pour la mère, Guéret pour le père. On pourrait y voir une stratégie en vue de leur procès d’assises en appel :
Il n’y a pas de stratégie, seulement le sentiment d’avoir mené à 3 Gabin à la mort. Ils avaient une confiance aveugle en leur médecin, expliquent les avocates de Céline V. mère du petit Gabin et d’Edouard R. à propos de leurs constitutions comme parties civiles.
Le frère du petit Gabin, de 5 ans son aîné et aujourd’hui âgé de 13 ans, est présent à l’audience. Placé en famille d’accueil, il est représenté par le Conseil départemental de la Creuse qui s'est également constitué partie civile.
Durant l'audience de ce jeudi 4 juin 2020, le Président du tribunal correctionnel a longuement confronté le médecin aux conclusions des experts, notamment à ses propres prises de notes de poids, totalement anormales et qui auraient dû l’alerter, lui faire consulter un pédiatre ou la PMI (Protection Maternelle et Infantile, qui dépend du Département).
Le médecin précise qu’il est très déstabilisé aujourd’hui par l’altération de son discernement pendant 15 mois, qu’il explique peut-être par une expérience de quelques années en Afrique où il a côtoyé de jeunes enfants bien plus maigres.
Vous pouvez suivre le déroulement des débats qui vont durer toute la journée sur le fil twitter de France 3 Limousin avec Isabelle Rio
#Guéret « C’est vrai que je n’imaginais pas faire une telle erreur à postériori mais à cette époque j’avais en consultation un enfant visiblement aimé entourré propre... je n’avais pas de quoi m’inquiéter par l’état visuel de l’enfant »
— France 3 Limousin (@F3Limousin) June 4, 2020
#Guéret Pour les parties civiles, ce n’est pas une erreur de diagnostic, pas un acte manqué, mais des négligences répétées qui bout à bout n’ont pas permis à Gabin d’être protégé. Il est mort par une succession d’abandons.
— France 3 Limousin (@F3Limousin) June 4, 2020
Dans ses réquisitions, le Procureur souligne qu’au-delà de ses négligences, il est difficile de constater que le médecin ait pu sciemment s’abstenir de provoquer les secours : il s’en remet donc au tribunal et ne requiert pas de peine.
De son côté, l’avocate du médecin plaide la relaxe, le délit pour péril imminent et abstention intentionnelle n’étant pas à ses yeux constitué.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 2 juillet 2020.