Création du précédent gouvernement, les "groupes de besoins" sont expérimentés dans les collèges depuis la rentrée de septembre 2024, en 6e et 5e et pour les heures de français et mathématiques. Si le rectorat de Limoges salue l'efficacité de la formation et l'accueil de cette réforme chez les enseignants, ces derniers demandent davantage de moyens humains.
Pour prendre à bras-le-corps la problématique des difficultés scolaires, des "groupes de besoins" ont vu le jour en cette rentrée 2024, en appui des cours en classe. Cette mesure, qui fait partie de l'initiative gouvernementale "choc des savoirs", est expérimentée pour les mathématiques et le français, et pour les classes de 6ᵉ et 5ᵉ seulement. Elle est destinée à être étendue au 4ᵉ et 3ᵉ en septembre 2025.
Par principe, il s'agit de regrouper en plus petits groupes des collégiens en difficulté pour les faire progresser. "Il ne s'agit pas forcément d'élèves en grande difficulté, mais plutôt des élèves qui auraient un peu plus de mal que d'autres sur un champ précis du programme", rappelle Philippe Arzoumanian, inspecteur de mathématiques et délégué à la pédagogie à l'Académie de Limoges. Six à dix semaines sont ainsi consacrées à des cours en groupe de besoins, sur les trente-six semaines de l'année scolaire.
Pourquoi la réforme est-elle plus facile à mettre en place en Limousin ?
"Un élève n'est pas forcément en difficulté toute l'année, et il faut lui donner, s'il s'améliore, la possibilité de passer d'un groupe à un autre. Le souci principal, c'est de rendre ça possible, d'où l'organisation de ces matières en « barrette »" , c'est-à-dire en heures communes à plusieurs classes et divisions. Il n'existe pas de "période réglementaire" pour passer d'un groupe à l'autre.
En Limousin, le faible nombre d'établissements (77 collèges publics et 10 privés sous contrat avec l'État), par rapport à d'autres académies comme Créteil ou Versailles, a favorisé la préparation des équipes enseignantes. Le rectorat a ainsi reçu en avril et mai 2024, lors de sessions de trois heures, les enseignants de français et de mathématiques de cinq établissements.
L'Académie de Limoges est à l'aune des autres régions : on a pu former les équipes très rapidement et leur donner du temps pour préparer cette organisation.
Philippe ArzoumanianDélégué académique à la pédagogie
Pour repère, le rectorat de Limoges estime qu'il faut en moyenne un groupe supplémentaire par rapport au nombre de classes par niveau. "Par exemple, un établissement qui aurait quatre classes de 6ᵉ devrait avoir cinq groupes de besoins en français et mathématiques," illustre Philippe Arzoumanian.
Les collèges ont la main sur l'organisation
À entendre le rectorat, l'application de la mesure semble satisfaire les enseignants. Le soin de former les groupes de besoins a été laissé entre les mains des équipes pédagogiques et les chefs d'établissement.
"Certains ont commencé l'année en classe entière, et ont attendu les résultats des évaluations nationales [des questionnaires que les élèves remplissent en début d'année en 6ᵉ et 5ᵉ, NDLR] pour former les groupes et commencer à envisager les thématiques à travailler dans ces groupes, explique Philippe Arzoumanian. D'autres établissements ont formé les groupes dès le début d'année, en s'appuyant sur l'expertise du premier degré. Puis, ils ajustent en fonction des résultats aux évaluations nationales."
C'est le cas à la cité scolaire d'Aubusson qui a reçu ce 17 octobre la visite de la nouvelle ministre de l'Éducation nationale Anne Genetet. "On a défini nos groupes en 6ᵉ en maths. En 5ᵉ, on vient de récolter les questionnaires qu'on va éplucher, et se baser sur les résultats et nos observations pour définir nos groupes pour la rentrée [de la Toussaint]," souligne Judith Gautier-Duprat, qui enseigne les mathématiques au collège Eugène-Jamot.
La professeure et ses collègues ont un message à faire passer à la ministre, mais ne se font "pas trop d'illusion sur le fait d'être entendus". "On demande plus de moyens pour mettre en place ces groupes, on manque de moyens humains, de professeurs, souligne Judith Gautier-Duprat. Comment va-t-on continuer à mettre en place ces réformes avec moins de postes ?" ajoute-t-elle, en référence à l'annonce gouvernementale de la suppression de 4 000 postes dans l'Éducation nationale.
Une "mesure aberrante"
Chez les syndicats d'enseignants, la mesure est jugée "aberrante, absurde, inefficace et injuste," qualifie Benoît Teste, secrétaire général FSU venu à Aubusson à l'occasion de la visite d'Anne Genetet. "La ministre a ouvert la possibilité de ne pas appliquer cette mesure en 4ᵉ et 3ᵉ, ce serait une bonne chose," juge le responsable syndical.
Cette mesure vise à cliver, à séparer les élèves, à avoir un système éducatif qui sélectionne, qui fait accéder le moins d'élèves possible au plus haut niveau.
C'est emblématique de ces mesures idéologiques qui visent à rassembler les plus faibles élèves entre eux et laisser progresser les autres à un rythme différent.
Benoît TesteEnseignant et secrétaire FSU
"C'est une mesure qui est davantage un tract politique qu'une solution sur le terrain, poursuit Benoît Teste. On le constate : les profs ne sont pas satisfaits de la manière dont on peut fonctionner avec de tels groupes, ils n'arrivent même plus à faire leur métier, ce pour quoi ils ont été formés."
Son syndicat appelle à l'abrogation de l'ensemble des mesures dites "choc des savoirs".