Creuse : le centre de santé de Saint-Silvain et Bellegarde-en-Marche cherche ses médecins

La construction du centre de santé de Saint-Silvain et Bellegarde-en-Marche (Creuse) vient de s'achever. Mais deux médecins manquent encore à l'appel. Les habitants se mobilisent pour que leur territoire ne devienne pas un désert médical.

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Depuis février dernier, il est enfin terminé. Le bâtiment du centre de santé de Bellegarde-en-marche (Creuse) est prêt depuis un mois. Il n'attend plus que deux médecins pour pouvoir fonctionner. Les recherches ont commencé il y a deux ans. Le temps presse : dès juillet prochain, le secteur pourrait devenir un désert médical si aucun médecin n'était trouvé.

Une réflexion entamée dès 2018

L'idée germe dès 2018 : il faut remplacer le docteur Jean-François Brousse, le médecin de Bellegarde-en-Marche (Creuse) qui partira bientôt à la retraite. La commune de Bellegarde met à disposition un terrain, proche de l'EHPAD des Bosquets auquel sera raccordé le centre de santé. Le 3 mars 2020, les communes de Bellegarde-en-Marche et Saint-Silvain-Bellegarde constituent un Syndicat intercommunal à vocation unique. La structure est à la fois propriétaire et bailleur du bâtiment de la maison de santé.

Les lieux sont loués par une association de préfiguration et d'accompagnement du centre de santé. Dans quinze ans, elle deviendra propriétaire des lieux. Un choix réfléchi pour éviter de peser sur les finances des administrés. Les travaux ont coûté 500 000 euros au total, financés à 80% par des subventions publiques.

En parallèle, l'association de préfiguration et d'accompagnement du centre de santé entame des recherches pour pallier le manque de médecins. Petites annonces, contacts avec les facultés de médecine de Limoges, Bordeaux et Clermont-Ferrand, démarchage auprès de médecins en Roumanie : tous les moyens sont mis en oeuvre. L'association fait même appel à un cabinet pour tenter de recruter des médecins belges, espagnols ou néerlandais. Mais depuis deux ans, les recherches patinent.

Un centre de santé prêt à fonctionner

Pourtant, la salle d'attente flambant neuve n'attend plus que les patients. Alain Bujadoux, maire de Saint-Silvain-Bellegarde, s'improvise agent immobilier. "On arrive dans le bureau qui servira pour la télémédecine ou des consultations de spécialistes. Plan de travail, placards, tout est neuf. On est opérationnel, une fois que les deux médecins seront là, ce sera parti !" 

À long terme, le centre devrait accueillir trois médecins généralistes, salariés par l'association. 

Ce que demandent les jeunes médecins, c’est de ne plus travailler seuls, 70 heures de travail par semaine, week-ends compris.

Alain Grass, vice-président de l'association de préfiguration

"Il y aura aussi une assistante médicale, qui se chargera de l'administratif et d'actes comme la pesée ou la prise de tension", ajoute Alain Grass. "Le but est de décharger les médecins le plus possible."  

La structure emploiera également un infirmier ASALEE (Association de médecins généralistes et d’infirmières déléguées à la santé publique), un responsable administratif et un gestionnaire.

La survie de la commune en jeu

L'ouverture du centre de santé a déjà été repoussée d'un an à cause du manque de médecins. Aujourd'hui, c'est à court terme que la situation devient difficile.

Recruter un médecin, c'est vital. Sinon, au 1er juillet, le territoire devient un désert médical.

Alain Grass, vice-président de l'association de préfiguration

Le docteur Jean-François Brousse, le médecin de Bellegarde-en-marche, prendra sa retraite le 30 juin prochain. Si un nouveau médecin était recruté, le docteur Brousse repousserait son départ à la retraite jusqu'en décembre 2022, en travaillant comme médecin salarié du centre.

Au-delà du centre de santé, c'est l'avenir du territoire qui est en jeu. Le Dr. Marie-Thérèse Jacques-Dumas, pharmacienne, s'inquiète alors que la pandémie a déjà dégradé la qualité du suivi des patients. "Entre le médecin, le cabinet infirmier et la pharmacie, c’est un trépied de soins. Si un élément manque, le système de soins local s’effondre. Il y aura des problèmes de santé publique à court et long termes."  Elle souligne aussi l'âge des habitants, "qui ont en majorité entre 70 et 90 ans" et qui ont donc besoin d'un suivi régulier. Le centre de santé a identifié une patientèle potentielle de 3000 personnes.

Le Dr. Marie-Thérèse Jacques-Dumas cherche aussi à vendre sa pharmacie. Mais impossible si le centre de santé n'ouvre pas bientôt ses portes.

C’est l’économie et une qualité de vie locales qui vont disparaître.

Dr. Marie-Thérèse Jacques-Dumas, pharmacienne

Une lettre au Président de la République

Mais une solution pourrait peut-être venir dénouer la situation, en la personne du Dr. Tarik Benchemam. Le médecin franco-algérien est arrivé en France en novembre dernier. Il travaille depuis au centre hospitalier d'Aubusson. En novembre prochain, il passera une épreuve de vérification des connaissances (EVC), pour obtenir un diplôme équivalent. Il devrait ensuite enchaîner sur deux années de pratique en milieu hospitalier.

"Nous trouvons tout à fait normal que le Dr. Benchemam passe son EVC. Mais nous aimerions qu'il travaille dès que possible avec nous", affirme Alain Grass. "Il a déjà travaillé à l'ambassade de France en Algérie pendant dix ans, donc en territoire français, où il aurait pu soigner des ministres ou le Président de la République." C'est d'ailleurs à Emmanuel Macron que l'association de préfiguration a adressé une lettre le 24 janvier dernier, lors de sa visite en Creuse.

L'association demande "d'accélérer l’arrivée du docteur Benchemam (...), sinon par une mesure dérogatoire, du moins par une évolution rapide de la législation." 

Le chef de cabinet du président de la République a répondu en février dernier. Il affirme "ne pas se résoudre à la transformation d'une commune rurale en désert médical" et écrit avoir transmis la missive au ministre de la Santé Olivier Véran et à la préfecture de la Creuse.

Mais les habitants du secteur ne baissent pas les bras. "On compte beaucoup sur le bouche-à-oreilles", confie Alain Grass.

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